Un débat qui relance la priorité logement
Réunis à Kintélé, les étudiants, enseignants et professionnels de l’Institut supérieur d’architecture, d’urbanisme, de bâtiment et de travaux publics ont replacé l’habitat au centre de la conversation nationale. Leur conférence-débat, organisée à l’occasion des Journées mondiales consacrées au logement et à l’architecture, a souligné l’urgence d’investir dans des villes plus sûres et inclusives.
Les intervenants ont considéré la ville comme un écosystème : lieu de sécurité, d’opportunités économiques et de résilience sociale. Sans logements décents, rappelait un conférencier, ces promesses s’effritent, ouvrant la voie à des inégalités que les crises naturelles ou sanitaires aggravent rapidement.
Mobilisation de l’État et des partenaires
Les participants ont salué l’engagement déjà consenti par les autorités congolaises tout en invitant à un passage rapide à l’échelle. Ils ont encouragé l’État et les bailleurs à renforcer des financements ciblés, afin d’accompagner les municipalités dans la construction d’infrastructures et d’habitations répondant aux normes environnementales actuelles.
Selon eux, la coopération avec le secteur privé et les organisations internationales reste déterminante pour déployer des politiques urbaines inclusives. Ces partenariats, ont-ils précisé, doivent conjuguer exigence de durabilité et respect de la capacité contributive des ménages, principalement ceux dont les revenus demeurent modestes.
Brazzaville et Pointe-Noire, laboratoires urbains
Les échanges ont mis l’accent sur Brazzaville et Pointe-Noire, deux grandes agglomérations dont les plans directeurs datent de l’époque coloniale. Les conférenciers jugent ces schémas désormais obsolètes et peu adaptés aux réalités démographiques actuelles, marquées par une expansion rapide des quartiers périphériques.
Ils préconisent la reconstruction d’îlots entiers et la réhabilitation des voies d’accès pour bâtir des villes durables. L’idée directrice consiste à ne laisser personne en marge du développement, notamment les foyers installés dans des zones exposées aux érosions ou aux inondations saisonnières.
Changement climatique et vulnérabilités
Le professeur Narcisse Malanda a relié l’urbanisation anarchique aux effets plus visibles du changement climatique. Hausse des températures, pluies irrégulières, glissements de terrain : autant de phénomènes qui accentuent les tensions sur les infrastructures et obligent nombre d’habitants à migrer vers des sites encore non viabilisés.
Il a rappelé que, d’après les données du ministère de l’Environnement, la température moyenne nationale a progressé de 0,07 % en cinquante ans. Le Congo figure parmi les pays les plus vulnérables et les moins préparés face au dérèglement climatique, tandis que la croissance démographique atteint presque 10 % l’an.
Le rôle pivot des architectes
Les architectes, indique l’Institut, n’interviennent plus seulement comme bâtisseurs mais comme acteurs de la résilience. Ils conçoivent des projets intégrant ventilation naturelle, matériaux locaux et gestion des eaux pluviales, anticipant les aléas afin de protéger logements et infrastructures publiques.
Cette approche, déjà appliquée pour reconstruire des zones sinistrées, combine études de terrain, plans détaillés et prescriptions sur les volumes. L’objectif demeure d’offrir des espaces habitables à coût maîtrisé, tout en respectant les impératifs énergétiques et environnementaux fixés par les autorités.
Vers des quartiers résilients et inclusifs
Pour éviter l’ensablement, prévenir les inondations et contenir les glissements de terrain, les participants proposent d’accélérer les travaux de drainage et la réhabilitation des grands collecteurs d’eau. Ils suggèrent aussi de revoir la typologie des constructions, en privilégiant des gabarits adaptés à la topographie et aux flux hydrauliques.
Ils recommandent enfin de reconstruire les quartiers les plus vulnérables grâce à des opérations de restructuration, incluant l’accès à l’électricité, à l’eau potable et aux transports. Ces opérations, ont-ils souligné, doivent associer habitants, responsables locaux et techniciens pour garantir l’appropriation des projets.
Moderniser le cadre réglementaire
Les experts plaident pour une actualisation du code de l’urbanisation afin d’aligner le corpus légal sur les ambitions climatiques et démographiques. Une telle réforme offrirait aux municipalités des outils renforcés pour encadrer l’implantation des lotissements et lutter contre l’étalement non planifié.
Pour le professeur Malanda, la mise à jour des textes est indissociable d’un renforcement des capacités techniques : formation continue des cadres, création de laboratoires de recherche appliquée et partage d’expériences avec d’autres capitales d’Afrique centrale. Le tout vise à consolider un modèle urbain congolais, adapté et exportable.
Une dynamique à consolider
À l’issue de la rencontre, orateurs et participants ont souligné la convergence de leurs analyses et la volonté commune d’agir rapidement. Ils estiment qu’une coordination renforcée entre l’État, les collectivités et les experts permettra de transformer les recommandations en chantiers concrets, visibles pour les populations.
En valorisant la compétence nationale et l’innovation locale, le Congo-Brazzaville peut transformer ses défis urbains en occasion de progrès social et économique. Les débats de Kintélé rappellent qu’une architecture durable, soutenue par des politiques volontaristes, reste l’un des leviers les plus sûrs pour édifier des villes plus résilientes.