Une élection à forte portée symbolique
L’élection de Ludovic Ngatsé à la présidence du Conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC), le 10 septembre à Bangui, marque une étape que les capitales de la sous-région observent avec attention.
Le ministre congolais de l’Économie, du Plan, de la Statistique et de l’Intégration régionale succède ainsi à son homologue centrafricain et prend les rênes d’une instance cruciale pour l’application des politiques communes.
Des défis financiers mesurés
Dès son élection, le nouveau président a rappelé qu’« il y aura beaucoup de choses à faire », citant notamment le Programme des réformes économiques et financières de la CEMAC, dont la présidence incombe également à Brazzaville.
Cette double responsabilité élargit le périmètre d’action de M. Ngatsé, qui devra coordonner d’un côté les ministres sectoriels de l’UEAC, de l’autre le suivi des engagements pris par les plus hautes autorités lors de la Conférence des chefs d’État.
Préf-CEMAC, moteur de réformes
Les défis financiers ont figuré au premier rang des échanges à Bangui. Reconnaissant « des problèmes de trésorerie », le ministre a cependant insisté sur une croissance attendue entre 2 et 3 %, chiffre jugé encourageant au regard du contexte mondial.
Pour de nombreux observateurs, l’aveu de tension de liquidités témoigne d’une volonté de transparence sans occulter la résilience des économies d’Afrique centrale, toujours portées par les exportations de matières premières et la reprise progressive du commerce intérieur.
La solidité des fondamentaux
Le Programme des réformes économiques et financières de la CEMAC, lancé pour harmoniser les cadres macroéconomiques, reste l’outil privilégié du nouveau président pour soutenir la relance. Sa mise en musique dépendra du rythme des États membres, chacun gardant ses priorités internes.
Bangui a, d’ailleurs, rappelé la nécessité de fluidifier la circulation des marchandises, tandis que Yaoundé met l’accent sur la soutenabilité de la dette et Libreville sur la diversification. Autant d’agendas qui devront converger sous l’arbitrage discret du Conseil des ministres.
Intégration régionale au cœur de la feuille de route
La situation économique qualifiée de « globalement bonne » par M. Ngatsé tient d’abord à la stabilité de la monnaie commune, le franc CFA, dont l’ancrage à l’euro maintient une inflation contenue et rassure les investisseurs.
Le maintien d’un taux de croissance positif malgré les contraintes budgétaires offre une marge de manœuvre pour financer les infrastructures régionales, ambition affichée depuis plusieurs sommets sans toujours trouver les ressources nécessaires.
Les attentes autour de Brazzaville
Au cœur de la nouvelle mandature, l’intégration commerciale constitue la priorité. Les échanges intra-communautaires peinent encore à dépasser 5 % des transactions totales, un paradoxe que les ministres veulent corriger par la rationalisation des barrières tarifaires et l’harmonisation des normes.
Ludovic Ngatsé a insisté sur l’importance de « mettre l’accent sur la monnaie, le commerce intra-régional et la gouvernance » afin de transformer l’UEAC en catalyseur de croissance inclusive, notamment pour les petites et moyennes entreprises.
Vers une gouvernance communautaire renforcée
Le ministre congolais des Finances, Christian Yoka, élu au collège des ministres de l’UEAC, voit dans cette équipe resserrée une « cohérence de vue » propice à une mise en œuvre rapide des décisions communes.
Selon lui, la Conférence des Chefs d’État du même jour représente « un tournant décisif » puisque le président Denis Sassou N’Guesso, appelé à prendre la présidence de la CEMAC, aura la responsabilité d’entériner et de suivre les orientations du Conseil.
Pour Brazzaville, cette conjonction des rôles confère un levier supplémentaire afin d’harmoniser la politique économique régionale et d’anticiper les chocs extérieurs, dans un esprit de complémentarité plutôt que de centralisation.
Les ministres ont convenu de renforcer le suivi des indicateurs de convergence, véritable thermomètre de la discipline budgétaire collective. Une cellule technique, placée sous l’autorité du président de l’UEAC, devra publier régulièrement des tableaux de bord accessibles aux citoyens.
Cette orientation vers la redevabilité répond aux attentes des partenaires financiers, mais aussi à celles d’une jeunesse de plus en plus connectée, qui réclame des preuves tangibles de l’efficacité des politiques régionales.
En prenant la parole à Bangui, Ludovic Ngatsé a promis de « mesurer l’ampleur des défis » à chaque étape et de privilégier la concertation. Son équipe compte présenter, dans les prochaines semaines, un calendrier détaillé des réformes prioritaires.
Cap sur l’emploi et la jeunesse
Au-delà des agrégats macroéconomiques, le président de l’UEAC sait que la réussite se mesurera à la création d’emplois. Les six économies de la sous-région accueillent chaque année des centaines de milliers de nouveaux diplômés en quête d’opportunités.
L’intégration des marchés du travail, associée à une mobilité facilitée, figure parmi les dossiers mis en avant à Bangui. Une reconnaissance mutuelle des qualifications pourrait devenir une première mesure de confiance réciproque entre administrations.
La société civile, conviée en marge de la session, a salué cette ouverture. « Les jeunes ne demandent pas des discours, mais des passerelles concrètes », a résumé une représentante d’association, appelant à des programmes régionaux d’apprentissage dans les secteurs porteurs.