Concours 2025: un engouement assumé
Il est huit heures à Ouenzé, ce 19 août, et la cour du lycée de la Révolution bruisse d’excitation contenue. Trois cents candidats, fraîchement admis au Cepe ou au Bepc, vérifient une dernière fois leurs convocations avant d’être dirigés vers les salles d’examen.
« Nous sommes prêts », glisse Arlette, élève de CM2, en serrant son stylo. Comme elle, les plus jeunes concourent sur la rédaction, le calcul, l’histoire-géographie et la SVT, tandis que les collégiens révisent mathématiques, sciences physiques et expression écrite.
L’enjeu est clair : obtenir une moyenne d’au moins douze et intégrer, dès la rentrée prochaine, le lycée conventionné d’excellence, unique établissement public congolais à dispenser simultanément les programmes national et français du premier au second cycle secondaire.
Un établissement à double ancrage pédagogique
Cette singularité académique, rappelle la proviseure Hortie Amélie Malou-Malou, « exige un recrutement rigoureux, fondé sur le mérite ». Depuis 2019, l’école s’est installée dans l’enceinte historique du lycée de la Révolution, un lieu emblématique de la formation républicaine.
Le modèle pédagogique combine les référentiels du ministère congolais et ceux de l’Éducation nationale française. Les cours sont dispensés en français, mais la contextualisation locale reste forte, notamment dans les modules d’éducation civique et de géographie, afin de nourrir l’ancrage national des apprenants.
Des chiffres qui confirment l’excellence
Les résultats enregistrés lors de la session 2024 ont conforté la réputation de l’établissement : 77,88 % de réussite au baccalauréat français, 84,46 % au baccalauréat congolais et 100 % au Bepc. Des scores salués par l’Inspection générale, présente lors du lancement des épreuves.
Pour David Boké, inspecteur général de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation, « ces indicateurs attestent de la pertinence des réformes conduites sous l’impulsion des autorités ». L’argument fait mouche auprès des familles qui voient dans ce parcours un ascenseur social crédible.
Les motivations des familles brazzavilloises
Les coûts de scolarité, sensiblement inférieurs à ceux des établissements internationaux privés, constituent un autre atout. Les parents interrogés soulignent la possibilité d’accéder à un cursus biculturel sans renoncer à l’école publique, dans un contexte économique où chaque franc CFA pèse dans le budget domestique.
Au-delà des performances scolaires, beaucoup espèrent que leurs enfants développeront une ouverture sur le monde, indispensable à l’heure de la Zone de libre-échange continentale africaine. Le lycée multiplie d’ailleurs les clubs de débat, les projets scientifiques et les ateliers d’expression artistique.
Un vivier pour la diversification des talents
Les enseignants, majoritairement congolais, sont épaulés par un contingent d’expatriés recrutés sur dossier. Cette mixité professionnelle favorise le partage de pratiques pédagogiques innovantes, telles que l’apprentissage par projet ou l’usage raisonné du numérique, sans sacrifier l’exigence disciplinaire classique.
Pour la proviseure, le lycée d’excellence doit devenir un « laboratoire de la diversification des talents ». Des partenariats avec l’Université Marien-Ngouabi et l’Institut français du Congo permettent déjà aux élèves de suivre des stages de robotique ou de participer à des simulations onusiennes.
Une passerelle vers la mobilité internationale
Ces expériences renforcent l’employabilité future des lauréats, confirme le sociologue de l’éducation Raymond Balekita. Selon lui, l’accès précoce à des environnements plurilingues et technologiques consolide la confiance en soi, compétence jugée stratégique par les entreprises qui s’installent dans la zone économique spéciale de Pointe-Noire.
La double certification ouvre aussi des portes vers les universités d’Europe et d’Amérique du Nord. Chaque année, une quinzaine de bacheliers décrochent une bourse étrangère, un chiffre modeste encore, mais en croissance régulière, signe d’une crédibilité académique désormais reconnue hors des frontières.
Les enjeux pour le système éducatif national
Au niveau national, le ministère étudie la faisabilité de centres similaires dans les capitales départementales. L’objectif affiché est d’étendre l’offre d’excellence tout en partageant les méthodes didactiques vers les établissements classiques, afin de réduire les disparités régionales de réussite scolaire.
Les syndicats d’enseignants saluent la démarche, tout en rappelant la nécessité de renforcer la formation initiale et continue pour que la qualité ne soit pas cantonnée à quelques pôles. Un projet de maison du maître est d’ailleurs en cours de validation à Brazzaville.
Perspectives de développement dans les départements
Sur le terrain, les responsables du lycée conventionné envisagent d’augmenter progressivement la capacité d’accueil, aujourd’hui limitée à 540 élèves. Plusieurs salles modulaires et un internat de quatre-vingts places sont en construction, financés par un partenariat public-privé intégrant des entreprises locales.
À l’issue des corrections, les résultats seront affichés début septembre. Qu’ils entrent ou non, les candidats auront éprouvé l’exigence académique élevée qui caractérise désormais l’école congolaise de demain, résolument tournée vers l’excellence et la compétitivité régionale.
L’esprit de citoyenneté au cœur du projet
Chaque lundi matin, les élèves participent à la levée des couleurs et entonnent l’hymne national. La séquence, loin d’être protocolaire, sert d’atelier d’éducation civique et rappelle, selon la proviseure, « le rôle central de la jeunesse dans la construction nationale ».
Des actions de salubrité publique sont également menées dans le quartier. Encadrés par leurs professeurs, les élèves nettoient les abords du marché de Ouenzé ou plantent des arbres, renforçant ainsi le lien école-communauté et l’apprentissage de la responsabilité environnementale.