La formation, levier de sensibilisation
Rassemblés début décembre à Brazzaville, une trentaine de journalistes issus de rédactions publiques et privées ont suivi un atelier consacré à l’économie bleue. L’initiative était portée par la Fédération des associations pour l’économie bleue au Congo et la Télévision nationale.
Objectif affiché : donner aux professionnels des médias les clés pour expliquer à leurs audiences l’urgence de préserver les fleuves, rivières et zones côtières, tout en soulignant le potentiel de croissance que recèlent ces milieux pour le Congo-Brazzaville.
Un concept encore méconnu
Pour beaucoup de participants, le terme même d’« économie bleue » restait flou avant la formation. Or, pêche artisanale, transport fluvial, aquaculture ou écotourisme figurent déjà dans la vie quotidienne, mais rarement sous une approche globale et durable.
Pitsou Lebala Issendet Abondo, président de la Faebco, a rappelé que « les activités existent depuis des générations ; ce qui change, c’est la volonté de les structurer pour créer de la valeur tout en préservant l’environnement », soulignant l’importance d’une terminologie partagée.
Le rôle clé des médias
Au nom de la direction générale de la Télévision congolaise, Albin Blair Essanotae a insisté sur la responsabilité des rédactions : « Vous êtes les bâtisseurs de la conscience citoyenne ». Selon lui, chaque reportage doit rappeler que les ressources aquatiques ne sont pas inépuisables.
Il a invité les journalistes à multiplier les formats pédagogiques, des magazines aux reportages de terrain, afin de montrer des exemples concrets d’usagers adoptant des pratiques respectueuses : poissonniers limitant les captures juvéniles ou bateliers réduisant leurs rejets polluants.
L’approche se veut participative : les reporters sont encouragés à poser des questions critiques tout en proposant des pistes de solutions. Une démarche d’autant plus pertinente que les communautés riveraines détiennent souvent les savoirs utiles à une gestion durable.
Alignement avec la vision présidentielle
Depuis plusieurs années, le chef de l’État, Denis Sassou N’Guesso, plaide pour une diversification économique axée sur la valorisation des ressources naturelles. L’économie bleue s’inscrit dans cette orientation, aux côtés de la stratégie nationale de développement durable.
En soutenant la formation des journalistes, les autorités entendent créer un cercle vertueux : information de qualité, changement de comportement, puis renforcement des filières aquatiques. Les retombées attendues concernent autant l’emploi des jeunes que la sécurité alimentaire.
Le ministère de l’Économie et celui des Pêches multiplient déjà les partenariats, notamment avec la Banque africaine de développement, pour financer des débarcadères modernes et des unités de transformation conformes aux normes sanitaires.
Vers une culture de durabilité
Au-delà des infrastructures, le succès de l’économie bleue repose sur l’adhésion des populations. D’où l’importance du récit médiatique pour amplifier les expériences positives, expliquer les réglementations et attirer les investissements responsables.
Les attestations remises à la fin de l’atelier symbolisent cette nouvelle alliance savoir-faire et engagement. Plusieurs lauréats envisagent déjà des séries radiophoniques en langue locale afin d’atteindre les pêcheurs et les commerçantes des marchés fluviaux.
D’autres misent sur le journalisme de données pour cartographier la qualité de l’eau et la répartition des mangroves, offrant aux décideurs une base scientifique. Un contenu plus pointu qui pourrait séduire les plateformes numériques en plein essor.
Les organisateurs projettent de renouveler la formation dans les chefs-lieux départementaux, pour toucher la presse de proximité. À terme, un réseau de correspondants spécialisés devrait voir le jour, capable de suivre les indicateurs écologiques et économiques.
La Faebco, en coordination avec les ministères techniques, prépare également un guide pratique à l’intention des rédactions. Illustré de cas congolais, il détaillera les notions de biodiversité, de rentabilité et de gouvernance applicables aux milieux aquatiques.
Pour beaucoup d’observateurs, ces outils seront d’autant plus utiles que le fleuve Congo, deuxième plus long cours d’eau d’Afrique, concentre une biodiversité exceptionnelle tout en soutenant les moyens de subsistance de millions de citoyens.
La République du Congo, signataire de plusieurs accords internationaux, a déjà pris des mesures, notamment l’interdiction de certains filets destructeurs et la création de zones protégées. Les textes existent ; leur appropriation par le public reste déterminante.
Dans ce contexte, la presse a un double rôle : vulgariser les normes et fournir un suivi régulier. Les rédactions ayant participé à l’atelier se sont engagées à ouvrir des rubriques dédiées, parfois en collaboration avec des chercheurs locaux.
Les instances de régulation, telles que le Conseil supérieur de la liberté de communication, voient d’un bon œil cette spécialisation émergente. Elles estiment qu’elle contribuera à élever la qualité globale de l’information sur les questions environnementales.
En capitalisant sur l’élan actuel, les journalistes congolais peuvent devenir des acteurs incontournables de la transition vers une économie bleue inclusive, créatrice d’emplois et protectrice des écosystèmes dont dépend l’avenir des générations futures.
La prochaine étape consistera à mesurer l’impact de cette mobilisation médiatique. Des indicateurs tels que la diminution des prises illégales ou l’augmentation des investissements verts permettront d’évaluer si, au-delà des mots, une réelle transformation s’amorce sur le terrain.
