Un rendez-vous continental à haute portée symbolique
Six mois avant l’ouverture officielle, le Palais des congrès de Brazzaville bruisse déjà des allées et venues de techniciens préparant la deuxième édition du Forum africain de l’Économie sociale et solidaire (Fora’ess). Initié en 2024 à Yaoundé, ce rassemblement s’est imposé comme l’agora où élus, entrepreneurs coopératifs, agences onusiennes et universitaires croisent leurs diagnostics sur un modèle de développement qui privilégie la solidarité et la réinjection des excédents dans l’intérêt collectif. En désignant le Congo co-organisateur de l’édition 2026, les participants de la première rencontre ont salué la trajectoire réformatrice engagée par Brazzaville dans la structuration de son économie informelle, estimée par la Banque mondiale à plus de 60 % du PIB national.
La diplomatie économique de la solidarité
En ouvrant, le 9 juillet dernier, les travaux préparatoires, la ministre de la Promotion de la femme et de l’économie informelle, Ines Nefer Ingani, a rappelé que « l’Économie sociale et solidaire est un levier de transformation, de résilience et d’inclusion ». L’organisatrice en chef a placé l’événement sous le signe d’un « dialogue franc entre États, organisations régionales et acteurs de terrain », anticipant la participation confirmée de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et de partenaires historiques tels que l’Organisation internationale du travail (OIT), cheville ouvrière de la résolution sur le travail décent adoptée à Genève en 2022.
Entrepreneuriat communautaire et résilience post-pandémie
La crise sanitaire de 2020 a brutalement rappelé la vulnérabilité des économies exportatrices de matières premières. Au Congo, la contraction de la demande pétrolière a réhabilité l’importance du tissu artisanal, des mutuelles et des coopératives agricoles qui, selon la Commission économique pour l’Afrique, ont permis le maintien de 30 % des emplois non marchands dans les zones rurales. Les plénières thématiques du Fora’ess analyseront ces expériences de résilience pour les transformer en politiques publiques capables de réduire la dépendance vis-à-vis des marchés volatils.
Autonomisation féminine : un impératif transversal
Dans un pays où plus de la moitié des unités informelles sont dirigées par des femmes, la dimension genre sera centrale. « Valoriser les initiatives coopératives portées par les Congolaises, c’est sécuriser nos chaînes de valeur et pacifier nos communautés », a insisté Mme Ingani. Des ateliers de renforcement des capacités sur l’accès au crédit, la certification des produits et la digitalisation sont programmés, en partenariat avec ONU Femmes, afin d’amplifier les retombées sociorésidentielles déjà observées dans les départements des Plateaux et du Pool.
Le Marché Fora’ess : vitrine d’une Afrique créative
Innovation emblématique de cette édition, le Marché Fora’ess couplé au Marché africain social et solidaire se tiendra au cœur du parc de la Corniche, attirant quelque 300 exposants issus de 22 pays. L’objectif est double : offrir aux entrepreneurs sociaux une plateforme de transactions et démontrer, par des succès concrets, la rentabilité des modèles coopératifs. Malick Diop, président du Fora’ess, y voit « la preuve empirique que la solidarité peut être économiquement compétitive ».
Vers une feuille de route panafricaine
Les cinq jours de travaux s’achèveront sur une table ronde ministérielle appelée à entériner une Déclaration de Brazzaville pour l’intégration de l’ESS dans les cadres budgétaires nationaux. Les délégations examineront l’éventualité d’un Observatoire continental chargé de compiler données statistiques et bonnes pratiques, initiative soutenue par la Banque africaine de développement. En misant sur la coordination régionale, le Congo aspire à consolider sa stature de médiateur et de moteur d’un développement plus équitable, conformément à la vision d’intégration prônée par le président Denis Sassou Nguesso.