Une rentrée sous tension
A Brazzaville, la rentrée académique 2025-2026 approche, mais l’atmosphère est marquée par l’annonce d’un préavis de grève déposé par le collège intersyndical de l’Université Marien Ngouabi, seul établissement public d’enseignement supérieur du Congo-Brazzaville.
Réunis le 3 octobre 2025 au siège du Syndicat des enseignants du supérieur, les représentants des trois organisations – personnel non-enseignant, syndicat national de l’Université et SYNESUP – affirment vouloir suspendre les cours à compter du huitième jour suivant la publication du préavis.
La démarche intervient dans un contexte national où les autorités réaffirment, dans plusieurs secteurs, leur volonté de consolider le dialogue social pour préserver la continuité du service public.
Revendications salariales et sociales
Les syndicats estiment que cinq mois de salaires – août et septembre 2024, puis juillet à septembre 2025 – restent dus à environ trois mille agents, toutes catégories confondues, ce qui alourdirait, selon eux, le niveau d’endettement domestique de l’institution.
À ces sommes s’ajoutent les « heures diverses » non payées depuis 2018, dispositif permettant de rémunérer les charges supplémentaires liées aux travaux dirigés, encadrements de mémoire ou examens spéciaux, point que la tutelle reconnaît comme sujet technique complexe en cours d’apurement.
Le collège intersyndical évoque enfin le versement direct des cotisations sociales au Trésor public, qui, selon ses calculs, n’a pas encore transféré les montants correspondants aux caisses de sécurité sociale, grevant la couverture médicale d’une partie du personnel.
Un échange permanent avec la tutelle
Contacté, un responsable du ministère de l’Enseignement supérieur assure que « plusieurs décaissements ont déjà été opérés depuis août » et qu’un état de suivi détaillé est transmis à chaque syndicat, preuve, selon lui, de l’engagement gouvernemental à solder les arriérés.
Du côté de l’université, la présidence rappelle que l’établissement souffre d’un modèle hérité de la décennie précédente, fondé sur l’expansion rapide des effectifs mais sans ajustement proportionnel des ressources, situation qu’un vaste audit financier, lancé en 2024, doit clarifier.
Les syndicats, tout en reconnaissant l’ouverture du cabinet ministériel, insistent sur un calendrier contraignant, craignant que la rentrée se tienne sans visibilité sur les paiements à venir ni sur le financement des heures complémentaires de l’année qui s’engage.
Des étudiants vigilants mais mobilisés
Dans les amphithéâtres fraîchement repeints du campus de Moungali, les étudiants de première année terminent déjà leurs inscriptions administratives, conscients que l’appel à la grève pourrait décaler le démarrage des cours magistraux prévu mi-octobre.
« Nous espérons un compromis rapide », témoigne Fola, inscrit en sciences juridiques, qui souligne l’importance d’un calendrier stable pour les demandes de bourses et les stages de fin d’année.
Plusieurs associations estudiantines rappellent que la précédente interruption de cours, intervenue en avril 2024, avait été suivie d’un dispositif de rattrapage intensif, perçu comme fatigant mais efficace, preuve selon elles qu’un dialogue de dernière minute reste toujours possible.
Des anciens diplômés, regroupés au sein de l’Association des alumni de Marien Ngouabi, proposent d’organiser des collectes solidaires pour soutenir les étudiants les plus vulnérables si la grève devait se prolonger, initiative saluée par la direction de la vie universitaire.
Un cadre budgétaire sous pression
L’Université Marien Ngouabi, qui accueille plus de quarante mille étudiants, mobilise chaque année près de 35 milliards de francs CFA de subvention publique, selon le projet de loi de finances 2025, montant équivalent à 0,5 % du PIB congolais.
Les ajustements budgétaires opérés en 2024 pour financer la gratuité de l’enseignement primaire ont réduit la marge de manœuvre du Trésor, expliquent des économistes locaux, ce qui oblige désormais à étaler certains règlements sur plusieurs exercices.
Toutefois, la loi encadre strictement la priorité aux salaires des agents publics, souligne le ministère des Finances, qui affirme travailler, avec la Banque postale du Congo, à accélérer la chaîne de paiement pour le personnel universitaire.
Parallèlement, plusieurs partenaires techniques, dont la Banque mondiale, accompagnent depuis 2023 un programme de modernisation comptable à l’université visant à numériser la paie et à sécuriser les flux, projet dont la première phase pilote doit être achevée en mars 2026.
Scénarios de sortie de crise
Selon plusieurs sources concordantes, une table ronde pourrait réunir, avant la mi-octobre, les ministères concernés, la direction de l’université et les syndicats, avec le soutien technique de la Caisse nationale de sécurité sociale pour sécuriser le volet cotisations.
Les organisations syndicales disent attendre un calendrier écrit sur trois points : décaissement progressif des salaires arriérés, plan d’apurement des heures diverses avant décembre, et mécanisme automatique de transmission des cotisations à partir de l’exercice 2026.
Sans commenter le fond des discussions, le cabinet du Premier ministre souligne que « la stabilité académique reste une priorité gouvernementale » et qu’un compromis équilibré devrait être trouvé afin de garantir, simultanément, les droits des travailleurs et la formation des étudiants.
Si le compromis aboutit, les cours pourraient démarrer sans décalage majeur, mais, faute d’accord, les syndicats entendent déposer un nouveau cahier de doléances avant le 15 octobre, tout en assurant rester disponibles pour une médiation rapide.