Un laboratoire mobile pour rapprocher la science
Dans un atelier lumineux du quartier Plateau des Quinze Ans, un minibus blanc se transforme progressivement en salle de sciences itinérante. Oscilloscopes, microscopes et tablettes se rangent dans des coffres modulaires, prêts à sillonner les lycées du pays. C’est là qu’est né ‘’EduLab Mobile’’.
L’initiative, portée par l’association Havre d’Équité, a remporté en mars le Premier Prix numérique de la Confejes, devançant le Bénin et Madagascar. Le trophée s’est aussitôt traduit par une subvention qui a permis d’amorcer la fabrication des premiers laboratoires ambulants.
Au-delà de la célébration, le projet répond à une préoccupation centrale : rapprocher la pratique scientifique de jeunes souvent limités à la théorie faute de matériel. Chaque déplacement d’EduLab Mobile doit donner l’occasion d’expérimenter, de coder ou de manipuler des maquettes robotiques avant le retour des devoirs écrits.
Confejes, acteur de la dynamique éducative régionale
En visite à Brazzaville, la secrétaire générale de la Confejes, Louisette Thobi, a voulu constater in situ l’utilisation des fonds délégués par son organisation. « J’exprime ma satisfaction quant à l’évolution du projet », a-t-elle déclaré, soulignant le rôle catalyseur d’une coopération francophone attentive aux attentes locales.
Depuis 1969, la Confejes appuie des projets d’éducation non formelle, de formation sportive et d’entrepreneuriat jeunesse. Pour la secrétaire générale, EduLab Mobile illustre l’orientation récente vers le numérique, secteur jugé prioritaire pour réduire le décrochage scolaire et promouvoir des compétences adaptées au marché régional.
Le financement accordé au projet congolais s’élève à vingt millions de francs CFA, selon une note interne consultée par nos soins. Une partie couvre l’achat d’équipements, le reste la formation de quinze animateurs scientifiques sélectionnés dans plusieurs départements, afin de garantir une diffusion homogène sur le territoire national.
Jeunesse congolaise au cœur de la transition numérique
Selon le dernier recensement scolaire, plus de soixante pour cent des établissements du second cycle général ne disposent pas de laboratoire fonctionnel. Cette pénurie freine la curiosité des élèves et enferme la pédagogie dans un schéma théorique répété depuis des décennies.
En s’appuyant sur les bus-labos, les concepteurs d’EduLab Mobile espèrent aiguiser l’appétit pour les filières scientifiques, encore minoritaires. L’idée est également de familiariser les jeunes femmes à la robotique, afin d’effriter les stéréotypes qui cantonnent les carrières technologiques à un public masculin.
« Quand un élève voit une réaction chimique se produire sous ses yeux, il comprend mieux qu’en lisant un paragraphe », résume Herman Mawa, directeur départemental de la Jeunesse. Pour lui, la démarche mobile offre une solution pragmatique à l’éparpillement géographique des établissements.
Impacts attendus dans les salles de classe
Chaque escale durera deux semaines. Les professeurs remettront leur progression pédagogique et le bus adaptera les expériences au programme national. Les animateurs encadreront des séances d’électricité, de chimie verte ou de programmation Scratch, donnant lieu à des mini-projets notés par les enseignants.
Le ministère de l’Enseignement général, associé au comité de pilotage, prévoit un suivi statistique. En comparant les résultats aux examens et les taux de présence avant et après le passage du laboratoire, les autorités espèrent objectiver l’apport du dispositif et ajuster le déploiement l’année suivante.
Perspectives de déploiement national et partenariats
À court terme, trois bus sillonneront Brazzaville, Pointe-Noire et Dolisie. À moyen terme, l’association vise dix unités capables de couvrir l’ensemble des chefs-lieux de département. Le coût global est estimé à cent cinquante millions de francs CFA, montant qui nécessite des synergies avec le secteur privé.
Plusieurs entreprises minières et télécoms ont déjà manifesté leur intérêt, y voyant une occasion de renforcer leur politique de responsabilité sociétale. Le Programme des Nations unies pour le développement, présent au Congo, étudie également la possibilité d’apporter un appui logistique et méthodologique.
Les défis de l’innovation en milieu scolaire
Acheminer un laboratoire mobile dans des zones enclavées suppose des routes praticables et une alimentation électrique stable. Or, certains collèges de la Cuvette ou du Niari alternent encore entre groupe électrogène et lampes solaires, situations susceptibles de ralentir le rythme des démonstrations.
En outre, le personnel enseignant devra être formé à exploiter cette nouvelle ressource afin d’éviter que les séances restent un spectacle ponctuel. Le ministère prévoit donc des modules de perfectionnement et l’intégration progressive d’un volet maintenance dans les cursus des écoles normales supérieures.
Une dynamique qui s’inscrit dans la vision gouvernementale
Le Plan national de développement 2022-2026 inscrit la transition digitale parmi ses axes stratégiques. L’État encourage ainsi la montée en puissance d’initiatives privées complémentaires, considérant que l’innovation collective accélère la modernisation du système éducatif et, par ricochet, la compétitivité économique.
Dans ce contexte, la collaboration entre la Confejes, les autorités congolaises et des associations citoyennes apparaît comme un laboratoire grandeur nature d’action publique partagée. Les premiers résultats d’EduLab Mobile seront donc scrutés avec attention, car ils pourraient servir de modèle à d’autres politiques sectorielles.
En attendant, les élèves du lycée Chaminade, première étape annoncée, comptent déjà les jours. Sur les réseaux sociaux, les photos du bus blanc suscitent un enthousiasme contagieux.