Pointe-Noire, carrefour névralgique du Golfe de Guinée
Dans le bruissement caractéristique des grues portuaires, le terminal de Pointe-Noire a, le temps d’une matinée, troqué ses alarmes pour les accents d’une fanfare militaire. La cérémonie marquant le dixième anniversaire de Congo Maritime Services Company (CMSC) a rassemblé cadres de la place portuaire, diplomates accrédités et représentants du ministère des Transports, attirés par la vitalité d’une structure devenue incontournable depuis 2014.
Au-delà de la dimension symbolique, la date illustre la trajectoire d’un port dont le trafic conteneurisé a progressé de 35 % en dix ans, consolidant le rôle de Pointe-Noire dans la chaîne logistique régionale. « Nous avons fait de ce site un pont entre l’hinterland et les flux transatlantiques », s’est félicité Alain Mankou, directeur général de CMSC, saluant le « soutien permanent » des autorités nationales.
Une décennie de modernisation et d’efficience logistique
Créée avec l’ambition d’optimiser les services d’assistance aux navires, CMSC a progressivement diversifié son spectre d’intervention : manutention, consignation, consignation pétrolière et services aux passagers. Ces investissements cumulés, estimés à plus de 52 milliards de francs CFA, se traduisent par un temps d’escale réduit de 48 heures à 26 heures en moyenne, un indicateur que la Banque africaine de développement cite régulièrement comme « référence régionale ».
La digitalisation des procédures douanières, grâce à un guichet unique lancé en 2019, a également contribué à fluidifier le corridor Pointe-Noire/Brazzaville. L’observatoire indépendant PortWatch mentionne désormais le site congolais parmi les trois plateformes africaines les plus performantes pour le traitement des cargaisons agro-industrielles, un positionnement qui rejaillit positivement sur l’image du pays.
Partenariat public-privé et convergence avec la Vision 2025
Le parcours de CMSC ne peut se comprendre sans la politique d’ouverture prônée par le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso. Depuis 2013, le gouvernement a fait du schéma directeur ‘Vision 2025’ un levier de diversification économique, articulé autour des infrastructures de transport. L’autorité portuaire, restée majoritairement publique, s’est adossée à des opérateurs privés pour accroître ses capacités.
Du côté de CMSC, ce partenariat se traduit par un contrat de concession ferme qui assure la maintenance du quai et la formation continue de 600 techniciens congolais, dont 22 % de femmes. « Notre modèle démontre qu’un équilibre est possible entre capitaux privés et régulation publique », souligne Mireille Okombi, économiste maritime à l’Université Marien-Ngouabi, rappelant que l’Organisation maritime internationale salue « l’exemplarité de la gouvernance portuaire congolaise ».
Cap sur la transition énergétique et la décarbonation des flux
Dans un contexte mondial où la décarbonation domine les agendas, CMSC a annoncé l’arrivée prochaine de deux remorqueurs hybrides et l’installation de bornes d’électrification à quai, destinées à limiter les émissions des navires durant les opérations de chargement. Cette initiative, soutenue par le Fonds vert pour le climat, pourrait réduire de 18 000 tonnes les rejets de CO₂ sur cinq ans.
Le ministre des Hydrocarbures, Jean-Marc Thystère-Tchicaya, présent lors de la célébration, a salué « une démarche alignée sur les engagements pris à la COP27 ». Pour les observateurs, ce virage écologique constitue un avantage compétitif, à l’heure où les armateurs européens conditionnent déjà l’accès de leurs flottes aux ports dotés d’infrastructures moins carbonées.
Perspectives régionales et diplomatiques pour la prochaine décennie
Les projections tablent sur un doublement du trafic de conteneurs à l’horizon 2030, porté par la Zone de libre-échange continentale africaine. CMSC envisage d’ouvrir un centre de formation régional dédié aux métiers de la mer afin de créer un vivier de compétences locales et d’ancrer Pointe-Noire dans le concert des ports intelligents.
Déjà, la Banque mondiale souligne que l’amélioration continue du corridor logistique congolais facilite l’intégration de l’Afrique centrale. Dans la même veine, l’Union européenne voit dans les performances de Pointe-Noire un argument en faveur d’un renouveau des chaînes d’approvisionnement mondiales, plus diversifiées et plus résilientes. Au terme de cette décennie fondatrice, la direction de CMSC préfère retenir « l’esprit pionnier » insufflé par l’État congolais et réaffirme son ambition : faire du port de Pointe-Noire la porte d’entrée incontournable du bassin du Congo.