Une carrière enchâssée dans l’histoire politique du Congo
Né en 1940 dans la Bouenza, Martin Mbéri fut de ces bâtisseurs de l’État post-colonial dont la discrétion apparente masquait une remarquable endurance politique. Dès l’aube de l’indépendance, il participa à la structuration d’un appareil institutionnel encore balbutiant, avant de s’illustrer au sein du Parti congolais du travail, qu’il co-fondait avec Marien Ngouabi. Les obsèques nationales qui se sont déroulées le 25 juin 2025 à Brazzaville ont souligné la cohérence d’un itinéraire marqué par l’engagement mais aussi par un sens avéré de la modération, qualité saluée par le président Denis Sassou-Nguesso lors de la cérémonie solennelle au Palais des congrès.
Le fil continu d’une amitié politique avec Denis Sassou-Nguesso
Au-delà des retournements qui jalonnèrent la scène congolaise, l’amitié entre Denis Sassou-Nguesso et Martin Mbéri a maintes fois fait figure de boussole. Forgée en juin 1960 à l’orée des indépendances, cette relation a traversé crises institutionnelles et périodes de divergence, notamment lorsque Mbéri rejoignit le camp du président Pascal Lissouba. L’ancien ministre de la Défense Charles Zacharie Bowao a rappelé, dans une oraison au verbe sobre, que la confiance mutuelle n’avait jamais été rompue, même durant la guerre fratricide de 1997. Cette dimension personnelle éclaire la décision présidentielle d’accorder les honneurs de la République au disparu, témoignant d’une conception de la fidélité qui dépasse les clivages partisans.
Du portefeuille ministériel à la médiation nationale
Rappelé aux responsabilités gouvernementales dès octobre 1997, Martin Mbéri s’attela à la reconstruction urbaine au moment où Brazzaville pansait encore ses plaies. Quatre ans plus tard, il démissionnait pour se consacrer à la rénovation interne de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale, convaincu que la vitalité du pluralisme constituait un gage de stabilité. Ses pairs saluent aujourd’hui un sens aigu de la déontologie, illustré par sa décision d’abandonner le confort d’un portefeuille ministériel pour la rigueur d’un rôle partisan souvent ingrat. Cette posture d’abnégation rejaillit sur la qualité du débat public et trouve un prolongement lorsque, nommé secrétaire permanent du Conseil consultatif du dialogue, il promeut une culture de la concertation qui demeure au cœur de la gouvernance congolaise.
La pierre angulaire du dialogue, une méthode politique
Que le Conseil consultatif du dialogue n’ait pas abouti à une conférence nationale n’éclipse en rien la méthode patiemment édifiée par son secrétaire permanent. Celle-ci reposait sur la recherche d’un consensus endogène, respectueux à la fois de la légalité constitutionnelle et des équilibres sociétaux. Plusieurs diplomates en poste à Brazzaville considèrent aujourd’hui que cette approche graduelle a fourni un laboratoire précieux pour la conduite, par le ministère de l’Intérieur, de concertations sectorielles ayant favorisé la décrispation politique. La trace de Mbéri se lit dès lors moins dans les textes adoptés que dans une posture, faite de pédagogie et d’écoute, que d’aucuns décrivent comme une « diplomatie intérieure ».
Le Mausolée Marien Ngouabi, matrice de la mémoire nationale
En concertation avec les sages de la Bouenza, le chef de l’État a autorisé que l’inhumation intervienne provisoirement au Mausolée Marien Ngouabi, haut lieu de recueillement situé au cœur de la capitale. La décision a valeur de symbole : elle rappelle l’enracinement de Martin Mbéri dans l’épopée du PCT tout en reconnaissant la complexité d’un parcours qui l’avait mené vers l’UPADS puis à nouveau vers une position transpartisane. Le choix de ce site patrimonial inscrit le défunt dans la lignée des figures tutélaires qui ont façonné l’identité républicaine, à l’instar du président Marien Ngouabi ou du cardinal Émile Biayenda. À l’heure où la diplomatie mémorielle gagne en importance en Afrique centrale, ce geste renforce la cohésion nationale en projetant un message de continuité institutionnelle.
Résonances régionales et ouverture vers l’avenir
Observateurs et partenaires étrangers notent que l’hommage rendu à Martin Mbéri intervient dans un contexte sous-régional sensible, marqué par la quête de mécanismes endogènes de prévention des crises. En soulignant la primauté du dialogue sur la confrontation, Brazzaville envoie un signal constructif à la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, laquelle cherche à institutionnaliser des espaces de médiation préventive. La dimension diplomatique du cérémonial n’aura pas échappé aux chancelleries : elle s’inscrit dans une stratégie plus large de soft power fondée sur la valorisation de l’expérience congolaise en matière de réconciliation post-conflit. Ainsi s’esquisse l’héritage de Martin Mbéri, dont la mémoire pourrait servir de tremplin à de futures initiatives de gouvernance partagée, dans un esprit fidèle à l’amitié mise en exergue par le président Denis Sassou-Nguesso.