Une cérémonie d’espoir à Mfilou
Dans la salle des fêtes de la mairie de Mfilou, septième arrondissement de Brazzaville, la remise officielle des kits d’activités génératrices de revenus a réuni, le 10 décembre, autorités locales, partenaires techniques et huit jeunes femmes vivant avec handicap, dernière cohorte d’un programme désormais bouclé.
La petite assemblée a salué longuement la distribution des kits, qui clôture onze mois d’accompagnement intensif. Chacune des bénéficiaires s’est avancée, masque chirurgical ou béquille à la main, pour recevoir matériel et encouragements.
Un projet né d’un partenariat franco-congolais
Lancé le 17 janvier, le Projet d’appui à l’intégration socioéconomique des jeunes filles-mères et femmes handicapées, victimes de violences, a bénéficié d’un financement conjoint de dix millions de francs CFA de l’ambassade de France au Congo et d’un million apporté par l’Observatoire handicap humanité.
Cette alliance public-privé cible six arrondissements de la capitale : Bacongo, Moungali, Talangai, Mfilou, Madibou et Djiri. Elle constitue, selon l’ONG, une illustration concrète de la diplomatie solidaire et de l’engagement municipal pour l’inclusion économique.
Des kits adaptés à chaque parcours
Les responsables du projet ont veillé à assortir chaque parcours professionnel d’un ensemble d’outils précis : machines à coudre pour les entrepreneuses textiles, caisses de denrées pour l’épicerie de proximité, semences et petit matériel agraire pour celles qui rêvent d’un potager rentable.
Placés au cœur des activités quotidiennes, ces équipements doivent générer un revenu régulier et, surtout, renforcer l’estime de soi. « Notre ambition est que chaque kit devienne un point de départ vers l’indépendance », insiste Emmanuel Bati, président de l’Observatoire handicap humanité.
Accompagner l’apprentissage des droits
Au-delà de l’outillage économique, le programme a proposé des modules sur la gestion financière, la planification, mais aussi sur les instruments juridiques consacrant les droits des personnes vivant avec handicap. L’idée: permettre aux bénéficiaires de revendiquer leur place sans craindre stigmatisations ni violences.
Joëlle Poaty, secrétaire de bureau du Conseil consultatif des personnes vivant avec handicap, rappelle que « connaître la loi, c’est déjà se protéger ». Elle salue la vulgarisation des textes nationaux, considérée comme un rempart contre les discriminations encore trop fréquentes.
Suivi de proximité et évaluation continue
Un comité de suivi chapeauté par Gabriel Biyoudi a été constitué dès le printemps pour mesurer l’évolution des microprojets. Ses membres sillonnent désormais marchés, ateliers et parcelles, vérifiant l’utilisation des kits et recueillant les premiers retours sur la rentabilité.
Ce dispositif, voulu transparent, répond aux critères annoncés lors de l’étude de faisabilité. Chaque visite de terrain donne lieu à un court rapport partagé avec la mairie et les partenaires financiers, une façon de garantir la bonne gouvernance des fonds mobilisés et de cibler d’éventuels ajustements.
Défis rencontrés sur le terrain
Malgré l’enthousiasme, plusieurs obstacles ont été relevés. Emmanuel Bati évoque « un manque de cohérence entre certaines bénéficiaires et l’activité initialement envisagée ». En clair, la réalité quotidienne bouscule parfois les projections, imposant des réaffectations de stock ou une réorientation de la production.
D’autres contraintes tiennent au coût de la vie et à l’accessibilité des marchés. Les femmes, souvent mères, doivent conjuguer production, vente et charges familiales. Le comité de suivi envisage donc des sessions complémentaires pour affiner les business plans et faciliter l’épargne.
Un appel à la solidarité financière
Devant l’assistance, Joëlle Poaty a exhorté ses consœurs à constituer une petite caisse commune. « L’épargne attire les partenaires », rappelle-t-elle. Le geste symbolique vise à montrer que les bénéficiaires entendent prendre leur destin en main avant de solliciter de nouveaux appuis.
La mairie de Mfilou étudie déjà des mesures d’allègement fiscal local pour encourager ces microentreprises naissantes. Un tel signal, combiné à l’expertise de l’ambassade de France, pourrait renforcer la durabilité financière et inspirer d’autres arrondissements de la République du Congo.
Un pas de plus vers l’inclusion
Aux yeux des organisateurs, l’action menée dépasse la livraison de matériel. Elle s’inscrit dans une dynamique nationale de promotion des droits et de participation économique des personnes handicapées, priorité réaffirmée par les autorités durant les récents forums sociaux de Brazzaville.
Pour les huit « héroïnes » de Mfilou, les mois qui viennent seront déterminants. Les premiers bénéfices, aussi modestes soient-ils, devront prouver la pertinence d’un modèle axé sur la responsabilité et l’entraide, capable de faire reculer la pauvreté sans exclure personne.
Des chiffres qui parlent
Avant cette ultime vague, deux cohortes avaient déjà été équipées. En février, vingt jeunes filles-mères recevaient leurs premiers lots; en juin, vingt-deux autres femmes, toutes victimes de violences, suivaient le même parcours. Au total, cinquante bénéficiaires se sont engagées depuis le lancement du projet.
Le budget global, légèrement inférieur à douze millions de francs CFA, se décompose entre formation, outillage, suivi et communication. Selon les organisateurs, chaque kit représente un investissement moyen de deux cent mille francs, montant jugé suffisant pour amorcer un cycle vertueux de revenus.
Si l’initiative porte ses fruits, Emmanuel Bati évoque déjà une extension possible à Pointe-Noire et Dolisie, sous réserve d’un financement complémentaire et d’un cadre réglementaire clairement maintenu.