Une sixième édition stratégique
La sixième manœuvre école des Forces armées congolaises s’est ouverte, le 22 août, sur le terrain boisé de l’Académie militaire Marien-Ngouabi. Baptisée « Opération Tambo », l’édition 2023, dite Maneco-6, donne aux futurs cadres une scène grandeur nature pour tester leur leadership.
Devant un parterre d’instructeurs et de diplomates, le général de division Guy Blanchard Okoï a rappelé que l’exercice dépasse le seul cadre pédagogique. « Il s’agit d’une pré-évaluation avant affectation », a-t-il insisté, soulignant l’évolution constante des menaces hybrides.
Maneco-6 se concentre sur un scénario fictif de reconquête d’une zone frontalière terre-mer parcourue de trafics, où la coordination des forces terrestres, navales et aériennes s’avère décisive pour restaurer l’autorité de l’État et protéger les populations civiles.
Les stagiaires du DEMIA, les candidats au commandement d’unité et les élèves-officiers de la 29ᵉ promotion disposent de dix jours pour planifier, conduire et ajuster l’opération, tout en exploitant des systèmes d’information tactiques désormais essentiels à la décision en temps réel.
Enjeux technologiques et décisionnels
L’édition 2023 intègre un poste de commandement virtuel, interconnecté à des drones de reconnaissance et à des simulations numériques haut débit. Cette architecture permet d’évaluer la capacité des officiers à fusionner des données multiples et à produire des ordres clairs sous pression.
Le colonel-major Jean-Pierre Bouka, commandant des écoles, insiste sur la « culture partagée de la mission ». L’appropriation du cycle décisionnel, depuis l’analyse situationnelle jusqu’au concept d’opérations, constitue selon lui le premier rempart face aux crises asymétriques que connaît le Golfe de Guinée.
Pour la première fois, l’Académie teste un système d’alerte collaborative analogue aux réseaux civils de gestion de catastrophes. Les apprenants doivent hiérarchiser l’information, maîtriser la cartographie satellitaire et synchroniser les forces terrestres et fluviales à la minute près.
La manœuvre sert aussi de baromètre aux industriels nationaux du numérique de défense, invités à observer les retours d’expérience. Le secrétariat d’État chargé des nouvelles technologies voit dans l’exercice un accélérateur d’innovation duale, civil et militaire, au bénéfice de toute l’économie.
Synergie interservices et cohésion nationale
Au-delà des forces armées, la gendarmerie, la police, les douanes et les eaux et forêts participent pleinement. Cette transversalité répond à la nature composite des trafics transfrontaliers, où les armes, la faune protégée et les minerais illicites circulent souvent sous le radar des institutions.
Les organisateurs insistent sur la dimension mobilité. Des équipes d’intervention terrestre partent chaque matin depuis les plateaux congolais vers des zones humides de simulation, pendant que des vedettes rapides assurent le contrôle fluvial, reproduisant les contraintes logistiques d’un théâtre réel.
En salle de crise, les officiers stagiaires reçoivent en temps réel les comptes rendus des forces intérieures et des préfets. L’échange vertical, sans filtre, cherche à favoriser une compréhension fine de la chaîne politico-administrative, essentielle à la légitimité d’une opération de stabilisation.
« La synergie des efforts demeure notre force », répète le général Okoï. À travers ce message, le haut commandement souhaite ancrer la solidarité interservices dans l’imaginaire des jeunes officiers, condition pour réagir rapidement aux crises humanitaires ou sécuritaires qui frappent parfois les provinces limitrophes.
Projection régionale et prévention des crises
Si le scénario reste fictif, ses références puisent dans des dynamiques réelles observées au nord de la RDC, dans le Pool ou au large du Delta. Cette mise en situation évite toute stigmatisation et permet d’analyser objectivement la porosité des frontières et la criminalité organisée.
Des observateurs de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale suivent les manœuvres. Leur présence illustre la volonté congolaise de contribuer à l’architecture sécuritaire régionale, en offrant un cas d’école sur le commandement multinational à effectifs réduits.
Les problématiques maritimes occupent une place croissante. À Pointe-Noire, un détachement prépare un exercice connexe de lutte contre la pêche illégale. Cette articulation mer-terre répond aux priorités de la Stratégie nationale de sûreté maritime et renforce la protection des corridors énergétiques.
En cas de crise réelle, l’expérience acquise durant Maneco-6 facilitera la coordination avec les bureaux civils de gestion des risques. Les autorités entendent ainsi renforcer la confiance entre armée, administration et société civile, gage d’une réponse harmonieuse aux défis transfrontaliers.
Former les décideurs de demain
À l’issue des dix jours, chaque groupe présentera un retour d’expérience détaillé devant un jury d’anciens chefs d’état-major. L’analyse portera autant sur la planification que sur la capacité à préserver le moral des troupes et à communiquer avec les acteurs locaux.
Le suivi de carrière tiendra compte de ces évaluations. Les élèves intégrant les unités opérationnelles pourront capitaliser sur les réseaux tissés durant l’exercice, un avantage dans une institution qui valorise la réactivité collective autant que l’expertise individuelle.
En ouvrant la porte à l’innovation, au dialogue interservices et à la coopération régionale, Maneco-6 confirme le rôle central de l’Académie militaire Marien-Ngouabi dans la formation d’une génération d’officiers capables de défendre la souveraineté nationale et de soutenir la stabilité du bassin du Congo.