Eau potable à Kibina : un tournant attendu
Le 25 novembre, un robinet a jailli dans Kibina, 8e arrondissement de Madibou, à dix-sept kilomètres de Brazzaville. Inauguré par la fondation congolaise Burotop Iris, le forage moderne brise une longue attente d’eau potable pour des milliers d’habitants.
Pendant des décennies, les femmes parcouraient deux kilomètres, parfois davantage, pour puiser une eau instable, souvent impropre. Chaque seau représentait un risque pour la santé et un temps soustrait à l’école, au commerce ou au simple repos familial.
Ingénierie hydraulique durable à Madibou
Foré à 57,5 mètres, l’ouvrage repose sur une pompe immergée capable de hisser 120 mètres cubes par jour vers une cuve de 5 000 litres. Une capacité dimensionnée pour irriguer le centre de santé voisin et satisfaire les foyers alentour.
Le dispositif s’alimente d’abord au solaire, grâce à des panneaux installés sur le toit du bâtiment sanitaire. Le réseau public prend le relais la nuit ou durant les jours nuageux, garantissant un flux ininterrompu et réduisant la facture énergétique.
Burotop Iris : mission sociale confirmée
Créée en 2008, la Fondation Burotop Iris concentre ses moyens sur l’éducation, la santé et la protection sociale au Congo-Brazzaville. Ses équipes estiment que l’accès à l’eau constitue le socle d’une meilleure qualité de vie.
« Quand on voit des mères remplir un bidon directement au robinet, notre action prend tout son sens », confie Romaine Gangoyi, responsable des opérations. Elle rappelle que le calendrier a été respecté, du 9 août au 20 septembre, grâce aux artisans locaux.
Soulagement immédiat pour le centre de santé
Avant l’arrivée de l’ouvrage, le Centre de santé intégré de Kibina, seul établissement médical du quartier, devait acheter ou mendier l’eau, absorbant une part substantielle de son budget et compliquant l’hygiène lors des accouchements et gestes invasifs.
La sage-femme Marie Thérèse Kivouvou mesure l’impact : « Nous pouvons stériliser nos instruments, laver le linge hospitalier et offrir un verre sûr aux parturientes ». Elle évoque un gain de concentration, les soignants n’ayant plus à gérer la corvée hydraulique.
Gains sanitaires et sociaux mesurables
Les premières analyses physico-chimiques, effectuées par la Congolaise des eaux, confirment la potabilité. La population espère une baisse des cas de diarrhée infantile et d’infections cutanées, pathologies qui, selon le personnel, occupaient jadis une place notable sur les registres.
Outre la santé, la nouvelle source libère des heures. Les enfants peuvent arriver à l’école à l’heure, les vendeuses ouvrir plus tôt leur étal, et les agriculteurs irriguer leurs plants de manioc sans détour par le marigot, décrivent plusieurs habitants rencontrés.
Les autorités locales saluent le partenariat
Le maire de Madibou, Alain Milandou, a salué la collaboration entre secteur privé, autorités et habitants durant la mise en service. Selon lui, « l’État ne peut pas tout, mais doit favoriser ce genre d’investissements utiles ».
Du côté préfectoral, l’ingénieur hydraulique Romain Okandzi rappelle que cette installation s’insère dans la stratégie Eau, hygiène et assainissement du gouvernement, qui vise la couverture universelle à l’horizon 2030 grâce à des partenariats locaux et à la promotion des énergies propres.
Malgré le progrès, des urgences persistent
Pourtant, le progrès ne gomme pas tout. L’absence d’ambulance condamne encore certaines urgences obstétricales à des transports de fortune. La portion de route reliant Kibina à la RN1 reste ponctuée de nids-de-poule qui rallongent les trajets vers l’Hôpital de référence.
Marie Thérèse Kivouvou garde toutefois l’espoir : « Nous avons reçu l’eau, nous recevrons un jour le véhicule ». Son optimisme se nourrit du soutien visible de la Plateforme pour le développement de Madibou, chargée de relayer les doléances auprès des bailleurs.
Vers une réplication dans d’autres quartiers
Cette même plateforme veut capitaliser sur l’expérience et identifier d’autres points critiques dans l’arrondissement. Un diagnostic participatif est annoncé pour inventorier puits improductifs, bornes-fontaines hors service et établissements publics encore privés d’eau sûre.
Si les financements suivent, les promoteurs envisagent de dupliquer le modèle forage-solaire-stockage dans les quartiers 810, 812 et 820. Les ingénieurs estiment possible d’abaisser les coûts unitaires grâce aux volumes d’échelle et à l’usage d’équipements fabriqués localement.
Un modèle mêlant innovation et solidarité
Le choix de l’énergie solaire répond aussi à la nécessité de limiter l’empreinte carbone et les factures d’exploitation. Dans une zone où l’ensoleillement annuel dépasse deux mille heures, le soleil devient partenaire stratégique de la sécurité sanitaire.
Sur le terrain, les habitants parlent déjà d’économie circulaire : l’eau non utilisée au dispensaire lavera cour, légumes et motocyclettes, pendant que la boue extraite lors du forage servira, une fois traitée, à améliorer la texture des potagers communautaires.
Perspectives pour l’agenda Eau et Santé 2030
La modernisation hydraulique de Kibina s’aligne sur l’Agenda 2030 des Nations unies et sur la Vision Eau et Santé 2030 portée par les autorités congolaises. Les objectifs intermédiaires fixent un accès universel à l’eau potable rurale dès 2026 dans le département.
À Madibou, on préfère célébrer chaque avancée plutôt que compter les manques. Sur les tôles chauffées, la silhouette grise du château d’eau rappelle qu’un droit fondamental n’est plus un combat quotidien mais un geste simple : tourner le robinet.
