Un itinéraire étatique au service de la création d’entreprise
En donnant, le 17 juillet dernier, le coup d’envoi de la caravane de l’entrepreneuriat à Dolisie, la ministre des Petites et moyennes entreprises et de l’Artisanat, Jacqueline Lydia Mikolo, a rappelé l’ambition cardinale du gouvernement : faire de l’initiative privée un levier de croissance endogène. Initiée en mars à Ignié, l’opération sillonne désormais les départements pour disséminer, au plus près des populations, les informations administratives, fiscales et financières indispensables à la création d’entreprise. Cette décentralisation de l’accompagnement, saluée par plusieurs observateurs, s’inscrit dans le cadre du Plan national de développement 2022-2026, lequel mise sur la diversification économique par la promotion du capital humain.
Dolisie, carrefour stratégique et laboratoire économique
Troisième agglomération du pays et trait d’union historique entre le littoral atlantique et l’hinterland, Dolisie concentre des atouts que la ministre qualifie de « ressources matricielles ». Son positionnement géographique, au croisement des axes Pointe-Noire–Brazzaville et Cabinda–Kinshasa, la dote d’un potentiel logistique considérable, renforcé par la réhabilitation progressive du chemin de fer Congo-Océan. Les forêts du Mayombe, les vallons agricoles et les massifs montagneux avoisinants constituent en outre un vivier pour l’agro-industrie, l’écotourisme et l’économie verte.
Agro-business, bois et numérique : triptyque de croissance
Le choix de Dolisie répond à une logique sectorielle assumée : accroître la transformation locale de la biomasse, encourager la deuxième et troisième transformation du bois, dynamiser les filières vivrières et ouvrir la voie à des services numériques au bénéfice de ces chaînes de valeur. Selon les données communiquées par l’Agence de développement des très petites, petites et moyennes entreprises (AD-TPME), près de 42 % des porteurs de projets rencontrés envisagent une activité agricole ou para-agricole, 25 % s’orientent vers le bois et la menuiserie, tandis que 18 % explorent les applications mobiles dédiées au e-commerce ou à la géolocalisation des produits forestiers.
Des chiffres éloquents, un engouement inédit
Après quatre mois d’itinérance, la caravane totalise 8 996 personnes enrôlées, dont 4 527 femmes, proportion qui déjoue les stéréotypes de genre traditionnellement associés à l’entrepreneuriat. Le directeur général de l’AD-TPME, Aimé Blanchard Linvani, se félicite de « la montée en puissance d’une jeunesse qui refuse la fatalité du chômage ». L’âge médian des inscrits s’établit à 29 ans, et 61 % d’entre eux déclarent disposer d’un niveau d’instruction équivalent ou supérieur au baccalauréat, signe d’un capital cognitif mobilisable pour l’innovation.
Accompagnement sur mesure et mécanismes de financement
Loin de se limiter à une campagne d’information, l’initiative prévoit, pour chaque idée validée, l’élaboration d’un plan d’affaires, un suivi juridique et un mentorat technique assuré par des entrepreneurs chevronnés. Côté financement, le Fonds national de soutien à l’entrepreneuriat — doté de deux milliards de francs CFA pour l’exercice 2024 — offre des prêts à taux préférentiels, complétés par une garantie partielle accordée par la Banque postale du Congo. « Notre rôle est de réduire l’asymétrie d’information qui freine l’accès au crédit », souligne Brice Mavoungou, responsable risque de l’établissement.
Regards croisés de jeunes porteurs de projet
Dans la salle polyvalente de la mairie, Rachel Bissila, diplômée en botanique, confie son ambition de lancer une unité de tisanes à base de moringa : « Les conseils obtenus sur l’homologation phytosanitaire et la comptabilité simplifiée me donnent confiance ». Pour sa part, Fabrice Mbouity, technicien informatique, envisage un service de géomapping des zones de coupe forestière afin d’assurer une exploitation durable : « Avec la connexion 4G et un capital de deux millions de francs CFA, c’est faisable ». Leurs récits illustrent la mutation cognitive d’une jeunesse qui perçoit l’entrepreneuriat non plus comme un dernier recours, mais comme un choix rationnel.
Un maillage institutionnel consolidé
Le succès espéré de la caravane repose également sur la coopération entre collectivités locales, organisations patronales et partenaires techniques internationaux. Le maire de Dolisie, Marcel Koussikana, évoque la création prochaine d’un guichet municipal unique simplifiant l’enregistrement des entreprises et la délivrance des permis de construire. De son côté, le Programme des Nations unies pour le développement accompagne un module sur la gestion environnementale des PME, confirmant la convergence entre développement économique et durabilité.
Vers un écosystème régional compétitif
À moyen terme, la caravane ambitionne de fédérer un réseau d’incubateurs interconnectés, depuis Dolisie jusqu’à Sibiti et Madingou, consolidant ainsi le corridor ouest-centre. L’université Marien-Ngouabi travaille à l’implantation d’un centre satellite dédié à la recherche-développement en biomatériaux, tandis qu’une start-up de Pointe-Noire propose déjà des stages immersifs pour les lauréats du programme. Cette dynamique, observe l’économiste Marius Louzolo, pourrait accroître de 1,3 point le produit intérieur brut régional d’ici 2027, sous réserve d’une stabilité macro-financière prolongée.
Une synergie avec la vision présidentielle de la relance
Alors que le président Denis Sassou Nguesso plaide régulièrement pour une « économie de talents », la caravane illustre concrètement cette orientation. En privilégiant l’inclusion financière et la montée en valeur ajoutée locale, le dispositif participe à la réduction des importations alimentaires et à l’expansion des exportations hors pétrole. Dolisie, en se positionnant comme hub des filières vertes et numériques, démontre que la territorialisation des politiques publiques demeure un vecteur puissant de cohésion nationale.
Entre défis structurels et optimisme raisonné
La volatilité du coût de l’énergie, la nécessité de moderniser les infrastructures routières et la rareté persistante des capitaux privés rappellent toutefois l’ampleur des défis. Néanmoins, la combinaison d’une volonté politique affirmée, d’un accompagnement technique rigoureux et d’une jeunesse de plus en plus formée laisse entrevoir des marges de progression substantielles. Comme le résume avec sobriété Mme Mikolo : « L’entrepreneuriat n’est plus une vue de l’esprit, c’est un agenda de gouvernement ».