Brazzaville met l’I.A au service de la finance
Dans les tours jumelles de Mpila, l’hôtel Hilton a accueilli, le 21 octobre 2025, une conférence consacrée à l’intelligence artificielle et à son influence sur la finance africaine. L’événement, piloté par le Ministère des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique, a fait salle comble.
Aux côtés du ministre Léon-Juste Ibombo, la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, Acadys, le Banking and Finance Training Institute et le Centre africain de recherche en intelligence artificielle ont mobilisé décideurs publics, banquiers, chercheurs et start-ups pour débattre du futur numérique du continent.
Intervenant en ouverture, le ministre a rappelé que l’I.A n’est plus un horizon lointain mais un moteur déjà opérationnel de croissance. « Nous voulons bâtir une souveraineté technologique où l’Afrique parle d’égal à égal », a-t-il lancé sous des applaudissements nourris.
Des alliances internationales déterminantes
Pour transformer cette ambition en programme concret, le ministère cible cinq priorités: généraliser l’accès au très-haut débit, multiplier les formations spécialisées, promouvoir une gouvernance éthique des données, adapter la régulation aux usages émergents et installer une culture de confiance numérique dans l’ensemble des filières.
Les experts ont détaillé les usages déjà opérationnels dans la finance: algorithmes de détection de fraude, robots d’allocation d’actifs, scoring de crédit temps réel ou encore automatisation des déclarations réglementaires. À chaque exemple, les intervenants ont insisté sur la réduction des coûts et l’amélioration des marges.
Mais l’innovation ne suffit pas. « Les citoyens attendent des garanties de sécurité et de respect de la vie privée », a rappelé le Dr Christophe Legrenzi, président d’Acadys. Selon lui, la confiance est devenue la principale devise d’un futur écosystème financier augmenté par l’I.A.
Le représentant de la C.E.A, Jean-Luc Mastaki Namegabé, a salué « une initiative qui place le Congo-Brazzaville dans le peloton de tête des pays africains engagés sur l’I.A ». L’institution onusienne s’est dite prête à fournir analyses comparatives, lignes directrices et opportunités de financements dédiés.
Former un vivier de compétences locales
À Brazzaville, plusieurs fintechs locales ont profité de la tribune pour présenter des solutions d’inclusion bancaire s’appuyant sur le mobile money et le machine learning. L’enthousiasme affiché a rappelé le potentiel d’une jeunesse entrepreneuriale qui cherche des relais de croissance hors ressources extractives.
Les universitaires conviés ont néanmoins averti sur le déficit actuel de profils qualifiés. Ils estiment à plusieurs milliers le besoin annuel d’analystes de données, d’ingénieurs cloud et de spécialistes cybersécurité si le pays veut tirer un rendement macroéconomique durable des technologies cognitives.
En réponse, le ministère développe avec le B.F.T.I un programme de bourses ciblées et de cours en ligne massifs ouverts. Objectif déclaré : former sur place au moins 60 % des futures compétences nécessaires, afin de limiter l’érosion des talents vers d’autres pôles.
Éthique et confiance, conditions du succès
Le cadre réglementaire figure aussi parmi les chantiers prioritaires. Une commission mixte, associant Banque centrale, ARPCE et opérateurs privés, planche sur des standards de transparence algorithmique et sur la portabilité sécurisée des données clients pour favoriser la circulation responsable de l’information au sein du marché.
L’adoption de ces règles est jugée indispensable pour attirer les capitaux internationaux. « Les investisseurs réclament des garde-fous clairs avant de confier leurs modèles à nos infrastructures », a résumé un cadre de banque présent. Le ministère évoque un délai d’un an pour finaliser le dispositif.
En marge des tables rondes, une démonstration de robot-conseiller congolais a illustré la capacité locale à innover. L’outil, développé par une équipe mixte de chercheurs et de financiers, exécute des simulations budgétaires en huit secondes, un record salué par le public.
Régulation et incitations économiques
Si quelques voix ont regretté une communication tardive autour de la conférence, la majorité des participants voit déjà plus loin. Plusieurs ont proposé d’institutionnaliser un forum annuel, permettant de mesurer les progrès, d’ajuster les formations et de suivre l’évolution des indicateurs de performance sectoriels.
Pour Léon-Juste Ibombo, l’enjeu dépasse la seule finance. « L’intelligence artificielle irrigue la santé, l’agriculture, l’énergie. Nous devons construire un récit optimiste où chaque secteur tire parti des données », a-t-il affirmé, appelant à une mobilisation transversale des administrations et des entreprises.
Vers une feuille de route nationale
Avant la clôture, un document de synthèse a été remis aux partenaires internationaux. Il recense douze recommandations, depuis l’ouverture de « regulatory sandboxes » jusqu’au soutien fiscal à l’innovation. Le texte servira de feuille de route et sera soumis au Conseil des ministres pour validation.
À la sortie, les participants ont convenu que Brazzaville venait de franchir une étape symbolique vers l’économie de la donnée. Le rendez-vous a démontré que le Congo-Brazzaville, bien entouré de partenaires déterminés, dispose désormais d’un plan cohérent pour mettre l’I.A au service du développement.
Un comité de suivi se réunira dès janvier afin de préciser le calendrier de déploiement, avec des étapes trimestrielles et des rapports publics destinés à mesurer l’impact réel sur la croissance.
