L’enjeu d’une information fiable au Congo-Brazzaville
Le paysage médiatique de la République du Congo évolue à grande vitesse, poussé par la numérisation et par une audience de plus en plus exigeante sur la fiabilité de l’information.
Pour répondre à cette attente, l’Agence congolaise d’information vient de nouer un dialogue stratégique avec le programme InfoLisango, emmené par Canal France International et soutenu par l’Union européenne, afin d’ouvrir un cycle de formation jusqu’en 2026.
Une alliance franco-congolaise sous pavillon européen
L’initiative a été officialisée lors d’une audience accordée à Brazzaville par la directrice générale de l’Aci, Olga Rachelle Mangouandza, à Hortense Tollu, cheffe de projet chez CFI, venue détailler les contours d’un partenariat orienté renforcement des compétences.
Financé à hauteur d’un million d’euros par l’Union européenne, InfoLisango bénéficie également du concours de l’Agence publique française, signe d’un appui multilatéral destiné à inscrire la qualité journalistique congolaise dans les standards internationaux les plus exigeants.
Formation : priorités identifiées par InfoLisango
Sitôt le protocole d’intention esquissé, les responsables ont listé les premiers modules : fondamentaux de la déontologie, investigation en contexte de crise et fact-checking avancé, le tout adossé à des ateliers pratiques dans la salle de rédaction modernisée de l’Aci.
« Nous élargirons le programme à la couverture des élections, à la maîtrise des textes législatifs et à l’écriture numérique », a précisé Hortense Tollu, insistant sur l’adaptation des cursus aux réalités congolaises du terrain.
Désinformation : un défi croissant à adresser
Le projet consacre un volet entier à la lutte contre les fausses nouvelles, phénomène amplifié par les réseaux sociaux et les messageries instantanées, notamment dans les zones rurales où le téléphone mobile reste la première porte d’accès à l’actualité.
Pour Olga Rachelle Mangouandza, « former des vérificateurs internes et développer des protocoles de validation multiplateformes constituera un avantage comparatif pour l’Aci, au service des citoyens et des institutions qui recherchent des informations crédibles et rapides ».
Radios communautaires, maillage du territoire
Au-delà de l’agence nationale, InfoLisango prévoit d’accompagner plusieurs radios communautaires reparties entre les départements de la Sangha, de la Cuvette et du Pool afin d’étendre l’accès à une information plurielle sur tout le territoire national.
Les bénéficiaires recevront du matériel d’enregistrement numérique, un encadrement éditorial et des sessions sur la gouvernance associative, afin de consolider leur autonomie financière et éditoriale tout en renforçant la cohésion sociale dans les localités desservies.
Genre et cyberharcèlement : un axe structurant
Le programme intègre un soutien spécifique aux journalistes femmes et aux jeunes chroniqueuses souvent ciblées par le cyberharcèlement, en proposant des modules sur l’autoprotection numérique et la gestion psycho-sociale des attaques en ligne.
Les formateurs envisagent également de travailler avec des associations locales de défense des droits des femmes pour élaborer des protocoles de signalement et de suivi, afin de réduire l’impunité et de promouvoir une culture du respect sur les plateformes numériques.
Cybersécurité des rédactions, un impératif
Outre la protection individuelle, InfoLisango ambitionne de fournir des outils d’audit aux rédactions afin d’identifier les vulnérabilités techniques, protéger les serveurs de données et sécuriser les échanges d’emails entre reporters et correspondants régionaux.
Selon les experts mobilisés, la viabilité économique de tout média passe désormais par la confiance numérique ; une brèche ou une fuite de sources pourrait anéantir des années d’efforts éditoriaux, d’où la nécessité d’anticiper plutôt que de réparer.
Financement européen, calendrier précis
Le décaissement s’opérera par tranches annuelles jusqu’en 2028, incluant un suivi trimestriel des indicateurs d’impact, qu’il s’agisse du taux de vérification interne ou du nombre de formats multimédias produits par les journalistes formés.
Une mission d’évaluation indépendante, conduite à mi-parcours, devra valider les progrès et éventuellement réorienter les actions vers les zones jugées prioritaires, en concertation avec le ministère de la Communication et les partenaires techniques.
L’Aci modernise ses salles de rédaction
Parallèlement, l’agence publique a déjà entamé des travaux pour rénover son plateau de télévision et installer un réseau interne à fibre optique, condition nécessaire pour accueillir les futures classes virtuelles prévues par InfoLisango.
Les journalistes saluent cette modernisation, y voyant l’occasion de produire des contenus en haute définition et de mieux interagir avec les audiences, notamment celles de la diaspora congolaise qui suit l’actualité nationale au quotidien.
Perspectives d’ici 2026
D’ici trois ans, l’ensemble du dispositif devrait aboutir à la certification de plus d’une centaine de professionnels, capables de former à leur tour des confrères, créant ainsi un effet boule de neige bénéfique à tout l’écosystème médiatique.
Cette ambition s’inscrit en cohérence avec les orientations nationales en matière de bonne gouvernance et de promotion de la paix sociale, où un secteur de l’information renforcé constitue un levier essentiel pour le dialogue et le développement.
Un signal positif pour la sous-région
Les acteurs prévoient de partager les meilleures pratiques avec les agences sœurs du Gabon, du Cameroun et de la République démocratique du Congo, cimentant une dynamique régionale pour une information responsable en Afrique centrale.
Pour les observateurs, l’approche collaborative conforte la place de Brazzaville comme hub médiatique émergent, à la croisée des enjeux linguistiques et numériques qui redessinent l’espace francophone, et ouvre de nouvelles perspectives aux jeunes diplômés congolais.
