Un chantier structurant pour l’inclusion numérique
Deux ans après son lancement, le Projet d’accélération de la transformation numérique représente l’un des chantiers les plus ambitieux engagés par le Congo-Brazzaville pour démocratiser l’accès à l’internet haut débit et favoriser l’émergence d’une économie fondée sur la donnée.
Le ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique, Léon Juste Ibombo, a confirmé que vingt sites d’accès 4G sont désormais opérationnels, sur les soixante-seize installés, apportant pour la première fois une connectivité stable à plusieurs localités de l’intérieur.
Ces premiers points d’accès servent de démonstrateurs : écoles, centres de santé et mairies testent des applications administratives en ligne, tandis que les agriculteurs consultent les marchés régionaux en temps réel, limitant l’isolement qui freinait jusque-là leur compétitivité.
Financements internationaux et engagement national
Le PATN mobilise un financement conjoint de la Banque mondiale et de l’Union européenne, évalué à 100 millions de dollars, consacré aux infrastructures, à la formation des techniciens et à l’acquisition d’équipements de dernière génération.
Pour Brazzaville, cet apport extérieur vient compléter des ressources publiques déjà engagées dans le réseau de fibre nationale, garantissant la compatibilité des antennes 4G rurales avec les dorsales optiques qui relient Pointe-Noire, Ouesso ou encore Impfondo.
« Notre objectif est de pérenniser les services grâce à un modèle économique soutenable », souligne Heri Andrianasy, responsable du dossier à la Banque mondiale, rappelant que les opérateurs privés seront incités à reprendre l’exploitation des sites une fois la phase pilote finalisée.
Un dispositif d’incitations fiscales, prévoyant une exonération partielle de droits de douane sur les équipements télécoms, doit prochainement être examiné par le Parlement afin d’encourager les opérateurs à étendre la couverture dans les zones à faible revenu.
Des bénéfices tangibles pour les territoires ruraux
Dans les districts forestiers, la connexion améliore le suivi médical : les infirmiers envoient désormais les données de vaccination au ministère de la Santé sans délais, un changement décisif pour l’atteinte des objectifs de couverture immunitaire.
Les enseignants profitent également de plates-formes d’apprentissage accessibles en ligne ; des contenus jusque-là réservés aux lycéens des capitales deviennent disponibles à Etoumbi ou Sibiti, réduisant les écarts de performance entre zones urbaines et rurales.
Chez les petits commerçants, le paiement mobile séduit : la rapidité des transactions rassure fournisseurs et clients, tandis que l’État accroît la traçabilité des flux, condition essentielle pour sécuriser la collecte fiscale sans alourdir les formalités des micro-entrepreneurs.
Pour les associations de femmes entrepreneures, l’accès à la visioconférence facilite la formation à distance et l’ouverture vers de nouveaux marchés, un progrès que Syntiche Mbemba, artisane de Madingou, décrit comme « une fenêtre sur le monde ».
La stratégie numérique 2020-2030 sur les rails
Parallèlement au déploiement opérationnel, Brazzaville finalise sa stratégie numérique 2020-2030, seule feuille de route à même de fédérer investisseurs, administration et société civile autour de cibles claires en matière de formation, cybersécurité et e-gouvernement.
Le texte, déjà approuvé au niveau technique, se trouve à la présidence du secrétariat général du gouvernement en vue d’une adoption par décret présidentiel, étape jugée déterminante pour déclencher de nouveaux financements multilatéraux.
Selon le ministre Ibombo, l’anticipation des futurs besoins implique de former 5 000 jeunes aux métiers du cloud, de la maintenance réseau et de la data-science, une ambition qui s’appuie sur des partenariats avec les universités et les centres de formation professionnelle.
Les défis techniques de la généralisation 4G
Si 20 sites sont déjà fonctionnels, 56 attendent encore leur raccordement effectif au réseau national de transmission, prévu d’ici fin 2025 ; un calendrier que les ingénieurs considèrent réaliste à condition de sécuriser l’acheminement des équipements vers les zones enclavées.
Les équipes techniques doivent composer avec la saison des pluies, souvent synonyme de routes impraticables dans la Cuvette ou le Niari ; des stocks tampon sont désormais constitués à proximité des chantiers pour limiter les retards.
Sur le plan énergétique, les stations sont alimentées en solaire hybride, diminuant les coûts d’exploitation et l’empreinte carbone, un choix cohérent avec les engagements climatiques du Congo dans le cadre de l’Accord de Paris.
Vers un écosystème digital propice à l’innovation
À moyen terme, les autorités misent sur la création de hubs d’innovation régionaux capables d’attirer des start-up spécialisées dans l’agritech, la télémédecine ou les services financiers, afin de transformer la connectivité en véritable levier de croissance inclusive.
Le ministère rappelle que la réussite du programme dépendra enfin de la confiance des utilisateurs ; un dispositif de sensibilisation à la cybersécurité et à la protection des données personnelles sera donc déployé, renforçant la crédibilité des services publics numériques auprès des citoyens.
En alignant le PATN sur le Plan national de développement, le gouvernement entend stimuler la création d’emplois qualifiés, estimés à vingt mille postes directs et indirects d’ici 2030, tout en renforçant la place du Congo sur la carte numérique africaine.
La prochaine évaluation conjointe avec les bailleurs, programmée pour le premier trimestre 2024, devrait préciser de nouveaux jalons, notamment l’ouverture des données publiques et la création d’un cadre réglementaire dédié aux fintech.