D’un diagnostic clinique à une thérapie énergétique
Dans les cercles diplomatiques, il est désormais acquis que le développement d’un État se mesure autant au nombre de mégawatts produits qu’à la capacité de les acheminer jusqu’à la plus modeste bourgade. Le gouvernement congolais, conscient de cet impératif de souveraineté, a choisi de formuler un Pacte national de l’énergie dont la vocation est de connecter plus de 800 000 ménages avant la fin de la décennie. Cette initiative, portée par le ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique, répond au constat d’une offre encore inférieure à la demande, d’infrastructures vieillissantes et d’un accès inégalitaire à un service pourtant devenu droit fondamental, comme l’a rappelé la représentante résidente du Programme des Nations unies pour le développement, Adama Dian Barry. L’atelier de validation ouvert le 22 juillet cristallise donc un consensus rare : l’urgente nécessité d’une électricité fiable et abordable pour garantir la dignité des populations et accélérer la diversification économique.
Une ambition adossée à un multilatéralisme assumé
Pour un pays dont le produit intérieur brut dépend encore largement du secteur extractif, le soutien de partenaires techniques et financiers de premier plan représente un levier stratégique. Le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Fondation Rockefeller s’inscrivent dans cet écosystème de la Mission 300, consacrée à l’accélération de l’accès universel à l’énergie. Le pacte sera formellement présenté à New York, en marge de la prochaine Assemblée générale des Nations unies, témoignant d’une diplomatie économique pleinement mobilisée. Cette approche multilatérale, loin de diluer la souveraineté nationale, s’avère performative : les cofinancements réduisent les risques, tandis que le transfert de technologie ouvre une trajectoire bas carbone en phase avec les engagements climatiques de l’Accord de Paris.
La filière renouvelable comme vecteur d’inclusion
L’ossature technique du programme repose sur la diversification du mix énergétique. Hydroélectricité, solaire, hydrolien et biomasse forment un quatuor voué à limiter l’empreinte carbone tout en créant de nouvelles chaînes de valeur. L’hydroélectricité, historiquement pilier du réseau congolais, conserve son avantage comparatif grâce aux bassins fluviaux. Le photovoltaïque, quant à lui, se prête à l’électrification des localités isolées de moins de 1 000 habitats, où l’extension du réseau serait économiquement dispendieuse. À l’horizon 2035, la part des renouvelables devrait dépasser 60 % du parc installé, positionnant Brazzaville comme acteur régional de la transition énergétique. Au-delà des kilowatts, l’enjeu est sociétal : l’accès à l’éclairage prolonge les heures d’apprentissage, sécurise les structures sanitaires et favorise l’entrepreneuriat féminin.
Gouvernance et tarification : la quadrature du kilowatt
Si la dimension technologique suscite l’adhésion, la pérennité financière impose une articulation subtile entre tarifs sociaux et équilibre budgétaire. Le gouvernement entend instaurer une grille tarifaire progressive : le premier palier subventionné protège les ménages vulnérables, tandis qu’une tarification incitative sur les gros consommateurs réduit les pertes commerciales. Un mécanisme de régulation indépendant, inspiré des meilleures pratiques régionales, doit garantir la transparence des contrats d’achat d’électricité et la sécurité juridique des investisseurs. L’objectif ultime est de créer une chaîne de valeur où chaque kilowatt produit est un kilowatt facturé, condition sine qua non pour attirer un capital privé durable.
Vers un contrat social électrique
Au terme de l’atelier, le ministre Émile Ouosso a rappelé que la réussite du Pacte national de l’énergie exige une « synergie réelle » entre État, bailleurs, secteur privé et société civile. Cette coproduction de la politique publique s’apparente à un nouveau contrat social, où l’électricité devient le révélateur d’une inclusion territoriale et intergénérationnelle. Dans un environnement géopolitique marqué par la vulnérabilité énergétique du continent, le Congo-Brazzaville choisit ainsi d’ériger l’accès universel à l’électricité en instrument de cohésion et de compétitivité. La signature annoncée à New York devrait entériner cette vision et envoyer au marché le signal d’une volonté politique stable, condition décisive pour transformer la promesse de 800 000 compteurs en une réalité palpable dans chaque foyer.