Un projet énergétique majeur
Du littoral atlantique jusqu’aux rives du fleuve Congo, la ligne haute tension Pointe-Noire-Brazzaville constitue depuis plus de quarante ans l’épine dorsale de l’alimentation électrique nationale. Aujourd’hui, sa réhabilitation engagée par le gouvernement entend répondre aux besoins croissants d’une économie en mutation rapide.
L’annonce officielle faite à Loudima par le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Émile Ouosso, a marqué le coup d’envoi symbolique des travaux, scellé lorsqu’il a tendu un morceau de conducteur au directeur général d’Eni Congo, Andrea Barberi.
Cette image, relayée au niveau national, illustre la volonté des autorités de garantir une fourniture fiable, capable d’accompagner l’émergence d’activités industrielles diversifiées et de consolider le bien-être des foyers urbains comme ruraux.
Retour sur un réseau construit en 1982
Lorsque la ligne a été mise en service en 1982, elle répondait aux standards internationaux du moment et permettait de transférer l’excédent de production de Pointe-Noire vers la capitale politique, située à près de 500 kilomètres.
Quatre décennies plus tard, l’infrastructure a subi les effets conjugués du climat équatorial, de la croissance démographique et de l’augmentation des appels de puissance, générant des pertes dépassant cent mégawatts sur les 327 issus de la Centrale électrique du Congo.
Ces déperditions signifient, pour les ménages brazzavillois, des coupures régulières et, pour les entreprises, une hausse des coûts de production liée à l’utilisation d’unités mobiles de secours, freinant l’attractivité du territoire dans la sous-région.
Des travaux techniques de haute précision
La réhabilitation porte sur six postes stratégiques – Mindouli, Loudima, M’Bondji, Mongo-Nkamba II, Mongo-Nkamba I et Ngoyo – ainsi que sur le renforcement mécanique de pylônes choisis après une campagne d’inspection approfondie menée par des ingénieurs congolais et italiens.
Des compensateurs statiques seront installés à Mindouli et Loudima afin de stabiliser la tension, technologie éprouvée qui limite les fluctuations susceptibles d’endommager les appareils électroménagers et de perturber les process industriels.
Eni Congo, maître d’œuvre, s’appuie sur un calendrier serré combinant génie civil, logistique fluviale et héliportée pour acheminer les conducteurs de nouvelle génération, plus résistants aux surcharges thermiques, tout en garantissant la continuité du service aux usagers.
Impacts socio-économiques attendus
Au-delà de la performance électrique, les autorités soulignent la dimension sociale du chantier : l’amélioration de la desserte devrait réduire les inégalités d’accès en zone périurbaine, où les délestages successifs affectent particulièrement les élèves et les structures de santé.
L’industrie, notamment le secteur de la transformation agricole en pleine expansion autour de Nkayi, attend un approvisionnement stabilisé pour amortir les investissements récents dans les chambres froides, les moulins et les ateliers mécanisés destinés à valoriser la production locale.
Selon une estimation du ministère du Développement industriel, chaque mégawatt effectivement livré à Brazzaville pourrait générer l’équivalent de cinquante emplois directs et induits, un levier précieux pour accompagner l’objectif gouvernemental de diversification économique.
Le partenariat État-Eni, vecteur d’innovation
La Centrale électrique du Congo, issue d’un montage public-privé réunissant l’État à 80 % et Eni à 20 %, fournit déjà plus de 70 % de l’électricité nationale avec un taux de disponibilité supérieur à 98 %.
Pour Andrea Barberi, « l’énergie ne doit pas seulement alimenter les industries, elle doit éclairer l’avenir de la jeunesse », rappelant que le transfert de savoir-faire vers les techniciens congolais constitue un axe majeur du contrat.
La société italienne, implantée depuis plusieurs décennies dans l’exploration offshore, capitalise sur sa chaîne d’approvisionnement régionale pour réduire les coûts et introduire des pratiques de maintenance prédictive basées sur le traitement de données en temps réel.
Cap sur la fiabilité et la croissance inclusive
Les chantiers ont débuté en juillet, selon le ministère, et seront phasés afin de limiter les interruptions. Chaque section traitée fera l’objet d’essais haute tension avant remise en service, garantissant une conformité intégrale aux normes de la Commission africaine de l’énergie.
À terme, la capacité totale transférable devrait atteindre le niveau nominal de 300 mégawatts, offrant une marge de croissance au réseau de distribution urbain qui sera, lui aussi, progressivement renforcé par un plan de modernisation annoncé pour 2025.
Les autorités insistent sur la dimension environnementale : en réduisant les pertes en ligne, le pays diminuera la quantité de gaz consommé par la centrale pour produire l’énergie gaspillée, limitant ainsi ses émissions de dioxyde de carbone.
Des observateurs universitaires voient dans cette opération un jalon vers l’interconnexion sous-régionale inscrite au Programme prioritaire de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, qui pourrait, à moyen terme, transformer le Congo-Brazzaville en hub énergétique.
En attendant ces perspectives, la réhabilitation de la ligne Pointe-Noire-Brazzaville se présente surtout comme un engagement concret en faveur du quotidien des citoyens, consolidant la confiance entre la population, l’État et ses partenaires techniques.
Le ministère prévoit de publier des rapports trimestriels accessibles au public, détaillant l’avancée physique et financière des travaux. Cette transparence, saluée par les associations de consommateurs, devrait conforter la culture de reddition de comptes dans la gouvernance des projets d’infrastructure.