Un colloque stratégique à Kintélé
Réunis durant trois jours à Kintélé, les responsables de l’administration fiscale, des universitaires et des acteurs privés ont confronté leurs analyses sur l’avenir de la fiscalité congolaise. La rencontre, placée sous l’autorité du ministre des Finances Christian Yoka, a affiché un objectif clair : consolider la souveraineté budgétaire.
La huitième édition du colloque international sur la fiscalité s’est hissée au rang d’espace de dialogue stratégique, à l’heure où les fluctuations des marchés et les pressions externes rendent indispensable une mobilisation optimale de la ressource interne.
Hydrocarbures : un poids majeur dans les comptes
Au Congo-Brazzaville, l’or noir représente environ soixante pour cent des recettes budgétaires, près de cinquante-huit pour cent du produit intérieur brut et plus de quatre-vingts pour cent des exportations. Cette concentration accentue la vulnérabilité face à la volatilité des cours mondiaux.
Pour Christian Yoka, transformer ce risque en chance passe par un cadre fiscal clair, prévisible et équitable. « Une rente bien captée finance l’éducation, la santé et les infrastructures », a-t-il rappelé, soulignant que la prospérité extractive ne vaut que si elle sert la diversification économique.
Une stratégie gouvernementale orientée développement durable
Le ministère s’est fixé un double horizon : d’abord accroître la part des industries extractives dans le trésor public sans compromettre leur compétitivité, ensuite diriger ces ressources vers des programmes capables de préparer la transition énergétique et de protéger l’environnement.
Dans cette perspective, Brazzaville privilégie la formation de cadres spécialisés, la stabilité des textes et la mise en place d’instruments de contrôle proportionnés. L’idée est de renforcer la confiance des investisseurs tout en sécurisant les dividendes nécessaires aux politiques sociales.
Les universitaires accompagnent la réforme
Le professeur Arnaud Raynouard, responsable du Master 227 à l’Université Paris Dauphine-PSL, a piloté la synthèse des discussions. Trois tables rondes ont examiné la mobilisation des recettes, la lutte contre l’évasion fiscale et la coordination interadministrative, faisant émerger un consensus pragmatique.
Selon lui, l’élargissement de l’assiette impose de mieux intégrer les entreprises sous-traitantes du secteur pétrolier, parfois insuffisamment fiscalisées. La réflexion a aussi pointé la nécessité d’un dialogue structuré avec la société civile pour légitimer la réforme et consolider la culture contributive.
Fraude fiscale : l’urgence du contrôle
Les participants ont rappelé que la délinquance fiscale coûte plusieurs points de produit intérieur brut chaque année. Des montages complexes, souvent transfrontaliers, érodent la base imposable. Le développement de cellules spécialisées, dotées de moyens technologiques, apparaît comme un préalable incontournable.
Le ministre a souligné la coopération active avec les organisations régionales et internationales pour traquer les flux illicites. Des conventions d’échange automatique d’informations doivent limiter les pratiques d’optimisation agressive, tout en garantissant la sécurité juridique des opérateurs respectueux de la loi.
Numérisation des procédures fiscales
La rencontre a mis en exergue la place de la technologie. La numérisation des déclarations, le paiement en ligne et l’analytique avancée promettent de réduire les coûts de conformité, de sécuriser la collecte et de rapprocher le contribuable de l’administration.
Un projet pilote, déjà lancé à Brazzaville, automatise la délivrance d’attestations fiscales. Les premiers retours indiquent une baisse des files d’attente et une montée de la satisfaction des usagers. L’objectif est d’étendre le dispositif aux douanes et aux collectivités locales.
Les experts recommandent aussi l’exploitation de la blockchain pour tracer les cargaisons d’hydrocarbures, notamment lors des chargements au terminal de Djeno. Un tel outil, combiné à la géolocalisation, réduirait les pertes de recettes et rassurerait les acheteurs internationaux sur la certification des volumes.
Élargir l’assiette, renforcer la citoyenneté
Au-delà des grands groupes extractifs, l’administration entend capter les revenus des nouvelles activités de services, du commerce en ligne et de l’économie informelle. La mesure vise autant à stabiliser la base fiscale qu’à instaurer un pacte civique centré sur la contribution de chacun.
Des campagnes d’information sont prévues pour valoriser le lien entre impôt et services publics. « Chaque franc recouvré doit se traduire par une école rénovée ou un dispensaire équipé », a martelé un haut fonctionnaire, convaincu que la pédagogie fiscale soutient la cohésion nationale.
Parallèlement, une réflexion est engagée pour introduire un identifiant fiscal unique, couplé à l’état civil numérique. Cette innovation devrait simplifier les démarches, limiter la duplication de dossiers et faciliter le recoupement des données entre les diverses administrations.
Une feuille de route consensuelle
Le rapport final, adopté à l’unanimité, recommande de codifier un barème progressif pour les redevances minières, d’introduire un mécanisme de stabilisation des recettes et d’institutionnaliser un forum annuel tripartite État-entreprises-société civile sur la transparence budgétaire.
Un comité de suivi placé auprès du ministère devra évaluer trimestriellement la mise en œuvre des décisions. Ses travaux seront publiés, gage de redevabilité. Les partenaires techniques ont salué cette approche, estimant qu’elle consolide la crédibilité économique du Congo-Brazzaville.
Vers une souveraineté budgétaire consolidée
En clôturant le colloque, Christian Yoka a insisté sur la convergence entre réforme fiscale, justice sociale et ambition environnementale. Brazzaville entend prouver, chiffres à l’appui, que l’optimisation du droit fiscal peut devenir un levier majeur de stabilité macroéconomique et d’inclusion pour les générations futures.