Un partenariat sanitaire stratégique
La pluie fine qui tombait le 3 décembre sur Brazzaville n’a pas empêché le ruban tricolore de tomber devant l’Hôpital de l’Amitié Sino-Congolaise de Mfilou. À l’intérieur, l’Institut Qi-Huang, flambant neuf, symbolise la vigueur de la coopération sanitaire entre la République du Congo et la Chine.
Présidée par le directeur de cabinet du ministre de la Santé, Donatien Mokassa, la cérémonie a réuni l’ambassadeur An Qing, la maire de M’Filou Ngamaba, Bibiane Itoua, et d’autres acteurs médicaux, témoignant d’une mobilisation institutionnelle rare pour un projet centré sur la médecine traditionnelle.
En rappelant l’amitié « solide et fraternelle » qui unit Brazzaville à Pékin, M. Mokassa a salué « la constance avec laquelle la mission médicale chinoise soutient notre système de santé ». Son discours a placé l’événement sous le sceau de la reconnaissance officielle et de l’ouverture scientifique.
Un centre de formation inédit
Derrière sa façade immaculée, l’Institut Qi-Huang ambitionne de devenir un pivot académique. Les autorités chinoises le présentent comme la première antenne mondiale d’un programme exportant, hors de Chine, le savoir-faire millénaire de la pharmacopée, de l’acupuncture et des massages thérapeutiques.
Zhang Janjun, de la Commission nationale chinoise de la santé, a confirmé l’envoi de spécialistes « chargés d’un transfert de compétences durable auprès des professionnels congolais ». Pour ces derniers, l’enjeu dépasse la technique : il s’agit d’assimiler une vision holistique du patient, souvent absente des cursus classiques.
Roger Oyéré, directeur de l’hôpital hôte, voit déjà dans l’édifice « un levier de transformation et une chance historique de renforcer nos compétences ». Un département de formation continue devrait accueillir, dès la première année, une cohorte de jeunes médecins congolais sélectionnés sur dossier.
L’objectif affiché est clair : doter le pays d’un vivier de praticiens capables de consulter en hôpital, de mener des recherches cliniques et de diffuser la médecine traditionnelle dans les provinces. Les cours seront dispensés en français, avec un lexique bilingue pour garantir la fidélité des concepts.
Dialogue entre deux médecines
Si l’institut célèbre la culture médicale chinoise, il ne tourne pas le dos aux protocoles modernes. Dans son allocution, M. Oyéré a insisté sur le « dialogue fertile » entre analyses biologiques, imagerie et thérapies par les plantes, prévoyant des consultations mixtes dès l’ouverture des premiers services.
Cette approche intégrée résonne avec les orientations du ministère de la Santé, qui mise depuis plusieurs années sur la complémentarité des savoirs pour étendre la couverture sanitaire. Le centre de Mfilou servira ainsi de laboratoire grandeur nature à une politique publique encore en gestation.
Sur le terrain, les praticiens congolais soulignent déjà l’intérêt des patients pour les solutions à base de plantes, jugées plus accessibles et culturellement proches. La présence d’experts chinois leur offre un cadre scientifique rigoureux pour documenter ces usages et sécuriser les dosages.
Dans l’autre sens, les spécialistes venus de Pékin affirment apprendre des remèdes locaux, notamment ceux issus de l’ethnopharmacologie bantoue. « L’échange est gagnant-gagnant », glisse un acupuncteur, rappelant que la médecine traditionnelle chinoise n’a jamais cessé d’importer des plantes étrangères dans ses propres répertoires.
Défis et perspectives régionales
Durant la visite inaugurale, quelques patients volontaires ont reçu des séances d’acupuncture sous l’œil curieux des étudiants. Maria, trentenaire de Makélékélé, assurait sentir « une détente immédiate ». Ces démonstrations publiques servent à démystifier la pratique et à installer un climat de confiance indispensable.
Le défi financier reste cependant palpable. La gratuité de certaines consultations inaugurales ne pourra durer qu’à condition d’un appui budgétaire durable. Les responsables comptent sur des bourses gouvernementales, des partenariats universitaires et, à terme, sur des services facturés à prix modéré pour équilibrer les comptes.
Un comité d’évaluation, composé de médecins congolais et chinois, suivra les indicateurs-clés : nombre de praticiens formés, taux de satisfaction des patients, protocoles validés. Les résultats serviront de base à une éventuelle duplication de l’expérience dans d’autres départements, du Kouilou à la Sangha.
Sur le plan diplomatique, l’Institut Qi-Huang conforte une relation bilatérale jalonnée d’infrastructures : routes, zones économiques, réseaux électriques. Dans la discrétion, la santé devient un vecteur d’influence supplémentaire, apprécié pour son impact direct sur les ménages et pour sa dimension non conflictuelle.
Pour M. Mokassa, l’enjeu est aussi continental : faire du centre un « modèle régional » capable d’attirer chercheurs, enseignants et praticiens d’Afrique centrale. La promesse, ambitieuse, rejoint la stratégie nationale de diversification de l’offre de soins, voulue par les autorités congolaises.
À l’heure où les systèmes de santé africains recherchent de nouveaux leviers de résilience, l’inauguration de l’Institut Qi-Huang envoie un signal d’optimisme prudent : celui d’un continent pouvant conjuguer savoirs ancestraux et exigences scientifiques, sous le regard bienveillant d’alliés de longue date.
Le succès du projet sera mesuré sur la durée, mais le premier pas est acté. À Mfilou, le stéthoscope côtoie désormais l’aiguille d’or, reflet d’un Congo qui assume pleinement ses pluralités thérapeutiques.
