Un chantier législatif devenu priorité gouvernementale
Adopté en juillet 2023 et décliné en décrets d’application le 18 avril 2025, le code du sport congolais matérialise l’ambition du gouvernement de placer la pratique sportive au cœur des politiques publiques. En convoquant la presse nationale le 7 juillet à Brazzaville, la Direction générale des Sports (DGS) a souhaité offrir un éclairage raisonné sur la quintessence de ce corpus normatif. Le directeur général, Jean Robert Bindelé, a insisté sur la cohérence d’un dispositif pensé « pour garantir à chaque citoyen un accès égal au sport, quelles que soient ses origines sociales ou géographiques ». L’argument met en perspective la conception inclusive que l’exécutif entend promouvoir, dans un pays où la jeunesse représente plus de 60 % de la population.
Sélection nationale : baliser la méritocratie
Premier volet exposé à la presse, le décret n° 2025-129 fixe les critères de sélection en équipe nationale. Il consacre la méritocratie sportive en établissant une grille d’évaluation transparente, combinant performance statistique, état de santé et discipline individuelle. « Le temps des convocations fondées sur le réseau ou la réputation est révolu », résume Jean Robert Bindelé, persuadé que cette codification dissipera les suspicions de favoritisme. Sur le plan juridique, le texte élargit aussi la responsabilité de l’État, qui doit garantir l’intégrité des données de suivi des athlètes et veiller à la disponibilité des infrastructures d’entraînement. Pour de nombreux observateurs, dont l’analyste sportif Lucien Ndounga, cette exigence renforce la légitimité des sélections et nourrit l’espoir d’un retour fréquent du drapeau tricolore sur les podiums africains.
Éthique sportive : vers une régulation des pratiques connexes
Le décret n° 2025-128, consacré à l’éthique de la pratique sportive, constitue l’autre pierre angulaire du dispositif. Au-delà de la lutte contre le dopage, il encadre le sponsoring, les primes et la gestion de l’image des athlètes. Gin Clord Samba Samba, directeur des activités sportives, détaille que « toute convention de parrainage devra désormais intégrer un volet éducation et respecter la dignité du sportif ». L’approche répond à une exigence croissante de gouvernance responsable, déjà encouragée par les instances internationales. Elle anticipe également les risques de conflits d’intérêts dans un contexte de professionnalisation accrue des disciplines olympiques et paralympiques.
Responsabilités partagées des fédérations et des clubs
Si l’État se montre volontariste, la réussite du nouveau cadre dépendra en grande partie des fédérations et des clubs. L’inspecteur général des Sports, Charles Ndinga, rappelle que chaque organisme est tenu d’intégrer les dispositions du code dans ses statuts internes et de les porter à la connaissance de ses licenciés. Il souligne que « l’autonomie associative n’est nullement remise en cause ; elle est simplement accompagnée d’un devoir de redevabilité ». Dans les faits, cette redevabilité prend la forme d’audits annuels et d’obligations de formation continue des cadres techniques. La mesure traduit une logique de coresponsabilité qui, à terme, pourrait améliorer la qualité du suivi médico-sportif et la protection sociale des athlètes.
La presse comme interface pédagogique
Consciente que la norma n’est efficace qu’à condition d’être connue, la DGS a placé les médias au centre de sa stratégie de vulgarisation. Des ateliers seront organisés dans les douze départements du pays, afin de traduire le jargon juridique en messages accessibles. Selon la sociologue du sport Éléonore Mabika, une telle démarche « renforce la citoyenneté sportive en transformant le supporter passif en acteur informé ». Les associations de journalistes sportifs saluent cet engagement, estimant qu’il valorise leur rôle de médiateurs tout en favorisant la montée en compétence des rédactions régionales.
Un dispositif dynamique appelé à s’enrichir
La DGS a d’ores et déjà annoncé qu’un second train de textes complétera le code d’ici à la fin de l’année, pour aborder notamment l’e-sport, le sport scolaire et l’inclusion des personnes en situation de handicap. Cette capacité d’adaptation illustre la volonté de l’exécutif de doter le Congo d’un cadre vivant, ajusté aux mutations rapides du champ sportif mondial. Pour l’universitaire Pierre-Alain Okombi, spécialiste de politiques publiques, « le gouvernement consolide ainsi un instrument de soft power, à même de projeter une image positive du Congo sur la scène internationale ». À l’heure où les candidatures aux organisations de compétitions majeures se multiplient, ce capital normatif pourrait servir de levier diplomatique, tout en rassurant les investisseurs et partenaires techniques sur la sécurité juridique de leurs engagements.
Cap sur une gouvernance sportive modernisée
En définitive, la campagne de vulgarisation inaugurée à Brazzaville confirme la centralité que le pouvoir congolais accorde au sport comme vecteur de cohésion et de rayonnement. Le code, ses décrets et les initiatives qui les prolongent esquissent les contours d’une gouvernance sportive qui se veut à la fois inclusive, performative et éthique. Reste à mesurer sur le moyen terme la capacité des différents acteurs à internaliser ces nouvelles règles et à transformer les ambitions réglementaires en résultats tangibles sur le terrain et dans les tribunes.