Une grève annoncée au 15 octobre 2025
Les agents en situation de handicap du ministère congolais des Affaires sociales ont voté, le 9 octobre à Brazzaville, un arrêt de travail d’une semaine à partir du 15 octobre 2025. Le préavis, remis le jour même, cristallise un malaise ancien.
Dans l’amphithéâtre du siège ministériel, la section syndicale a détaillé des griefs portant sur les relevés de conclusion signés en août 2022 puis en avril 2025. « Ces accords n’ont jamais été mis en œuvre dans leur intégralité », a regretté Guy Serge Ndombi, secrétaire à l’organisation.
Revendications et attentes des agents handicapés
Les agents réclament la convocation de la commission administrative paritaire, l’harmonisation des primes et la reconnaissance d’un statut professionnel adapté aux contraintes liées au handicap. Pour eux, ces points constituent la colonne vertébrale d’une politique véritablement inclusive au sein de la fonction publique.
Le mouvement revêt cependant un caractère strictement professionnel, la section syndicale ayant expressément écarté toute récupération politique. « Nous ne sommes ni contre le gouvernement ni contre notre hiérarchie ; nous voulons simplement que les signatures engagent des actes », a insisté M. Ndombi.
La tutelle et les pistes de solution
Du côté de la tutelle, les premiers échanges laissent entrevoir une ouverture. Un responsable du département, qui a requis l’anonymat parce que les discussions se poursuivent, assure que « l’administration reste disposée à un dialogue constructif afin d’éviter toute perturbation des services à la population ».
Les négociateurs rappellent que le ministère a déjà procédé, en 2023, à la mise à disposition de moyens logistiques pour faciliter l’accessibilité des bâtiments. D’autres mesures, comme l’aménagement d’horaires spécifiques, figurent dans un plan d’action quinquennal dont plusieurs volets sont en cours de finalisation.
Un cadre juridique favorable à l’inclusion
Dans la capitale congolaise, les organisations de la société civile observent le dossier avec attention. L’Association nationale des personnes handicapées estime que la démarche syndicale « renforce la visibilité de besoins souvent relégués au second plan » tout en saluant « l’engagement constant des autorités pour l’accès aux droits ».
Le droit de grève est encadré par l’article 48 de la Constitution de la République du Congo, qui garantit l’expression des revendications dans le respect de la continuité du service public. Cette disposition place les protagonistes devant une double obligation de responsabilité et de recherche de compromis.
Sur le terrain, les agents concernés exercent dans des centres d’éducation spécialisée, des antennes provinciales et l’administration centrale. Beaucoup évoquent des frais de transport élevés, la nécessité d’aides techniques ou encore l’absence de perspectives d’avancement comme autant de facteurs de précarité quotidienne.
Enjeux budgétaires et gestion des carrières
L’annonce du préavis intervient alors que le pays vient de célébrer la Journée internationale des personnes handicapées. À cette occasion, le chef de l’État a rappelé « l’impératif de solidarité nationale » et souligné les progrès réalisés, notamment dans la gratuité des soins orthopédiques de base.
Dans le même discours, il a invité les partenaires sociaux à privilégier le dialogue. Pour plusieurs observateurs, cet appel offre un cadre favorable aux discussions attendues, d’autant que la grève, limitée à sept jours, laisse une marge pour des ajustements administratifs rapides.
Le ministère des Finances est également sollicité, car l’une des doléances majeures porte sur les primes. Selon une source interne, un audit de la masse salariale spécifique aux personnels en situation de handicap serait déjà lancé pour calibrer l’effort budgétaire à consentir sans déséquilibrer les enveloppes existantes.
Les précédentes négociations, en 2022, avaient abouti à la création d’une cellule d’écoute, encore active aujourd’hui. Celle-ci compile les difficultés signalées par les agents et propose des solutions individualisées. Les syndicalistes reconnaissent l’utilité de l’outil, mais estiment que ses recommandations tardent parfois à se traduire en décisions effectives.
Dialogue social, perspectives d’apaisement
L’article 29 de la loi portant protection des personnes handicapées prévoit un quota d’embauches dans la fonction publique. Sa mise en œuvre progressive, saluée par des ONG internationales, gagne aujourd’hui la phase de consolidation : la question n’est plus seulement l’accès à l’emploi, mais la carrière dans la durée.
À Brazzaville, certains spécialistes du droit social observent que la gestion des ressources humaines inclusives demeure un chantier transversal. L’universitaire Élodie Okemba souligne que « les revendications actuelles traduisent l’étape charnière où l’employabilité doit s’accompagner d’un cadre incitatif stable, faute de quoi l’inclusion reste théorique ».
Pour l’heure, la mobilisation annoncée du 15 au 21 octobre sert d’électrochoc. Les deux parties disposent encore de plusieurs jours pour conclure un protocole, à condition de maintenir un climat apaisé. Les fonctionnaires concernés affirment qu’ils suspendront le mot d’ordre dès qu’un accord tangible sera paraphé.
Au-delà de ce dossier, le gouvernement réaffirme sa détermination à faire de l’inclusion un axe prioritaire de développement humain. La mise en place d’un observatoire national du handicap, prévue avant fin 2025, devrait offrir des mécanismes de suivi renforcés et prévenir la répétition de conflits sociaux similaires.
Les prochaines heures seront cruciales : un comité ad hoc se réunira lundi pour rapprocher les positions et rédiger un éventuel protocole d’entente.