Des pluies records à la réponse institutionnelle
À la faveur de précipitations toujours plus intenses liées aux dérèglements climatiques, les crues récurrentes de l’Oubangui et du fleuve Congo rappellent la vulnérabilité hydro-géographique du pays. Les chiffres du ministère des Affaires sociales font état de plusieurs dizaines de milliers de ménages déplacés lors de la saison 2023-2024, principalement dans les départements de la Likouala, de la Sangha et des Plateaux, sans épargner les quartiers périphériques de la capitale. Conscient de l’ampleur de ces perturbations, l’exécutif a choisi d’engager une révision en profondeur de son dispositif de relèvement, convoquant du 8 au 10 juillet un atelier de validation auquel ont pris part hauts fonctionnaires, experts du Programme des Nations unies pour le développement et représentants de la société civile.
Dans son propos liminaire, la directrice de l’assistance humanitaire, Carine Ibatta, a souligné que « la stratégie nationale de relèvement post-catastrophe doit servir de boussole pour l’ensemble des départements techniques afin d’offrir une réponse coordonnée, rapide et inclusive ». Cette approche multisectorielle s’inscrit dans une trajectoire de gouvernance publique qui privilégie la planification à moyen terme et la mutualisation des ressources.
Un cadre stratégique aligné sur Sendai
Le document 2025-2030 s’appuie sur les quatre priorités du Cadre d’action de Sendai, lesquelles encouragent l’identification des risques, la gouvernance, l’investissement préventif et la préparation à la réponse. L’ambition est de faire du Congo « une nation résiliente, capable de se relever efficacement des catastrophes d’origine naturelle, technologique ou anthropique » à l’horizon 2030. Cette vision, loin d’être déclarative, s’accompagne d’indicateurs précis : relèvement d’au moins cent vingt mille ménages, réduction tangible de la vulnérabilité des communautés rurales et urbaines, et professionnalisation des mécanismes de veille stratégique.
Le ministère du Plan a d’ores et déjà annoncé que la stratégie serait inscrite dans le prochain Plan national de développement, garantissant ainsi à la fois sa légitimité budgétaire et son suivi parlementaire.
Le principe « Reconstruire en Mieux » au cœur de la reconstruction
Au lendemain d’une catastrophe, la tentation est grande de rétablir simplement l’existant. Le gouvernement congolais privilégie désormais le principe internationalement reconnu du « Build Back Better ». Concrètement, les hôpitaux réhabilités seront dotés de structures parasismiques allégées, les écoles bénéficieront d’aires de drainage améliorées et les habitations sociales intégrant la filière bambou-bois local miseront sur une meilleure ventilation naturelle. Dans le même temps, la réfection des routes secondaires, souvent coupées lors des crues, s’appuiera sur des revêtements à haut pouvoir de perméabilité, limitant l’érosion.
Cette démarche permet non seulement de réduire les coûts de maintenance à long terme mais aussi de stimuler des chaînes de valeur locales, notamment dans les matériaux biosourcés et l’énergie solaire décentralisée.
Renforcement des moyens de subsistance et cohésion sociale
La dimension socio-économique reste centrale. Les pertes de récoltes estimées à près de trente pour cent dans certaines communes de la Likouala ont mis en lumière la nécessité de revitaliser les filières vivrières. La stratégie prévoit la distribution ciblée d’intrants améliorés, la remise en état de bas-fonds agricoles et le microfinancement de petits commerces tenus majoritairement par des femmes cheffes de ménage. Par ricochet, ces mesures contribueront à atténuer les tensions communautaires parfois exacerbées par la compétition pour les ressources de secours.
Parallèlement, un dispositif d’assistance psychosociale sera systématisé, les services déconcentrés du ministère de la Santé s’appuyant sur des agents communautaires formés à la gestion du stress post-traumatique. Le tissu associatif, particulièrement dynamique à Brazzaville et à Impfondo, sera mis à contribution afin de renforcer la sensibilisation contre les violences basées sur le genre.
Anticiper les prochaines crises : l’alerte précoce et le financement
Fidèle à l’adage voulant qu’un franc investi dans la prévention en épargne sept en réponse, l’exécutif entend déployer un système d’alerte précoce multirisques. Celui-ci combinera données hydrométéorologiques, imagerie satellitaire et remontées citoyennes via téléphonie mobile, avec un temps de latence cible inférieur à deux heures entre la détection d’un débordement critique et la diffusion d’alertes locales.
Pour garantir la réactivité des secours, un fonds national d’urgence, initialement doté de l’équivalent de dix millions de dollars, sera abondé par un mécanisme de réassurance souveraine négocié avec la Banque africaine de développement. Les partenaires techniques, au premier rang desquels le PNUD, se disent disposés à accompagner le renforcement des capacités financières des collectivités avec des lignes de crédit concessionnelles.
Quel regard des partenaires internationaux ?
Les diplomates présents à l’atelier ont salué une « vision holistique, adossée à des objectifs quantifiables ». Pour l’ambassadrice de l’Union européenne à Brazzaville, cette planification ouvre la voie à « des financements climatiques novateurs qui exigent une gouvernance transparente et une reddition de comptes régulière ». De son côté, l’Agence française de développement envisage de flécher vers le secteur de l’eau et de l’assainissement des ressources additionnelles, estimant que l’adaptation reste la condition sine qua non d’un développement durable.
Le représentant résident du PNUD a rappelé que l’organisme onusien continuera à fournir une assistance technique, notamment dans l’élaboration de cartographies haute résolution des zones inondables et dans la formation des équipes locales à l’analyse de données spatiales.
Vers une nation congolaise résiliente à l’horizon 2030
En adoptant une stratégie qui conjugue chantier infrastructurel, renforcement du capital humain et ingénierie financière, le Congo-Brazzaville se dote d’un instrument à la fois pragmatique et ambitieux. L’échéance de 2030, qui coïncide avec les ODD, sert de boussole commune pour l’ensemble des parties prenantes. Il appartiendra désormais aux organes de suivi et d’évaluation, placés sous l’autorité directe du Premier ministre, de veiller à la traduction concrète des engagements.
La multiplication des événements climatiques extrêmes semble annoncer un nouveau normal. Pourtant, par la concertation et l’innovation, le pays entend démontrer qu’il est possible de transformer la fatalité en dynamique de progrès partagé, confortant ainsi l’image d’un État proactif et tourné vers la solidarité nationale.