Un rendez-vous continental stratégique
Du 4 au 10 septembre 2025, Alger accueillera la quatrième Foire commerciale intra-africaine, événement phare de la Zone de libre-échange continentale africaine. Plus de 35 000 visiteurs issus de 140 pays et 1 600 exposants sont attendus au Palais des expositions.
Depuis sa création en 2018, l’IATF a généré plus de 100 milliards de dollars d’accords. La séquence algéroise est placée sous le slogan : « Passerelle vers de nouvelles opportunités », promesse de diversification des courants commerciaux intrarégionaux.
Pour Alger, la tenue de l’événement relève autant du défi logistique que de la démonstration de puissance douce. Les autorités mobilisent infrastructures, procédures douanières modernisées et partenariat public-privé afin de positionner le pays comme plateforme incontournable du commerce africain émergent.
La ZLECAF entre promesses et réalités
La Zone de libre-échange continentale africaine, lancée officiellement en 2021, vise à créer un marché de 1,3 milliard d’habitants. En réduisant progressivement les droits de douane, elle entend accroître de 52 % le commerce intra-africain à l’horizon 2035.
Toutefois, l’intégration reste freinée par la fragmentation des infrastructures, la multiplicité des cadres réglementaires et la faible complémentarité productive entre voisins. L’IATF offre ainsi un espace concret de mise en relation pour opérateurs, banquiers et agences de promotion des exportations.
Les accords attendus dépassant 44 milliards de dollars seront facilités par la Banque africaine d’import-export, principal partenaire financier de la foire. Des instruments de garantie permettront d’atténuer les risques liés aux transactions transfrontalières encore faiblement bancarisées.
Les ambitions algériennes sous le prisme panafricain
Pour l’Algérie, participer à la matérialisation de la ZLECAF s’inscrit dans une tradition panafricaniste revendiquée depuis l’indépendance. La diplomatie économique du président Abdelmadjid Tebboune entend conjuguer solidarité politique et ouverture marchande, sans remettre en cause la souveraineté des États partenaires.
Dans les couloirs du ministère algérien du Commerce, on souligne que la diversification hors hydrocarbures passe par une poussée des exportations manufacturières vers le continent. L’IATF sert de laboratoire grandeur nature pour tester compétitivité, normes et services d’accompagnement.
« Nous voulons être la porte nord de l’Afrique », confie un cadre de l’Agence nationale de promotion du commerce extérieur. Selon lui, l’édition 2025 doit « laisser un héritage logistique durable, capable de réduire le coût des échanges pour toutes les entreprises ».
Retombées attendues pour le Congo-Brazzaville
À Brazzaville, les opérateurs suivent de près la préparation d’Alger. La Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers du Congo-Brazzaville a déjà constitué une délégation multisectorielle pour présenter textiles, produits forestiers transformés et services numériques.
Les autorités congolaises voient dans la ZLECAF une chance de réduire la dépendance vis-à-vis des importations extra-africaines. Le ministère du Commerce extérieur élabore actuellement un guichet unique pour accélérer l’émission des certificats d’origine exigés par la zone.
Un économiste de l’université Marien-Ngouabi rappelle cependant que le principal défi demeure l’industrialisation locale. « La foire d’Alger sera utile si elle ouvre des alliances de co-investissement, notamment dans l’agro-transformation où notre potentiel agricole reste sous-exploité », analyse-t-il.
La délégation congolaise espère nouer des contrats d’approvisionnement en intrants industriels, mais aussi attirer des partenaires intéressés par le corridor Pointe-Noire-Brazzaville-Bangui, inscrit sur les priorités du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique centrale.
Une dynamique commerciale en construction
Selon les organisateurs, l’IATF ne se limite pas à un espace d’exposition. Des plateformes numériques de mise en relation resteront actives après la fermeture des stands, afin de suivre la concrétisation des accords grâce à un tableau de bord partagé.
La présence annoncée de zones dédiées à la finance verte, aux industries culturelles et aux startups témoigne d’un élargissement sectoriel. Le continent cherche à inscrire la transition énergétique et l’économie créative dans l’agenda traditionnel du commerce des matières premières.
Au-delà des montants, les experts insistent sur la qualité des contrats. Clauses de contenu local, partage de compétences et transfert technologique devront figurer dans les protocoles pour garantir des retombées durables et équilibrées entre partenaires.
La Commission économique des Nations unies pour l’Afrique évalue à 2 % la part actuelle des échanges congolais intra-africains. Une augmentation à 10 % à l’horizon 2030 dégagerait, selon ses scénarios, près d’un point supplémentaire de croissance annuelle pour le Congo-Brazzaville.
La participation de Brazzaville à l’IATF 2025 apparaît donc comme un jalon stratégique. Elle s’inscrit dans la feuille de route gouvernementale visant la modernisation des plateformes portuaires, l’amélioration du climat des affaires et la montée en capacité des petites et moyennes entreprises locales.
En filigrane, l’édition d’Alger illustre une Afrique qui bâtit peu à peu son marché intérieur. Si la conjoncture mondiale reste incertaine, le commerce intra-africain avance, porté par des initiatives telles que l’IATF, où diplomatie et pragmatisme économique se rejoignent.