Annonce d’une visite économique stratégique
Brazzaville prépare l’arrivée, en octobre, d’une dizaine d’entreprises belges désireuses d’évaluer le marché congolais. Alexandre Gianasso, chargé d’affaires a.i de la Belgique, a communiqué l’information lors d’un déjeuner de presse, soulignant « l’excellence de la collaboration politique et commerciale » entre les deux pays.
Cette mission fait suite à la tournée africaine de Maxime Prévot, vice-Premier ministre belge des Affaires étrangères. Le choix d’entamer son périple par le Congo, salué à Oyo par le président Denis Sassou Nguesso, confirme la place singulière de Brazzaville dans la stratégie économique de Bruxelles.
Un partenariat historique en mouvement
Les relations entre la Belgique et le Congo-Brazzaville sont enracinées dans un passé diplomatique dense. Bien qu’ayant connu des fluctuations, les échanges n’ont jamais cessé. Ils se reforment aujourd’hui autour de la nécessité, partagée, d’accroître la valeur ajoutée locale et de stimuler les chaînes régionales.
D’après les données douanières, la Belgique occupe le troisième rang des exportateurs vers le Congo et le neuvième pour ses importations. Cette double position reflète un commerce équilibré, Stéphane Bidounga, économiste à l’Université Marien-Ngouabi, estime qu’« une montée en gamme est désormais possible grâce aux investissements productifs ».
Les secteurs phares pour les investisseurs
Énergie, transport, logistique, santé et numérique constituent les cinq axes prioritaires retenus par la délégation belge. Ils correspondent aux besoins identifiés dans le Plan national de développement 2022-2026, qui mise sur la diversification pour réduire la dépendance aux hydrocarbures.
Dans l’énergie, l’expertise belge en gestion de réseau et en technologies renouvelables offre des perspectives. Un représentant du groupe Tractebel confie vouloir « accompagner le Congo vers une électrification rurale durable », en synergie avec les programmes nationaux d’accès à l’électricité.
Le segment santé attire également l’attention. Bruxelles dispose d’un savoir-faire reconnu en équipements hospitaliers et e-santé. Selon le Dr Mireille Ngoma, cardiologue au CHU de Brazzaville, l’arrivée d’acteurs étrangers « peut accélérer la modernisation des plateaux techniques et former le personnel ».
Un contexte régional favorable
L’Afrique centrale bénéficie d’une dynamique d’intégration économique, matérialisée par la Zone de libre-échange continentale. Pour les sociétés belges, le Congo se présente comme une porte d’entrée vers un marché de plus de 200 millions d’habitants, avec des corridors logistiques en amélioration.
Le complexe portuaire de Pointe-Noire, modernisé ces dernières années, se positionne comme un hub de transbordement vers l’hinterland. Les compagnies maritimes belges, fortes de leur expérience à Anvers, évaluent la faisabilité de partenariats public-privé pour étendre les terminaux marchands.
Sur le plan environnemental, Bruxelles se dit prête à appuyer Brazzaville dans la préservation du Bassin du Congo, deuxième poumon vert mondial. Cette convergence climatique pourrait faciliter l’accès à des financements verts, utiles aux projets d’infrastructures bas carbone.
Des attentes réciproques et mesurées
Côté congolais, les autorités attendent la création d’emplois qualifiés et le transfert de compétences. Le ministre délégué au Développement industriel souligne que « l’idéal est de valoriser localement nos ressources et de renforcer les PME nationales à travers des co-entreprises ».
Les entrepreneurs belges, eux, recherchent une stabilité réglementaire. L’adhésion du Congo à l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires constitue, selon la Chambre de commerce belgo-luxembourgeoise, un gage de sécurité juridique favorable à la matérialisation des promesses d’investissement.
Regards d’experts congolais
Pour l’analyste Patricia Massamba, l’arrivée d’investisseurs européens diversifie les partenariats traditionnels. « Cela offre une pluralité de modèles d’affaires et peut déclencher un effet d’émulation entre partenaires asiatiques, américains et africains », précise-t-elle.
Cependant, les observateurs insistent sur la nécessité d’inclure les universités. « Les projets devraient intégrer la recherche locale, afin de générer de l’innovation endogène », suggère le sociologue Guy-André Okombi, rappelant l’importance de capter la valeur intellectuelle générée par les projets.
Perspectives à moyen terme
La mission d’octobre sera suivie d’un forum bilatéral prévu à Bruxelles au premier semestre 2025. L’objectif affiché est de signer des protocoles d’accord sectoriels, avant de mobiliser des instruments financiers comme Credendo ou la Banque européenne d’investissement.
Si ces initiatives aboutissent, le volume des échanges pourrait franchir la barre d’un milliard d’euros d’ici trois ans, selon une estimation prudente du cabinet Dataconsult. Ce palier renforcerait la contribution du Congo à la balance commerciale de la Belgique en Afrique subsaharienne.
Au-delà des chiffres, cette coopération renouvelle la dynamique Sud-Nord mutuellement avantageuse. Elle illustre la volonté du gouvernement congolais de valoriser son potentiel tout en consolidant des alliances historiques, dans un esprit d’ouverture et de complémentarité.