Une génération en quête de repères et de perspectives
Fort de près de 70 % de sa population âgée de moins de trente ans selon les dernières estimations officielles, le Congo-Brazzaville se trouve à la croisée de deux dynamiques structurelles : d’une part, l’aspiration légitime des jeunes à la pleine réalisation de leur potentiel ; d’autre part, la nécessité pour les pouvoirs publics de convertir cette énergie sociale en atout macro-économique. Les mobilités internes, l’urbanisation rapide de Brazzaville et de Pointe-Noire, l’exposition massive aux réseaux numériques et le choc, encore perceptible, de la pandémie de Covid-19 ont redéfini les trajectoires biographiques d’une génération attentive au moindre signal d’opportunité.
Un cadre stratégique pensé comme boussole de l’action publique
L’atelier de validation technique présidé par le directeur de cabinet du ministre de la jeunesse, Charles Mackaya, marque l’aboutissement d’un processus de concertation entamé en 2022 avec les organisations de jeunes, les collectivités locales et les partenaires techniques. La Politique nationale de la jeunesse (PNJ) s’articule autour de six axes stratégiques : autonomisation, inclusion, formation, emploi, participation citoyenne et bien-être. Elle se donne pour horizon une cohérence intersectorielle, chaque ministère étant appelé à décliner des plans opérationnels qui seront évalués semestriellement.
« Investir dans la jeunesse, c’est bâtir un Congo fort, stable et prospère », a rappelé Charles Mackaya, soulignant que la PNJ revêt à la fois la nature d’un instrument de planification et celle d’un contrat moral entre l’État et sa jeunesse. La philosophie sous-jacente épouse la logique de développement humain durable, postulant que le capital social des jeunes – compétence, créativité, résilience – représente la première richesse de la nation.
L’implication décisive de l’UNESCO et la diplomatie de l’expertise
Aux côtés du gouvernement, l’UNESCO assure une fonction de conseil méthodologique et d’interface avec les bonnes pratiques internationales. L’agence onusienne a notamment contribué à l’élaboration de la matrice d’indicateurs destinée à mesurer l’insertion professionnelle, l’engagement civique et la santé mentale des jeunes. « La jeunesse congolaise doit être actrice de la transition numérique et écologique du pays », a insisté un représentant régional de l’organisation, soulignant la nécessité d’aligner la PNJ sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Ce partenariat s’inscrit dans la lignée d’une diplomatie du développement où l’expertise technique et la légitimité politique se renforcent mutuellement. Pour Brazzaville, l’appui onusien accroît la crédibilité de la réforme sur la scène internationale et facilite l’accès aux financements innovants, notamment les fonds climat pouvant soutenir l’entrepreneuriat vert des jeunes.
Diagnostic socio-économique et priorités d’intervention
Émile Eba, directeur de cabinet au ministère de l’économie, a insisté sur la dimension analytique : « Tout dispositif public efficace repose d’abord sur un diagnostic sans complaisance ». Concrètement, le taux de chômage des 15-24 ans demeure supérieur à la moyenne nationale, tandis que le secteur informel absorbe plus de 80 % des primo-entrants sur le marché du travail. L’accès à la formation technique et professionnelle, bien que soutenu par plusieurs centres qualifiants, reste en deçà du potentiel, notamment dans les filières du numérique, de l’agro-transformation et des énergies renouvelables.
Sur le plan sociétal, l’indice de fécondité élevé conjugué à l’urbanisation rapide intensifie la pression sur les services sociaux de base. La PNJ prévoit, à cet égard, un volet « bien-être » intégrant santé sexuelle et reproductive, prévention des addictions et promotion du sport comme vecteur d’ascension sociale. La dimension genre y est centrale, l’État visant un rattrapage des disparités d’accès entre jeunes hommes et jeunes femmes, notamment dans les domaines STEM.
Gouvernance, suivi-évaluation et financements attendus
Le document validé institue un Conseil national de la jeunesse renouvelé, doté d’un secrétariat permanent chargé de synchroniser l’ensemble des ministères concernés. Un fonds d’impulsion, adossé au budget de l’État et aux contributions partenariales, financera les projets innovants portés par les jeunes dans les douze départements. Des critères d’éligibilité transparents ainsi qu’un mécanisme d’évaluation participatif seront appliqués afin de garantir l’efficience et la redevabilité du dispositif.
À moyen terme, les autorités visent la création de 150 000 emplois décents pour les jeunes d’ici 2028. Bien que l’objectif soit ambitieux, la conjoncture pétrolière redevenue favorable et les perspectives d’investissements dans le corridor économique Pointe-Noire-Ouesso constituent des variables macro-économiques encourageantes.
Vers une maturité citoyenne et économique
La validation de la Politique nationale de la jeunesse acte la reconnaissance officielle du rôle central que cette composante démographique jouera dans l’émergence du Congo-Brazzaville. En dotant le pays d’un cadre stratégique cohérent, arrimé aux Objectifs de développement durable, le gouvernement entend offrir à chaque jeune la possibilité de devenir acteur de son propre avenir tout en consolidant la stabilité institutionnelle.
Si la déclinaison opérationnelle devra affronter les aléas budgétaires et les inerties administratives, l’alliance entre volonté politique, expertise internationale et engagement citoyen esquisse un scénario de transformation. L’histoire jugera de la capacité collective à transformer cette promesse en réalité tangible, mais l’option du volontarisme éclairé semble désormais irréversible.