Une revendication sociale toujours vive
Réunis le 5 septembre à Brazzaville, les journaliers regroupés au sein du Collectif national des travailleurs délaissés d’Energie électrique du Congo ont rappelé, avec une émotion palpable, que les conclusions actées lors de la rencontre du 11 mars 2025 restent, six mois plus tard, sans effet tangible.
Les salariés temporaires, indispensables à la distribution et à la vente d’électricité dans tout le territoire, estiment avoir respecté chaque étape du processus d’enrôlement supervisé par la société publique E2C et la police, mais se disent aujourd’hui frustrés par un silence qu’ils jugent injustifié.
Engagements de mars rappelés
Le protocole signé le 8 mars 2025 prévoyait la reconnaissance administrative de plus de mille journaliers, leur intégration progressive sur les listes de paie et l’ouverture d’une couverture sociale complète, afin de sécuriser le personnel et d’améliorer la qualité du service offert aux abonnés.
Ces engagements avaient été entérinés par le ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique, qui soulignait alors dans une note officielle que la démarche s’inscrivait dans la vision du président Denis Sassou Nguesso visant à consolider l’emploi local et la stabilité du réseau électrique national.
Les explications de l’entreprise
Interrogée cette semaine, la direction générale d’E2C met en avant la complexité administrative du dossier, indiquant que l’audit interne ouvert après février a révélé des doublons dans les fichiers du personnel et qu’un nettoyage minutieux s’avère nécessaire avant toute validation définitive.
« Nous devons garantir que chaque agent enrôlé corresponde à un poste réel », confie un cadre, rappelant que l’entreprise, propriété de l’État, veut éviter tout risque de masse salariale fictive susceptible de fragiliser ses finances déjà sollicitées par de vastes travaux de modernisation.
Le rôle actif du ministère
De son côté, le ministère de l’Énergie assure poursuivre la médiation et affirme avoir adressé, le 22 août, une nouvelle circulaire invitant E2C à transmettre dans un délai de trente jours un calendrier précis d’intégration, assorti d’indicateurs de suivi partagés avec les représentants des journaliers.
Un conseiller technique explique que l’Exécutif veut privilégier le dialogue social plutôt qu’un rapport de force, conscient que la continuité du service public d’électricité constitue un pilier pour la croissance et que toute tension prolongée se répercuterait sur les ménages comme sur les activités industrielles.
Patience et détermination du collectif
À travers un communiqué lu devant la presse, le Collectif insiste sur son attachement à la paix et au développement national, rappelant qu’il n’envisage les manifestations qu’en dernier recours et qu’il demeure ouvert à tout compromis respectueux de la parole donnée en mars.
Cependant, la base, dispersée entre Brazzaville, Pointe-Noire et plusieurs chefs-lieux, exprime une lassitude croissante face aux lenteurs perçues, certains travailleurs évoquant déjà la nécessité d’actions symboliques devant les agences régionales pour maintenir la question sous les projecteurs.
Impact sur la qualité du réseau
Depuis le début de l’année, E2C a enregistré des interruptions ponctuelles liées à des travaux de maintenance, mais les syndicats internes craignent qu’une baisse de motivation des journaliers ne complique encore la logistique des interventions et n’allonge les délais de rétablissement en cas de panne.
Le groupe assure néanmoins que les opérations stratégiques, telles que la mise en service de nouveaux transformateurs dans les quartiers périphériques de Brazzaville, restent priorisées et qu’aucun chantier d’extension n’a été suspendu en raison du dossier sur la régularisation.
Enjeu budgétaire et responsabilité
Selon un rapport interne consulté par nos soins, l’intégration de l’ensemble des journaliers représenterait un surplus annuel de charges estimé à 2,3 milliards de francs CFA, somme que la direction souhaite étaler sur trois exercices budgétaires afin de préserver l’équilibre financier approuvé par le Conseil d’administration.
Le ministère des Finances, sollicité pour un accompagnement, aurait proposé un mécanisme transitoire incluant une exonération partielle de cotisations patronales, dispositif déjà expérimenté dans d’autres entreprises publiques en phase de restructuration, selon une source gouvernementale.
Attentes des consommateurs
Dans les quartiers sud de la capitale, plusieurs abonnés interrogés déclarent qu’ils soutiennent les revendications des journaliers, convaincus qu’une meilleure stabilité de l’emploi se traduira par un service client plus réactif et une facturation mieux contrôlée, apaisant des tensions parfois vives aux guichets.
Les associations de consommateurs saluent également la posture du gouvernement, qui privilégie un compromis rapide, tout en rappelant que l’accès à une électricité continue reste crucial pour les lycéens en période d’examen et pour les PME engagées dans la diversification économique voulue par les autorités.
Perspectives d’issue rapide
Dans les prochains jours, un comité ad hoc réunissant responsables d’E2C, représentants du Collectif, inspecteurs du travail et délégués du ministère devrait se pencher sur la finalisation du registre du personnel, étape considérée comme la clé pour déclencher la signature des premiers contrats.
Selon un syndicaliste, l’atmosphère est désormais plus constructive : « Nous avons senti une volonté d’avancer lors des dernières rencontres informelles, à condition que chacun respecte les délais annoncés. » Un espoir partagé par plusieurs journaliers, qui préfèrent la négociation à la confrontation.
Un test pour la gouvernance sociale
La gestion de ce dossier servira de baromètre aux ambitions gouvernementales en matière de dialogue social, l’Exécutif ayant souvent rappelé que l’amélioration des conditions de travail constitue le socle d’une croissance inclusive capable de conforter la place du Congo-Brazzaville dans la sous-région.