Le rapport annuel 2025 du CAD
Le Centre d’action pour le Développement a dévoilé, le 9 décembre à Brazzaville, un rapport de cent pages consacré à la situation des droits humains en République du Congo. L’ouvrage, présenté comme un outil de mémoire et de plaidoyer, s’appuie sur enquêtes de terrain et entretiens.
Pour Trésor Nzila, directeur exécutif de l’organisation, ces données étayeront les politiques publiques. « Nous publions par obligation d’informer, d’alerter et de dresser un bilan annuel », a-t-il rappelé devant un parterre d’activistes, de juristes et de représentants institutionnels.
Des données en forte hausse
Le document relève une progression jugée inquiétante des atteintes recensées dans sept des quinze départements. Les violations civiles et politiques, au nombre de 1 814 en 2024, seraient passées à 4 182 en 2025, soit une hausse de 131 %, selon le CAD.
Face à ces chiffres, l’association estime que « l’activisme militaire » a donné l’impression d’une impunité persistante, les structures étatiques apparaissant, selon elle, incapables de sanctionner chaque cas. Le rapport demande cependant de rétablir la primauté de la loi dans un cadre apaisé.
Une jeunesse confrontée à la violence
Au-delà des statistiques, le CAD évoque une jeunesse « durablement exposée au spectacle de la souffrance et de l’humiliation ». Pour l’organisation, l’augmentation des tensions sociétales risque d’alimenter frustrations et méfiance si aucune réponse inclusive n’est engagée.
L’association poursuit que le recours régulier à la force pour résoudre des revendications sociales pourrait fragiliser la cohésion nationale. De son point de vue, une concertation ouverte avec les organisations de proximité constituerait un premier filet de sécurité.
La proposition d’une commission indépendante
Pour rassurer les citoyens et leurs familles, le CAD suggère une commission d’enquête indépendante réunissant société civile, pouvoirs publics et victimes. L’organe, assure Trésor Nzila, ne requiert pas « un budget important mais une volonté politique » et pourrait restaurer la confiance.
Le rapport insiste sur le fait que cette démarche inscrirait la République du Congo dans une dynamique d’exemplarité régionale sans remettre en cause la souveraineté des institutions existantes. Elle offrirait surtout un espace de dialogue méthodique pour élucider les faits documentés.
Renforcer la traçabilité dans les lieux de détention
Autre attente exprimée : la création d’un registre centralisé dans tous les centres de privation de liberté. La mesure, selon le CAD, fluidifierait la chaîne d’information entre magistrats, avocats et familles et limiterait le risque de détentions prolongées non signalées.
Le même chapitre plaide pour l’indemnisation des familles dont les habitations auraient été détruites lors d’opérations menées par des agents de la Direction générale de la sécurité présidentielle. Un mécanisme d’évaluation rapide des dommages serait, d’après l’organisation, un signal d’équité.
Situation des autochtones de la Likouala
Les enquêteurs évoquent également le sort des Congolais originaires de la Likouala présentés comme employés dans des plantations cacaoyères de la République démocratique du Congo. Ils appellent au rapatriement volontaire et à la protection de ces populations dites autochtones.
Selon le rapport, un suivi bilatéral permettrait d’éviter toute exploitation transfrontalière et de consolider la coopération entre les deux États voisins. Sur ce sujet, aucune réaction officielle n’a encore été enregistrée, le texte invitant à une coordination diplomatique sereine.
Un festival pour sensibiliser
La publication s’est déroulée en marge du Festival Slam pour les droits humains, organisé du 8 au 10 décembre dans la capitale. Artistes, étudiants et juristes ont mêlé arts oratoires et débats pour vulgariser les enjeux de protection des libertés fondamentales.
Aux yeux des organisateurs, la culture offre un vecteur efficace pour rapprocher institutions et citoyens. Le slam, fondé sur la confrontation pacifique des mots, permet de revenir sur des réalités parfois techniques en conservant un langage accessible et une portée émotionnelle.
Les prochaines étapes
Interrogé sur la diffusion du rapport, Trésor Nzila a indiqué qu’un exemplaire serait transmis aux autorités compétentes ainsi qu’aux partenaires internationaux. L’équipe du CAD prévoit également des ateliers régionaux pour expliquer la méthodologie retenue et recueillir d’éventuels compléments d’information.
Pour l’heure, le document sert avant tout de base de dialogue. Les rédacteurs affirment que la communauté nationale gagnerait à articuler prévention, sanction et réparation pour consolider l’État de droit. Ils disent rester ouverts aux observations susceptibles d’améliorer leur prochaine édition.
Les autorités n’ont pas encore officialisé de position sur les recommandations avancées. Plusieurs observateurs jugent néanmoins que l’existence même d’un tel rapport témoigne d’un espace civique dynamique, propice au débat constructif autour des réformes en cours ou à venir.
L’enjeu, conclut le CAD, n’est pas d’opposer sociétés civiles et institutions, mais de conjuguer leurs regards pour moderniser des pratiques déjà engagées dans plusieurs secteurs. Le prochain semestre dira si l’appel à la co-construction d’une commission d’enquête trouve un écho favorable.
Perspectives régionales
Si la commission voyait le jour, ses conclusions pourraient alimenter le travail de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, autre cadre où le Congo-Brazzaville présente régulièrement ses rapports périodiques. Le CAD estime qu’une telle synergie renforcerait la crédibilité régionale et l’image internationale.
