Brazzaville place la participation au premier plan
La salle baignée de lumière naturelle, installée au cœur de la capitale, a accueilli le 28 août la première conférence des délégués du Patriarche. À l’initiative de Digne Elvis Okombi Tsalissan, la rencontre ambitionne d’ancrer la révision des listes électorales dans un vaste mouvement de mobilisation citoyenne.
Responsables politiques, figures de la société civile et leaders d’opinion y ont répondu présent. Leur présence conjointe matérialise une volonté collective : transformer l’acte de s’inscrire sur les listes en un réflexe démocratique partagé, gage d’élections reflétant fidèlement la diversité sociale du Congo-Brazzaville.
Un plaidoyer pour la cohésion et l’effort commun
Dans son intervention d’ouverture, Digne Elvis Okombi Tsalissan a rappelé que « travailler ensemble sera le plus grand défi », insistant sur les menaces que représentent la financiarisation de la vie politique, la prolifération des fausses nouvelles et la désinformation. Pour lui, la patience et la tolérance constituent le socle d’une action durable.
S’inspirant de la célèbre citation attribuée à Henry Ford, il a réaffirmé que se réunir constitue un début, demeurer ensemble un progrès, et travailler de concert une véritable réussite. Cette approche collaborative irrigue l’ensemble des travaux, articulés autour de trois questions fondatrices : identité, finalité et méthode commune.
L’abstention : un défi sociologique majeur
Les données électorales récentes montrent un repli de la participation, particulièrement marqué chez les primo-votants. Le coordonnateur général du Patriarche évoque « un taux élevé d’abstention » et un « désintérêt préoccupant » des jeunes pour les urnes, phénomène observé dans de nombreuses démocraties contemporaines.
Il rappelle qu’une fois dans l’isoloir, chaque citoyen dispose d’un pouvoir identique, quelles que soient sa profession, sa situation économique ou son parcours scolaire. L’argument vise à briser le sentiment d’impuissance souvent exprimé par les jeunes diplômés sans emploi, les auto-entrepreneurs ou encore les chômeurs de longue durée.
Opération Matissa : catalyseur de conscience politique
Pour renverser la tendance, le mouvement met en avant l’opération Matissa Affaire avec Loboko ya Patriarche. Pensée comme un laboratoire d’innovation civique, elle cible les jeunes générations au moyen d’ateliers de sensibilisation, de campagnes numériques et de micro-initiatives communautaires axées sur l’inscription électorale.
Le thème choisi pour cette première conférence – « Le rôle des masses populaires dans la préparation et la participation au processus électoral ainsi que dans la mise en œuvre des réformes » – reflète l’ambition de l’ONG Génération Auto-Entrepreneur : substituer au scepticisme un engagement tangible à chaque étape du cycle électoral.
Trois interrogations pour une feuille de route partagée
Les délégués, venus de tous les départements du pays, se penchent sur « Qui sommes-nous ? », « Pourquoi nous rassembler ? » et « Comment travailler ensemble ? ». Ces interrogations structurent les ateliers et nourrissent une réflexion collective sur la place du citoyen dans la gouvernance publique.
Chaque groupe restitue ses conclusions devant l’assemblée plénière. Les premiers retours soulignent la nécessité d’une éducation civique continue, d’une communication adaptée aux réalités locales et d’un encadrement législatif clair pour garantir l’intégrité des futures opérations de révision des listes électorales.
Une démarche alignée sur les réformes nationales
En filigrane, la conférence s’inscrit dans les réformes électorales engagées par les autorités congolaises. Les intervenants notent la convergence entre l’action associative et les orientations institutionnelles visant à renforcer la transparence du fichier électoral et à moderniser les procédures d’inscription.
Cette complémentarité, souvent saluée par les observateurs, illustre la capacité des organisations de la société civile à agir en relais des politiques publiques, sans se substituer aux organes officiels. Pour plusieurs participants, cette synergie accroît la confiance des électeurs et améliore la crédibilité du processus.
Les jeunes, acteurs stratégiques du scrutin de 2026
Le scrutin général prévu en 2026 apparaît déjà en toile de fond des discussions. Les mineurs qui atteindront la majorité cette année-là constituent une cible décisive pour l’opération Matissa. Leur inscription précoce, puis leur vote, pourraient infléchir la courbe de participation nationale.
Des lycéens présents dans l’assistance disent percevoir la carte d’électeur comme « un passeport pour influencer l’avenir ». Les organisateurs entendent capitaliser sur cet enthousiasme naissant en multipliant les séances d’information dans les établissements scolaires et les espaces culturels des quartiers périphériques.
Témoignages : la parole revient aux délégués
Pour Clarisse Ngakosso, déléguée du Kouilou, « la conférence rappelle que la démocratie se gagne d’abord sur le terrain de l’écoute ». Elle évoque les rencontres de porte-à-porte menées dans sa localité pour expliquer les procédures d’inscription aux électeurs éloignés des centres urbains.
Prince Makaya, représentant de la Sangha, insiste sur le rôle des médias communautaires : « Une radio locale peut démystifier le processus électoral mieux qu’un long discours ». Ces témoignages ancrent la conférence dans un vécu territorial souvent absent des débats centralisés.
Calendrier et perspectives à court terme
Les travaux, programmés sur trois jours, doivent s’achever le 30 août par l’adoption d’une feuille de route détaillée. Celle-ci recensera les actions de mobilisation, les indicateurs de suivi et les partenariats institutionnels à consolider d’ici la prochaine séquence électorale.
Un comité permanent sera mis en place pour maintenir la dynamique. Son mandat : accompagner les délégués dans la mise en œuvre locale des recommandations, coordonner les campagnes d’information et évaluer périodiquement l’évolution du taux d’inscription.
Vers une culture de la participation durable
Au-delà de la seule échéance de 2026, les organisateurs aspirent à inscrire l’engagement citoyen dans la durée. L’objectif déclaré consiste à passer d’une logique ponctuelle, centrée sur le jour du vote, à une pratique continue de veille et d’interpellation constructive des décideurs.
Selon plusieurs observateurs, cette ambition s’aligne sur les tendances contemporaines des démocraties émergentes, où l’on voit se développer des formes participatives complémentaires aux mécanismes électoraux traditionnels. La conférence de Brazzaville se présente ainsi comme un jalon supplémentaire vers une citoyenneté active et inclusive.