Un souffle numérique pour la jeunesse
La transition numérique n’est plus un horizon lointain pour la République du Congo: elle s’incarne aujourd’hui dans des initiatives portées par une jeunesse proactive, à l’image du Forum international de la jeunesse africaine pour le développement de l’Afrique, Fijada, fraîchement présenté à Brazzaville.
En recevant les animateurs du projet, le ministre de l’Économie numérique, Leon Juste Ibombo, a rappelé que « le gouvernement continuera à encourager les jeunes qui se démarquent dans l’innovation », martelant ainsi la volonté officielle de transformer le potentiel des réseaux sociaux en moteur de croissance inclusive.
Cette posture gouvernementale trouve écho auprès des acteurs de terrain, convaincus que la monétisation des contenus digitaux, la vente en ligne ou le freelance peuvent compenser l’étroitesse du marché formel et offrir des alternatives professionnelles à une population majoritairement jeune.
Le Fijada, réseau continental émergent
Né dans l’effervescence de la Journée mondiale de la jeunesse, le Fijada a réuni à Kinshasa des délégués venus de tout le continent pour réfléchir à la place des nouvelles technologies dans la construction d’un avenir durable, thème qui a ancré la rencontre dans l’Agenda 2030.
Le représentant pays, Daniel Biangoud, voit dans cette plateforme « une niche financière pour les adeptes des réseaux sociaux », convaincu que l’économie des créateurs peut être domestiquée au profit des jeunes congolais désireux d’exporter leur créativité bien au-delà du périmètre national.
Pour Jonathan Masuta Lumeya, président du forum, le rendez-vous de Kinshasa fut l’occasion de plaider pour la mise en place de programmes de sensibilisation et de formation, afin que l’inclusion numérique ne reste pas un slogan mais devienne un droit effectif pour chaque quartier, chaque village.
Entrepreneuriat digital et emploi local
Au Congo-Brazzaville, près de 60 % de la population a moins de trente ans, selon l’Institut national de la statistique; l’orientation vers les services numériques apparaît donc stratégique pour absorber les cohortes de diplômés en quête d’insertion et réduire la dépendance à un secteur public saturé.
Les success stories congolaises dans la fintech, la livraison connectée ou l’agritech demeurent encore rares, mais elles prouvent, à l’image des start-ups soutenues par l’incubateur Pépite d’Or, que le capital d’ingéniosité locale existe et ne demande qu’un environnement réglementaire lisible pour s’épanouir.
Le Fijada ambitionne de connecter ces pépites aux géants mondiaux du numérique, non pour diluer leur singularité, mais pour leur ouvrir des marchés extérieurs, faciliter les transferts de compétence et attirer des investissements susceptibles de créer des emplois décents sur le sol congolais.
Gouvernement et organisations, un partenariat structurant
En dépit de son statut d’organisation non gouvernementale, le Fijada revendique une collaboration avec l’exécutif; Daniel Biangoud rappelle que « travailler en synergie n’entrave pas l’indépendance, cela la renforce », une ligne qui permet d’aligner l’initiative sur le Plan national de développement.
Le secrétaire exécutif du Conseil consultatif de la jeunesse, Prince Michrist Kaba Mboko, a salué la démarche, y voyant l’illustration d’une gouvernance participative où les projets partent du terrain et sont consolidés par l’État, garant de la cohésion et de la pérennité des politiques publiques.
Le ministère de l’Économie numérique, de son côté, envisage d’accompagner l’initiative par des sessions de mentorat, un renforcement de la couverture internet dans les zones périurbaines et la facilitation des procédures pour l’obtention des agréments nécessaires à la création d’entreprises technologiques.
Former, inclure, connecter
Toutefois, l’accès inégal aux outils et à la connexion pourrait freiner l’élan; l’Union internationale des télécommunications situe le taux de pénétration d’internet au Congo-Brazzaville à environ 28 %, un niveau qui appelle des politiques ciblées pour ne laisser aucun territoire hors ligne.
Les recommandations issues du forum de Kinshasa préconisent l’introduction d’ateliers pratiques dans les établissements scolaires, l’ouverture de fablabs provinciaux et la création de micro-crédits dédiés aux projets numériques portés par des femmes, groupes encore sous-représentés dans la chaîne de valeur technologique.
Des partenariats avec les universités étrangères sont également envisagés pour mutualiser les ressources pédagogiques en ligne et pour favoriser l’obtention de certifications internationales, condition souvent exigée par les entreprises de la sous-région CEEAC soucieuses d’attirer des profils compétitifs et immédiatement opérationnels.
Des perspectives ambitieuses
À court terme, les promoteurs souhaitent organiser un hackathon national centré sur les ODD, mobiliser des sponsors locaux et mesurer l’impact social du Fijada à l’aide d’indicateurs clairs, gage de crédibilité auprès des bailleurs multilatéraux et, in fine, catalyseur d’une nouvelle culture numérique citoyenne.
Le succès dépendra également de la capacité des jeunes à produire des contenus adaptés au marché francophone, à respecter les cadres éthiques et à construire des stratégies commerciales solides, autant de compétences que le programme entend développer grâce à un mentorat intergénérationnel.
En renforçant la convergence entre politiques publiques, initiatives citoyennes et secteur privé, le Fijada pourrait transformer l’économie digitale en véritable levier de cohésion sociale, profitant à la fois aux dynamismes entrepreneuriaux, à la visibilité internationale du Congo-Brazzaville et à l’amélioration du quotidien des populations.