Un dialogue renouvelé État-CSLC
Autour d’une table feutrée du ministère de la Communication, Thierry Lézin Moungalla et le président du Conseil supérieur de la liberté de communication, Médard Milandou Nsonga, ont ouvert un nouveau chapitre de concertation. Objectif déclaré : repositionner la régulation des médias au cœur de la modernisation nationale.
L’échange, décrit par les deux parties comme « exigeant mais constructif », s’est concentré sur trois sujets clés : financement, gestion des fréquences et renforcement institutionnel du CSLC. Autant de leviers jugés déterminants pour accompagner un secteur confronté à des mutations technologiques rapides.
En toile de fond, la volonté gouvernementale de garantir un espace médiatique pluraliste, tout en assurant la stabilité du paysage audiovisuel, a été réaffirmée. Les discussions ont laissé transparaître une convergence d’intérêts entre l’exécutif et le régulateur pour pérenniser un cadre équilibré.
Les défis financiers de la presse congolaise
La question du financement reste la préoccupation première des rédactions, qu’elles soient publiques ou privées. Baisse des recettes publicitaires, hausse des coûts de production et diffusion numérique encore balbutiante fragilisent les équilibres économiques, selon plusieurs directeurs de publication invités à partager leurs données.
Pour répondre à ce défi, le ministre a évoqué l’idée d’un fonds de soutien revu et mieux doté, adossé à des critères de transparence rigoureux. Le CSLC serait chargé d’évaluer l’éligibilité des différents médias, garantissant une distribution équitable et tournée vers la qualité éditoriale.
Des experts économiques soulignent toutefois qu’un soutien public durable exige une gouvernance précise, afin d’éviter toute dépendance excessive. « L’enjeu est de soutenir sans subordonner », résume un analyste du marché, rappelant que la vitalité de la presse repose aussi sur l’innovation commerciale.
Moderniser la boîte à outils du CSLC
Aujourd’hui, le régulateur travaille avec un matériel technique datant, pour partie, de la mise en place de la télévision analogique. Le suivi des chaînes, des radios et désormais des plateformes numériques devient complexe faute de consoles de monitoring adaptées et de logiciels de veille performants.
Le ministère a donc annoncé un audit complet des équipements, préalable à un programme d’investissements étalé sur trois ans. Un accent particulier sera mis sur l’intelligence artificielle de détection des contenus illicites, afin d’aligner la régulation locale sur les standards internationaux.
La dimension institutionnelle n’est pas oubliée : le projet de loi portant révision des prérogatives du CSLC est prêt, a confié M. Moungalla. Il clarifie les procédures de sanction et consacre la mission d’accompagnement, accompagnement qui passera par des formations régulières offertes aux rédactions.
Fréquences, TNT et virage numérique
Autre enjeu discuté : l’optimisation du spectre hertzien. Plusieurs radios communautaires n’ont pas encore été assignées de fréquences définitives, tandis que la télévision numérique terrestre entre dans une phase clé de déploiement. Un plan de réaffectation progressif a été présenté par les ingénieurs du ministère.
La priorité ira aux zones rurales mal couvertes, afin de réduire la fracture informationnelle. « Nous devons garantir que chaque citoyen, de Pointe-Noire à Ouesso, reçoive les mêmes signaux fiables », a insisté le président du CSLC, salué pour sa vision inclusive.
Sur le numérique, les participants ont évoqué la création d’un guichet unique pour l’enregistrement des médias en ligne. Cette mesure vise à clarifier le statut juridique des plateformes d’information, tout en facilitant le travail de veille contre les fausses nouvelles et les discours de haine.
Un pacte qualité pour l’information
Le CSLC et le ministère souhaitent conclure avec les organes de presse une charte de bonnes pratiques, assortie d’indicateurs mesurables de rigueur et de pluralisme. Les médias signataires bénéficieraient d’incitations, telles qu’un accès prioritaire aux formations et aux subventions ciblées.
Dans une perspective régionale, Brazzaville ambitionne de partager cette démarche au sein de la CEMAC, afin d’harmoniser les standards professionnels. « Le Congo-Brazzaville peut devenir un laboratoire de la régulation constructive en Afrique centrale », estime une universitaire, pour qui le moment est propice.
Calendrier et attentes des acteurs
D’après le calendrier provisoire, le projet de loi devrait être soumis à l’Assemblée nationale lors de la prochaine session ordinaire. Parallèlement, un décret fixera les modalités de création du fonds de soutien, espéré avant la fin de l’exercice budgétaire.
Les associations de journalistes disent attendre davantage de consultations sur les critères d’attribution des aides. Le ministre assure que des ateliers thématiques seront programmés dans plusieurs villes, permettant un dialogue direct avec les correspondants de la presse régionale et les radios communautaires.
En attendant, le CSLC intensifie ses visites d’orientation dans les rédactions pour expliquer les futures réformes. Cette présence de terrain, saluée par les professionnels, vise à construire la confiance indispensable à la réussite d’une gouvernance des médias renforcée et adaptée aux mutations actuelles.
Les observateurs internationaux suivent ces évolutions avec intérêt, certains y voyant un modèle possible pour d’autres États du continent. Pour eux, le succès reposera sur la mise en œuvre effective des décisions annoncées, mais aussi sur la capacité du secteur à s’approprier les nouveaux outils.
