Un forum qui monte en puissance
À Brazzaville, la deuxième édition du Women Economic Forum a refermé ses portes sur une note d’optimisme. Durant trois jours, entrepreneures, décideurs et partenaires ont débattu de la meilleure façon de transformer le Congo-Brazzaville en une plateforme de l’initiative économique féminine.
Placée sous le thème « Genius, inclusion financière », la rencontre a rassemblé plus de 400 participantes venues de Brazzaville, Pointe-Noire ou Ouesso, mais aussi des invitées camerounaises et centrafricaines, signe d’une ambition régionale assumée.
Les organisatrices, regroupées au sein de la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises et entrepreneures du Congo, ont voulu dépasser l’exercice classique du plaidoyer pour dégager une feuille de route concrète, assortie d’indicateurs.
Des recommandations ciblées et mesurables
Au terme des ateliers, plusieurs priorités ont été couchées sur papier. La première consiste à fluidifier l’accès au crédit par des mécanismes mieux adaptés aux réalités locales, tels que le micro-leasing ou les garanties partielles de portefeuille.
La deuxième vise le renforcement des capacités, grâce à des incubateurs sectoriels, des programmes de mentorat et des cursus de formation continue, afin de professionnaliser des structures souvent informelles.
Enfin, les participantes insistent sur un environnement réglementaire lisible, qui valorise le leadership des femmes, sécurise la propriété intellectuelle et simplifie les démarches administratives liées à la création d’entreprise.
L’État à l’écoute des initiatives
Présente à la clôture, la ministre des Petites et moyennes entreprises et de l’Artisanat, Jacqueline Lydia Mikolo, a salué une dynamique « parfaitement alignée avec la stratégie nationale de diversification de l’économie ».
Elle a rappelé les mesures déjà engagées par le gouvernement, notamment l’allègement des frais d’immatriculation, la mise en place d’un guichet unique et la création d’un fonds de garantie dédié aux entrepreneures.
Les participantes ont accueilli ces annonces comme une opportunité à saisir rapidement, le forum soulignant que la balle est désormais autant dans le camp des administrations que dans celui des porteuses de projets.
Genius, laboratoire grandeur nature
Initié par la Chambre, le programme Genius se déploie dans cinq grandes villes, avec un objectif de former et d’accompagner mille entrepreneures en incubation sur trois mois et deux cents autres en accélération sur un mois.
À Brazzaville, les premières cohortes travaillent déjà sur des business plans agroalimentaires appuyées par des coachs financiers. À Pointe-Noire, le numérique et la logistique portuaire dominent les projets, tandis qu’Oyo mise sur la transformation agricole.
L’accompagnement inclut la facilitation de l’accès aux financements, la mise en relation commerciale et la maîtrise d’outils digitaux, clés d’une compétitivité accrue sur des marchés de plus en plus intégrés.
Défis de l’inclusion financière
Selon les données présentées au forum, moins de 20 % des femmes congolaises disposent d’un compte professionnel, un frein majeur à la mobilisation de capitaux formels.
Les banques, souvent frileuses face aux petites structures, recherchent des garanties que peu d’entrepreneures peuvent offrir. D’où l’intérêt des mécanismes de partage de risques évoqués par les expertes.
Flavie Lombo a estimé que « mutualiser les efforts permet de dessiner, ensemble, une trajectoire de développement dans un pays riche en opportunités », appelant à constituer des réseaux capables de dialoguer d’égal à égal avec les établissements financiers.
Vers un hub régional du leadership féminin
Au-delà des frontières du Congo-Brazzaville, les participantes voient dans le WEF un tremplin pour attirer des partenariats sud-sud, notamment avec les autres membres de la CEMAC, où les mêmes défis se posent.
Vanessa Mavila juge qu’un hub féminin performant « pourrait positionner Brazzaville comme un centre de référence pour la formation, la certification et la recherche de capitaux féminins dans toute l’Afrique centrale ».
Le rendez-vous est déjà pris pour la troisième édition. Les organisatrices entendent mesurer, d’ici là, le taux de formalisation des entreprises dirigées par des femmes, la montée du crédit dédié et l’évolution du chiffre d’affaires agrégé du réseau.
En capitalisant sur ces indicateurs, les décideurs publics disposeront d’arguments tangibles pour ajuster leurs politiques, tandis que les partenaires techniques auront une grille claire pour leurs interventions, consolidant ainsi la vocation du pays à devenir un pôle incontournable de l’entrepreneuriat féminin.