Les ambitions d’une vitrine verte à l’horizon 2025
En conviant les acteurs du voyage et de la conservation à Brazzaville pour la première édition de la Nabemba Tourism Expo, prévue en novembre 2025, l’agence Wild Safari Tours et le ministère de l’Environnement, du Développement durable et du Bassin du Congo entendent inscrire le pays sur la carte des destinations écotouristiques de référence. L’annonce, faite au cœur de la capitale, résonne comme une invitation à reconfigurer la chaîne de valeur touristique autour d’un impératif climatique de plus en plus structurant. Le choix du complexe Brazza Mall pour accueillir la manifestation n’est pas anodin : cet écrin ultramoderne, conforme aux standards internationaux, symbolise la convergence entre attractivité commerciale et impératif écologique, à l’heure où les visiteurs de tous horizons scrutent le label « durable » avant de réserver leurs billets.
Une vision institutionnelle convergente
Depuis les accords de Paris, la République du Congo affine une stratégie de diversification économique qui accorde une place croissante aux filières vertes. La présidence de Denis Sassou Nguesso a réaffirmé à plusieurs reprises la vocation environnementale du pays, renforcée par la tenue en 2023 du One Forest Summit à Libreville, où Brazzaville s’était engagée à protéger la forêt tropicale. Dans cette continuité, l’initiative conjointe avec Wild Safari Tours trouve un écho favorable au sein des chancelleries attentives à la diplomatie climatique. « Il existe une convergence d’intérêts entre la valorisation écologique du Bassin du Congo et l’essor d’un tourisme scientifique et d’observation de la nature », analyse le sociologue Elenga Mavoungou, spécialiste des politiques d’aires protégées.
Le Bassin du Congo, entre capital naturel et capital carbone
S’étendant sur plus de deux millions de kilomètres carrés, le massif forestier du Bassin du Congo capte chaque année plus de carbone qu’il n’en émet, d’où son surnom de « second poumon de la planète ». Or, cette performance écologique se double d’un potentiel touristique souvent sous-estimé : parcs nationaux quasi vierges, biodiversité endémique, cultures pygmées encore vivaces. L’enjeu, pour les autorités congolaises, consiste à traduire ce capital naturel en capital économique sans céder au piège de la massification. Le mécanisme de paiement pour services écosystémiques, testé dans la réserve de Lésio-Louna, ouvre la voie à un modèle où les recettes du tourisme soutiennent directement les programmes de conservation et d’électrification rurale.
Entre infrastructures et préservation des écosystèmes
Encore peu desservies, les zones humides de la Cuvette ou les plaines inondables de la Likouala réclament des investissements ciblés : routes à faible empreinte, écolodges alimentés par l’énergie solaire, formation d’éco-gardiens issus des communautés locales. Les autorités rappellent que toute amélioration logistique doit s’accompagner d’études d’impact rigoureuses. « Nous ne voulons pas d’un tourisme d’extraction mais d’un tourisme d’immersion », assure une cadre du ministère en charge du développement durable. Dans les parcs de Nouabalé-Ndoki et d’Odzala-Kokoua, gérés avec le concours de partenaires internationaux, les quotas de visiteurs demeurent volontairement limités afin de préserver la quiétude de la mégafaune.
Le pari social d’un tourisme inclusif
Au-delà de la seule rétention carbone, la réussite d’un tourisme vert requiert l’adhésion des riverains. Les programmes pilotes menés dans la région du Niari montrent déjà que la redistribution des revenus via des fonds communautaires réduit la pression sur la chasse de subsistance. À Mossaka, l’ouverture récente d’un centre d’artisanat porté par des femmes bantoues illustre la volonté d’inclure les catégories marginalisées. Wild Safari Tours s’est d’ailleurs engagé à réserver 30 % des emplois de guidage aux jeunes formés à l’Institut national du tourisme et de l’hôtellerie. Pour l’anthropologue française Sylvie Deperne, « l’appropriation locale du récit touristique est le meilleur rempart contre les conflits d’usage ».
Une fenêtre diplomatique sur le climat
La Nabemba Tourism Expo s’annonce comme un rendez-vous de soft power où se croiseront fonds d’investissement, ONG climatiques et chancelleries soucieuses de neutralité carbone. Brazzaville y voit une occasion de démontrer la cohérence de sa politique environnementale avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine, tout en attirant des capitaux compatibles avec l’Accord de Paris. Les discussions porteront notamment sur l’émission possible d’obligations vertes dédiées aux infrastructures écotouristiques. Si le projet aboutit, le Congo pourrait devenir l’un des premiers émetteurs subsahariens d’un tel instrument financier.
Vers un modèle africain de conservation lucrative ?
Reste la question du calendrier : la bourrasque inflationniste mondiale, conjuguée aux incertitudes géopolitiques, risque de freiner la demande internationale. Cependant, le marché du tourisme nature affiche une résilience notable, avec un taux de croissance annuel estimé à 7 % par l’Organisation mondiale du tourisme. Adossé à une diplomatie environnementale active, le Congo avance donc ses pions avec prudence mais détermination. Si la Nabemba Tourism Expo parvient à ancrer l’image d’un Congo stable, accessible et vertueux, le pays disposera d’un double dividende : des recettes fiscales diversifiées et un renforcement de son rôle de gardien du Bassin du Congo.