Mobilisation sportive sur la corniche de Brazzaville
Sur la célèbre corniche de Brazzaville, l’allée piétonne bordant l’hôtel Saphir s’est transformée, le 26 octobre, en ruban humain bariolé de rose et de bleu.
Sous la houlette de l’association multisports Lion d’or, plus de deux cents citoyens ont marché cinq kilomètres ou couru dix kilomètres pour rappeler que le cancer touche toutes les familles, mais que la prévention peut sauver des vies.
Le parcours, de Saphir au rond-point de la Case de Gaulle, puis jusqu’au restaurant Bolingo pour les plus endurants, a offert une vue symbolique sur le fleuve, comme pour souligner qu’une santé vigoureuse irrigue l’ensemble du pays.
Octobre rose dynamise la prévention cancer
Octobre est désormais un marqueur international de la lutte contre les cancers féminins; à Brazzaville, le mouvement s’inscrit dans la stratégie sanitaire définie par le ministère de la Santé et de la Population, qui encourage les initiatives de proximité.
En associant sport et pédagogie, Lion d’or entend prolonger la dynamique au-delà d’Octobre rose, rappelant que Novembre bleu cible les cancers masculins et Décembre rouge les pathologies sanguines.
« La sensibilisation ne peut pas être ponctuelle; elle doit devenir un réflexe social », insiste José Cyr Ebina, président de l’association, qui a annoncé qu’une partie des recettes sera versée à des organisations féminines impliquées dans le dépistage.
Sur les plateformes numériques, l’événement a généré un flux important de photos et de témoignages, créant un cercle vertueux : chaque publication invitait à liker mais surtout à s’informer, une stratégie qui touche particulièrement la jeunesse urbaine.
Un engagement inclusif et inspirant
Parmi les marcheurs, la présence du non-voyant Rodolph Gassaye Mouandza a marqué les esprits.
Guidé par des bénévoles, il a parcouru l’itinéraire sans faillir puis a exhorté « toutes les femmes, y compris celles vivant avec un handicap, à pratiquer l’autopalpation et à consulter dès le moindre doute ».
Son message, relayé longuement sur les réseaux sociaux, a illustré la volonté d’inclure chaque segment de la population dans la prévention, conformément au principe de santé pour tous proclamé par l’Organisation mondiale de la santé.
“Woman Talk” : informer pour agir
La veille, une cinquantaine de femmes venues du Congo-Brazzaville, du Gabon et de la RDC avaient participé au séminaire « Woman Talk », organisé dans une salle mise à disposition par un partenaire privé.
Autour de tables rondes, des gynécologues, oncologues et psychologues ont échangé sur les symptômes précoces, l’impact psychologique du diagnostic et les dernières avancées thérapeutiques disponibles dans la sous-région.
Les participantes ont salué la clarté des exposés et se sont engagées à devenir ambassadrices auprès de leurs quartiers, convaincues que la parole des pairs reste un vecteur puissant.
À l’issue des discussions, un guide pratique de dix pages, rédigé en français et en lingala, a été remis, détaillant les points de palpation, le calendrier vaccinal et les structures offrant des tests subventionnés.
Médecins et chiffres pour convaincre
Devant l’auditoire, le docteur Irène Ngouabi a rappelé que « le cancer n’est pas une fatalité : alimentation équilibrée, activité physique et vaccination contre le papillomavirus réduisent significativement le risque ».
Son confrère Guillaume Mabiala a, lui, souligné l’importance de franchir le pas du dépistage, gratuit une fois par an dans les principaux centres de santé publique, grâce au programme soutenu par l’État et ses partenaires.
Selon les statistiques communiquées lors du séminaire, le retard de consultation reste la principale cause de mortalité, alors que pris à temps, huit femmes sur dix guérissent.
D’après les données de l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer, le Congo-Brazzaville enregistre environ 1 200 nouveaux cas féminins par an; les spécialistes estiment que 60 % pourraient être évités par un dépistage régulier.
Vers une stratégie nationale pérenne
L’élan citoyen observé en octobre vient conforter les efforts des autorités congolaises pour bâtir une véritable filière d’oncologie, du dépistage jusqu’à la radiothérapie, domaine où des investissements importants sont annoncés.
Brazzaville a déjà renforcé la formation des sages-femmes à l’auto-examen clinique et déployé des unités mobiles qui sillonnent les quartiers périphériques, une approche saluée par les organisations internationales.
Les pouvoirs publics envisagent également de renforcer la surveillance épidémiologique grâce à un registre national des tumeurs, outil indispensable pour orienter les budgets et mesurer l’impact des campagnes de sensibilisation.
Pour José Cyr Ebina, la marche n’est que le point de départ : « Nous voulons faire de chaque mois un temps fort, afin que la population fasse sienne la devise “dépister, traiter, accompagner” ».
À l’issue de la matinée sportive, médaille commémorative autour du cou, de nombreux participants envisagent déjà de revenir en novembre pour amplifier le message, convaincus que la constance finira par courber la courbe des diagnostics tardifs.
Sur la corniche, les applaudissements qui ont ponctué l’arrivée des derniers coureurs résonnent encore ; un signe, espèrent les organisateurs, que la mobilisation populaire peut durer autant que le fleuve dont elle longe le cours.
