Une convergence historique en mutation
À l’heure où les équilibres régionaux se recomposent, la visite du ministre congolais des Affaires étrangères, Jean-Claude Gakosso, dans la capitale angolaise tranche par sa dimension symbolique et stratégique. L’axe Brazzaville-Luanda, forgé dans le tumulte des années de libération puis consolidé par un maillage économique de plus en plus étoffé, se redéfinit autour d’enjeux de gouvernance continentale. La commémoration, cette année, du cinquantenaire de l’indépendance angolaise offre l’opportunité de rappeler le socle mémoriel partagé : deux peuples ayant éprouvé les mêmes soubresauts historiques et désormais résolus à inscrire leur relation dans la modernité des défis globaux.
Le pari UNESCO comme levier diplomatique
En remettant officiellement au président João Lourenço le dossier d’Édouard Firmin Matoko, ancien sous-directeur général de l’UNESCO, Jean-Claude Gakosso a fait plus que déposer une candidature. Il a adressé un signal de confiance à un partenaire réputé pour son influence croissante au sein de l’Union africaine. À ses interlocuteurs, le chef de la diplomatie congolaise a souligné « l’expertise avérée et la connaissance intime des rouages onusiens » de celui qui fut l’un des artisans de la Biennale de Luanda pour la paix. L’appui recherché auprès de l’Angola transcende la seule élection à la tête de l’organisation onusienne ; il vise à doter l’Afrique d’une voix cohérente dans la diplomatie culturelle mondiale, en phase avec l’agenda 2063 de l’Union africaine.
Entre coopération bilatérale et agenda continental
Le déplacement de la délégation congolaise intervient alors que Luanda assume une posture stabilisatrice dans la région des Grands Lacs. Depuis plusieurs mois, la médiation angolaise dans la crise à l’est de la République démocratique du Congo est saluée par nombre d’observateurs. Brazzaville, qui partage avec Kinshasa et Luanda la conviction qu’aucun développement ne saurait prospérer durablement sans paix, trouve dans cet activisme diplomatique un terrain d’alignement. En se positionnant aux côtés du leadership angolais, le Congo affiche son engagement en faveur d’une gouvernance collective des crises régionales, tout en projetant l’image d’un partenaire fiable, apte à articuler ses priorités nationales avec l’intérêt général africain.
Les liens économiques et culturels en toile de fond
Si la visite a mis l’accent sur la candidature à l’UNESCO, elle a offert l’occasion de passer en revue l’ensemble des dossiers bilatéraux. Au-delà des traditionnels échanges énergétiques, l’on observe un regain d’intérêt pour des coopérations croisées dans les secteurs de la formation et des industries créatives. La Zone de libre-échange continentale africaine, dont la mise en œuvre opérationnelle nécessite des partenariats agiles, constitue un horizon prometteur. Plusieurs responsables angolais, citant la complémentarité des bassins pétroliers et forestiers, ont évoqué la perspective d’investissements conjoints dans la pétrochimie verte et la certification carbone. De son côté, Brazzaville insiste sur la diplomatie culturelle comme vecteur de soft power, estimant que la Biennale de Luanda pourrait devenir un laboratoire panafricain de la culture de paix.
Perspectives pour une diplomatie proactive
En confiant à Jean-Claude Gakosso la mission de transmettre un message d’estime au chef de l’État angolais, le président Denis Sassou Nguesso réaffirme une ligne stratégique fondée sur la concertation et l’anticipation. Les prochains sommets Amérique-Afrique et Union africaine-Union européenne figureront autant d’occasions de parachever cette convergence. Pour Brazzaville, soutenir l’élection d’une personnalité africaine à la tête de l’UNESCO, tout en consolidant un partenariat bilatéral dense, illustre une ambition diplomatique qui ne se limite plus à la gestion des urgences, mais entend façonner l’architecture de gouvernance mondiale. Dans les couloirs feutrés de l’Union africaine, certains diplomates louent déjà « la cohérence d’une démarche inscrite dans le long terme ». Le pari est audacieux, mais il s’appuie sur des affinités historiques, une vision partagée de la stabilité régionale et la conviction que la voix africaine gagne à être portée de manière concertée.