Mayoko, pivot minier du Congo
À Mayoko, petite cité forestière du Niari, les habitants observent avec curiosité l’agitation croissante autour de la gare. L’annonce d’une visite présidentielle imminente ravive les souvenirs de 1979 tout en confirmant l’importance stratégiquement renouvelée de ce district pour l’économie congolaise.
Le permis d’exploitation, accordé en août 2023 au groupe turc Ulsan Mining Congo SAU, transforme le gisement de fer Mayoko-Moussondji en symbole tangible de la diversification prônée par le président Denis Sassou-Nguesso, déterminé à attirer capitaux privés et opportunités d’emploi.
Les estimations officielles font état de réserves atteignant 917 millions de tonnes, dont 38,5 millions immédiatement exploitables. Avec une durée de vie projetée de trente ans, le site assure une visibilité de long terme aux opérateurs tout en sécurisant d’importantes recettes fiscales pour l’État.
Un partenariat Congo-Turquie ambitieux
Au cœur du dispositif, la signature d’une convention de plus de 737 millions d’euros entre Ulsan Mining et le Chemin de fer Congo-Océan, le 18 juillet à Brazzaville, scelle une alliance industrielle qui dépasse la simple extraction de minerai.
Les autorités congolaises voient dans cette coopération sud-sud une preuve supplémentaire de l’attractivité du pays, tandis que les dirigeants d’Ulsan vantent un environnement « stable et propice », condition indispensable à un investissement global évalué à 15 milliards de dollars pour l’ensemble des infrastructures.
À l’échelle diplomatique, l’accord renforce également les liens entre Brazzaville et Ankara, s’inscrivant dans la dynamique de coopération économique diversifiée souhaitée par le chef de l’État congolais depuis le lancement du Plan national de développement.
Relance stratégique du CFCO
La modernisation du tronçon Mayoko-Pointe-Noire, pilier logistique du projet, redonne un souffle au CFCO, infrastructure historique parfois victime d’aléas techniques. Les travaux prévoient rails neufs, signalisation numérique et remise à niveau de gares, afin d’assurer un flux continu de wagons chargés de minerai.
Une vingtaine de locomotives et plus de trois cents wagons seront acquis par Ulsan, garantissant un transport sécurisé vers la zone économique spéciale de Pointe-Noire. Cette logistique atténue les goulets d’étranglement habituels et abaisse les coûts d’exportation, argument central pour la rentabilité.
Le ministre congolais des Transports souligne que « chaque kilomètre remis à niveau rapproche un peu plus nos bassins de production des marchés internationaux » ; une déclaration qui illustre l’importance accordée aux infrastructures pour accompagner toute croissance minière.
Le calendrier prévisionnel table sur vingt-quatre mois de travaux, mobilisant ingénieurs congolais et experts turcs. Les techniciens affirment que la localisation côtière de Pointe-Noire facilitera l’acheminement des rails et traverse pré-assemblés, réduisant les retards souvent liés aux chaînes logistiques continentales.
Vers une chaîne de valeur intégrée
Au-delà de l’extraction, Ulsan projette d’ériger une fonderie à Pointe-Noire pour un coût estimé à 2 milliards de dollars. L’usine transformera localement le fer, créant de nouvelles compétences techniques et augmentant la valeur ajoutée interne, préalable logique à une industrialisation plus dense.
Cette perspective s’accorde avec la doctrine gouvernementale visant à limiter l’exportation de matières premières non transformées. En encourageant la transformation sur place, les autorités entendent stimuler l’emploi qualifié et renforcer la résilience de l’économie face aux fluctuations des cours internationaux.
Les analystes du secteur estiment que l’ancrage d’une filière sidérurgique pourrait générer un effet d’entraînement sur les petites et moyennes entreprises locales, qu’il s’agisse de maintenance, de services ou de technologies de pointe liées au traitement du minerai.
Retombées locales et nationales
À Mayoko, l’annonce de nouvelles embauches attire déjà de jeunes diplômés venus des villages voisins. Les autorités municipales préparent des plans d’urbanisme pour encadrer l’afflux de travailleurs et garantir l’accès à l’eau, à l’électricité et aux services sociaux de base.
Sur le plan macroéconomique, les recettes minières attendues devraient contribuer à la consolidation budgétaire tout en finançant des programmes sociaux. Le ministère des Finances anticipe une hausse progressive des contributions fiscales dès l’entrée en production de la deuxième phase plus capitalistique.
Les organisations de la société civile plaident pour que les contrats de responsabilité sociale d’entreprise soient publiés, afin d’assurer la transparence sur les constructions d’écoles, de dispensaires ou de routes rurales promises. Ulsan affirme travailler « main dans la main » avec les autorités locales.
Diversification économique et feuille de route présidentielle
Depuis plusieurs années, Denis Sassou-Nguesso répète que la dépendance aux hydrocarbures doit céder la place à un bouquet d’activités créatrices de valeur. Le fer de Mayoko, tout comme le potentiel de Zanaga ou de la Sangha, s’inscrit dans cette feuille de route affichée.
La prochaine visite présidentielle à Mayoko, attendue par les populations comme par les investisseurs, ne sera pas seulement symbolique. En rappelant l’exigence d’infrastructures efficaces, le chef de l’État devrait confirmer la centralité du secteur minier dans la relance économique post-pandémie.
Au-delà des mots, les observateurs soulignent que la réussite de Mayoko servira de test grandeur nature pour l’ambition nationale de relier, à terme, tous les gisements du nord au port de Pointe-Noire. Une intégration territoriale qui pourrait redessiner la carte économique congolaise.