Makabana, mémoire industrielle à réinventer
À soixante kilomètres de Dolisie, la commune de Makabana conserve l’empreinte encore visible de la Compagnie minière de l’Ogooué. L’essor de la manganèse, puis le retrait de l’entreprise à la fin des années 1990, ont façonné un tissu urbain hérité de l’économie d’enclave : logements standardisés, ancien atelier de maintenance et esplanade aujourd’hui désaffectée. Selon le dernier recensement administratif, plus de dix mille habitants demeurent répartis autour de cette ossature industrielle qui, jadis, articulait emplois, services sociaux et sociabilités communautaires. Cette mémoire matérielle nourrit une identité locale forte tout en rappelant l’urgence d’un repositionnement stratégique.
Une démographie dynamique en quête de services de base
L’évolution démographique constitue un atout majeur. Avec un taux de croissance annuel estimé à 2,3 %, Makabana affiche l’un des bassins de population les plus denses du département du Niari. Les ménages jeunes y représentent plus de la moitié des foyers. Cette vitalité démographique exerce néanmoins une pression accrue sur les infrastructures scolaires, sanitaires et de voirie. Le programme gouvernemental de modernisation des communes secondaires, décliné ces deux dernières années à Mossendjo et à Kibangou, pourrait prochainement s’étendre à Makabana, selon une source au ministère de l’Intérieur, qui évoque « la nécessité de consolider les équilibres territoriaux au sud ». La ville nourrit donc une attente mesurée, dans un climat de confiance prudente envers les politiques publiques.
Enjeux environnementaux et pratiques traditionnelles
Parallèlement aux questions d’infrastructures, le tissu social demeure traversé par des pratiques culturelles fortes. La chasse traditionnelle, dont l’ortolan est une figure emblématique, illustre ce lien entre subsistance et transmission intergénérationnelle. Les autorités départementales multiplient les séances de sensibilisation pour encadrer cette activité afin d’éviter une pression excessive sur la faune. Le chef de secteur des Eaux et Forêts souligne « l’importance de conjuguer savoirs locaux et normes de conservation, sans stigmatiser des pratiques ancrées dans l’histoire familiale ». L’enjeu consiste à préserver le capital biodiversité tout en garantissant des débouchés économiques alternatifs, notamment par la pisciculture et l’agroforesterie, soutenues par le Fonds bleu pour le Bassin du Congo.
Les autoroutes du rail, levier logistique sous-exploité
Traversée par la ligne CFCO reliant Mont-Mbelo à Mbinda, Makabana dispose d’une fenêtre logistique remarquable. Le réaménagement progressif du corridor ferroviaire, appuyé par la Banque africaine de développement, offre à la commune la possibilité d’installer une plateforme de transit pour les marchandises à destination de la frontière gabonaise. Le président du conseil municipal, dans un entretien accordé à la presse locale, voit dans ce chantier « un futur pôle d’emplois non délocalisables ». Des opérateurs privés étudient déjà l’implantation d’entrepôts modulaires pour les filières bois et cacao. Ces projets, encore au stade d’avant-projet, témoignent d’une dynamique de partenariat public-privé en phase d’amorçage.
Perspectives gouvernementales et initiatives locales
Sur le plan institutionnel, la municipalité bénéficie de l’accompagnement du Programme de développement local et de renforcement des capacités (PDLRC). Ce dispositif national, adossé à la Stratégie nationale de développement 2022-2026, encourage la planification participative et la maîtrise foncière. Dans ce cadre, des ateliers sont organisés avec les comités de quartier pour identifier les priorités : réhabilitation de la voirie, électrification des secteurs périphériques et création d’un centre d’incubation entrepreneurial. L’implication croissante de la diaspora, sensible à la figure tutélaire de Pierre-Simon Kikhounga-Ngot, se matérialise par des remises de matériel médical et des bourses pour les étudiants. Les partenaires techniques et financiers saluent une « mobilisation citoyenne prometteuse ».
Cap sur une gouvernance participative et durable
À l’heure où les collectivités du sud-Congo aspirent à intégrer les chaînes de valeur de l’économie verte, Makabana se présente comme un laboratoire à taille humaine. La consolidation d’une gouvernance inclusive – articulant autorités locales, services déconcentrés de l’État et sociétés civiles – conditionnera la réussite des projets. Dans un environnement post-industriel, la transition vers des activités agro-industrielles diversifiées, appuyée par le chemin de fer et par les nouvelles technologies de l’information, constitue une piste réaliste. Reste à transformer l’élan actuel en résultats tangibles, afin que la ville éclairée par ses lampadaires solaires récemment installés ne redevienne plus jamais l’ombre d’elle-même une fois la nuit tombée.