Un élan de solidarité à Brazzaville
Sous une chaleur clémente d’octobre, la clinique médico-sociale de Moungali a vu affluer parents et élèves albinos pour recevoir des kits scolaires et des protections dermatologiques. L’initiative, portée par l’Association Johny Chancel pour les albinos et « Redonner le Sourire », entend préparer la rentrée.
En quelques tables soigneusement alignées, cahiers, stylos, règles, crèmes solaires à indice élevé et produits hydratants formaient un arc-en-ciel de précautions. Chaque élève est reparti avec un lot adapté, trace concrète d’une solidarité devenue routinière depuis près d’une décennie.
Au premier rang, le ministre délégué Joseph-Luc Okio, chargé de la Réforme de l’État, ainsi qu’un représentant de la Russie, ont salué le geste. Leur présence a donné à la cérémonie une dimension institutionnelle et rappelé l’importance du partenariat entre acteurs publics et associatifs.
Éducation inclusive, priorité nationale
« Scolariser un enfant, c’est investir dans la citoyenneté », a rappelé la porte-parole Sylvia Okandza. Pour elle, l’école apporte structure et confiance à des élèves parfois stigmatisés. Elle insiste sur l’accès équitable aux manuels et à la crème solaire, outil sanitaire autant que pédagogique.
Dans la République du Congo, l’inclusion scolaire figure désormais au cœur des textes officiels. Le ministère de l’Enseignement général multiplie guides et formations pour aider les enseignants à identifier les besoins spécifiques, qu’ils touchent à la vision, à la photoprotection ou à l’estime de soi.
Les responsables de l’AJCA rappellent que l’albinisme n’entrave pas l’apprentissage mais requiert des aménagements simples : positionner l’élève près du tableau, imprimer en gros caractères, autoriser des pauses durant les heures les plus ensoleillées. Des gestes peu coûteux, pourtant décisifs pour la réussite.
Les défis sanitaires spécifiques à l’albinisme
Au-delà des fournitures, la distribution de crèmes solaires illustre un impératif médical. La peau dépourvue de mélanine brûle rapidement sous les tropiques, exposant les enfants à des lésions précancéreuses. Les tubes offerts couvrent tout le premier trimestre, période critique où les familles jonglent avec les dépenses.
La clinique ouverte par l’AJCA en 2017 assure le suivi dermatologique et ophtalmologique. Elle reçoit régulièrement des spécialistes d’Ouganda, de Belgique ou de Russie, créant un pont médical inédit. Les consultations y demeurent gratuites, condition sine qua non pour toucher un public encore trop éloigné des centres urbains.
Un engagement gouvernemental réaffirmé
Devant les familles, Joseph-Luc Okio a remis une enveloppe de soutien, rappelant que « nul ne doit rester à la marge de la République ». Il a souligné la complémentarité entre politiques publiques et initiatives citoyennes, gage d’une protection sociale adaptée aux réalités locales.
Le représentant de l’ambassade russe a, pour sa part, plaidé pour un renforcement de la coopération médicale. Des formations sur la cancérologie cutanée seraient envisagées dès janvier, avec l’appui de centres hospitaliers de Saint-Pétersbourg. L’objectif est de transférer compétences et équipements sans alourdir les budgets nationaux.
Un réseau régional en construction
Président du Réseau des organisations des personnes vivant avec albinisme d’Afrique centrale, Johny Chancel Ngamouana coordonne désormais plusieurs antennes au Cameroun, au Gabon et en République démocratique du Congo. Les statistiques collectées aident à comparer l’accès à l’école et les couvertures médicales, fondement d’un plaidoyer régional.
Pour uniformiser les aides, le réseau discute avec la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale d’un fonds spécial alimenté par des taxes sur les produits solaires importés. Les ressources seraient redistribuées aux associations agréées, garantissant transparence et suivi annuel, selon un mécanisme encore en négociation.
Perspectives pour la rentrée 2025-2026
À l’approche de la rentrée 2025-2026, les familles s’organisent pour maintenir un suivi médical semestriel. L’AJCA ambitionne d’étendre la distribution de kits à Dolisie et à Pointe-Noire, où vivent de nombreux enfants albinos inscrits récemment dans les écoles publiques réhabilitées par les autorités.
L’association « Redonner le Sourire » projette, elle, des ateliers de lecture estivale pour consolider les acquis. Des bibliothèques mobiles circuleraient dans les quartiers périphériques, alliant romans illustrés et documentation sur la santé cutanée. Les enseignants volontaires recevront une courte formation pédagogique et dermatologique conjointe.
Les élèves bénéficiaires se disent motivés. « J’aimerais devenir docteur pour soigner les gens comme moi », confie Marie-Josée, 12 ans, avant de serrer son nouveau cartable. Son père voit dans ce don « une promesse de réussite », convaincu que l’éducation restera le meilleur écran contre la discrimination.
Malgré les avancées, les associations alertent sur le coût croissant des crèmes à indice 50. L’inflation importée renchérit chaque tube, tandis que les familles rurales vivent souvent du petit commerce. Un appel est lancé aux entreprises locales pour sponsoriser des stocks et bénéficier d’avantages fiscaux prévus.
À Brazzaville, l’offensive pour l’inclusion se poursuit donc sur plusieurs fronts : pédagogie adaptée, santé préventive, mobilisation politique. Les partenaires espèrent qu’en conjuguant cahiers et crèmes, la prochaine génération d’élèves albinos trouvera sa place dans la salle de classe et, au-delà, dans la cité.
