Un terrain de course au cœur du parc Odzala-Kokoua
À l’aube, une lumière dorée inonde la clairière d’Odzala-Kokoua tandis que le chant des calaos remplace les klaxons urbains. Cent-vingt coureurs s’élancent parmi les brumes, inaugurant la deuxième édition d’un marathon qui veut conjuguer performance, aventure et protection de la forêt congolaise.
Les distances reines de 42 km, 21 km et 10 km ont été lancées à une heure d’intervalle, offrant aux spectateurs le temps d’encourager chaque vague. Sur les sentiers sableux, la stratégie compte autant que l’endurance, surtout lorsque des troncs moussus compliquent l’appui.
Des performances sportives sous le signe de l’écotourisme
Côté palmarès, la formation African Park a signé un triplé remarquable. Djibil Agnouka a dominé le marathon en 3 h 49, suivi d’Arsène Zoloba et de Guinel Ngouana, tous deux originaires de Mbomo, la commune qui borde la zone protégée.
Sur le semi-marathon, Fred Itadi, également sous les couleurs d’African Park, a coupé la ligne en une heure trente-sept, devançant d’une poignée de secondes Arnaud Mbongo. La course de 10 km a, elle, souri à Joseph Obanga, auteur de quarante-deux minutes.
Derrière les chiffres, la magie tient au décor. Les athlètes traversent une mosaïque de forêts denses, de marécages et de savanes, sous l’œil discret des éléphants de forêt. L’impression d’être surveillé par un gorille des plaines ajoute une dose d’adrénaline unique.
Citations d’organisateurs et message de conservation
« On ne retrouve nulle part ailleurs cet alliage entre effort et biodiversité », rappelle Elza Gillman, directrice générale de Kamba, structure qui pilote la logistique. Pour elle, chaque foulée doit rappeler que la survie de ce joyau de 13 600 km² dépend d’une gestion responsable.
Un soutien gouvernemental annoncé
Le message a trouvé un écho au sein du gouvernement. Présente pour donner chaque départ, la ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, Lydie Pongault, a remis médailles et trophées, saluant « une initiative à féliciter » et proposant d’inscrire le rendez-vous au calendrier national.
Ce soutien institutionnel pourrait changer d’échelle le marathon, jusque-là porté par des partenaires privés et des bénévoles. La perspective d’une édition annuelle ouvre la porte à des flux touristiques réguliers, essentiels pour les communautés rurales qui vivent de l’artisanat et de l’agroforesterie.
Une expérience immersive loin des circuits urbains
Si Brazzaville accueille depuis des années un semi-marathon urbain, Odzala propose une expérience immersive qui renverse la logique classique. Ici, la route est remplacée par une piste de latérite, et la ligne d’arrivée s’égare parfois derrière un figuier étrangleur, pour le plus grand bonheur des photographes.
La sécurité a fait l’objet d’un protocole précis. Rangers du parc, médecins et bénévoles formaient un maillage serré. Aucune cohabitation problématique avec la faune n’a été signalée, confirmant que la conservation et l’événementiel peuvent coexister dans le respect des directives de l’Agence congolaise de la faune.
Les enfants au centre de la fête communautaire
Au village de Mbomo, situé à l’orée du parc, la fête s’est prolongée par les « jeux olympiques » des enfants. Neuf ateliers ont permis aux plus jeunes de s’essayer au relais, au tir à la corde ou à la course en sac, sous les applaudissements des parents.
Pour la ministre, ces animations répondent à un impératif d’inclusion. « Les jeux font l’animation du village », a-t-elle rappelé, soulignant qu’un tourisme durable s’enracine d’abord dans le bien-être local. La circulation des recettes de l’événement vers les écoles ou dispensaires reste au centre des discussions.
Un produit touristique à forte valeur ajoutée
Les opérateurs touristiques voient déjà un produit inédit se dessiner : un séjour combinant safari à pied, immersion culturelle et participation au marathon. Les logdes de Ngaga, Mboko et Lango tablent sur un taux d’occupation accru, notamment auprès de la diaspora congolaise en quête d’aventure authentique.
Du côté des coureurs, les histoires personnelles foisonnent. Vérité Ilazi, deuxième sur 10 km, confie avoir découvert le running en patrouillant comme écogarde. À l’inverse, Guillaume Vorburger, vétéran suisse installé au village de Petit Fité, voit dans la course un moyen original de soutenir le parc.
Vers une reconnaissance internationale du marathon
Les organisateurs réfléchissent déjà aux ajustements logistiques : postes d’hydratation supplémentaires, formation de guides-pisteurs en secourisme et mise en place d’un chronométrage électronique. Objectif affiché : obtenir l’homologation internationale qui permettrait, à terme, d’attirer un plateau élite et d’accroître la visibilité du Congo-Brazzaville.
Diversification économique et rayonnement national
Dans un pays engagé dans la diversification de son économie, le mariage entre sport et nature trouve un écho particulier. Les autorités voient dans ce marathon une vitrine capable de compléter les pôles classiques de Pointe-Noire ou Brazzaville, tout en valorisant la biodiversité du nord-ouest.
La prochaine édition déjà dans les esprits
Le rendez-vous est déjà fixé à octobre prochain. Athlètes, touristes et villageois promettent de revenir avec le même désir de performance et de partage. À Odzala, la foulée s’impose ainsi comme passerelle entre conservation, développement local et rayonnement sportif du Congo-Brazzaville.
D’ici là, les images de coureurs filant entre les palmiers raphia continueront de circuler sur les réseaux, rappelant que le marathon d’Odzala n’est pas qu’une course, mais un manifeste d’espoir vert.