Une initiative conjointe ambitieuse
Au cœur des vallons de Mindouli, le Bureau international du travail et le Projet de développement intégré des chaînes de valeurs agricoles au Congo ont remis, le 12 décembre, les certificats à la première cohorte de cent producteurs formés à la méthode « Gérez mieux votre entreprise ».
L’atelier, organisé dans le département du Pool, répond à une ambition nationale : doter le secteur primaire de compétences managériales solides pour soutenir les exportations, attirer les capitaux et créer des emplois décents en milieu rural, conformément aux orientations du Plan national de développement.
Un transfert de compétences ciblé
La formation, étalée sur plusieurs semaines, a alterné modules théoriques et mises en situation : calcul du point mort, tenue de stock, marketing paysan, gestion de la trésorerie ou encore négociation avec les agro-industriels, autant d’aspects souvent négligés par les petits exploitants malgré leur potentiel.
Le formateur principal souligne que l’approche BIT, éprouvée dans plus de cent pays, favorise la prise de décision rapide et l’évaluation rigoureuse des risques, deux compétences indispensables pour accéder au crédit agricole et contractualiser avec les acheteurs institutionnels ou les programmes d’achat scolaire.
Des témoignages révélateurs
Chez les participants, l’enthousiasme est palpable. Anastasia Nkoukou, vendeuse d’huile de palme et désormais cheffe d’entreprise déclarée, confie avoir découvert l’importance d’un tableau de flux de trésorerie : « Je sais enfin chiffrer mes marges et justifier un prix aux commerçants de Brazzaville ».
Pour Boniface Yinga, producteur de manioc, le module sur la gestion des pertes post-récolte a été décisif. Il prévoit de mutualiser un séchoir solaire avec trois voisins afin de vendre des cossettes de meilleure qualité aux minoteries locales, plutôt que d’écouler des racines périssables.
Un ancrage local stratégique
Mindouli n’a pas été choisi au hasard. Cette ville-pont entre le Pool et le sud du Congo-Brazzaville dispose de terres fertiles et d’une desserte ferroviaire stratégique. Les partenaires veulent transformer ce bassin en hub de produits agricoles transformés.
La maison agroalimentaire Mâ Kinguenga, acteur local en essor, a mobilisé les apprenants. Son dirigeant entend désormais créer un réseau de mentors villageois capables de déployer la méthode BIT dans chaque vallée, réduisant les coûts de formation sur la durée.
Pour les autorités administratives, l’engouement des jeunes prouve que l’agriculture peut redevenir un ascenseur social. Le sous-préfet Francis Hochard Tela promet de doubler l’offre foncière dédiée aux coopératives performantes et plaide pour la tenue d’une session similaire dans la sous-préfecture voisine de Kindamba.
Vers la diversification économique
Derrière cette montée en compétence se trouve un partenariat à trois niveaux. Le gouvernement congolais, par l’intermédiaire du ministère de l’Agriculture, supervise le Prodivac. La Banque africaine de développement assure le financement, tandis que le BIT fournit la méthodologie et l’accompagnement de proximité.
La convention reliant Brazzaville au BIT prévoit un suivi post-formation. Des coachs visiteront les exploitations chaque trimestre pour mesurer chiffre d’affaires, emplois créés et volumes exportés. Les données alimenteront un tableau de bord national partagé avec la BAD.
À terme, l’objectif affiché est d’intégrer ces données dans le système d’information nationale sur l’emploi afin d’affiner les politiques publiques et d’orienter les incitations fiscales vers les filières à forte valeur ajoutée comme le cacao, l’ananas séché ou le piment transformé.
Entrepreneuriat rural et inclusion financière
Les bénéficiaires interrogés identifient déjà des marchés porteurs. Certains préparent des stands pour la prochaine Foire agricole de Kinkala, d’autres testent la vente en ligne via les plateformes d’alimentation de la diaspora congolaise. Le numérique, soulignent-ils, réduit la dépendance envers les intermédiaires urbains.
En parallèle, le projet encourage la constitution de groupements d’épargne et de crédit rotatif afin de sécuriser les investissements de départ. Depuis septembre, cinq tontines ont été créées, totalisant plus de huit millions de francs CFA, selon les chiffres partagés par le coordonnateur régional.
La résilience alimentaire en ligne de mire
Les experts estiment que la résilience alimentaire du Congo-Brazzaville passe par un tissu serré de PME agricoles capables de transformer localement la production. La stratégie actuelle mise donc sur l’humain : avant de penser mécanisation, il faut consolider les compétences de base et la gouvernance coopérative.
Dans un contexte marqué par la diversification économique voulue par les autorités, l’expérience du Pool fait figure de laboratoire. Si les indicateurs restent positifs, le ministère envisage de décliner l’approche BIT-Prodivac dans la Cuvette et la Sangha, deux autres régions à fort potentiel agricole.
Le BIT se dit prêt à adapter ses manuels à chaque écosystème, notamment en intégrant les paramètres climatiques et les standards de durabilité exigés par certains importateurs européens. « L’emploi vert peut devenir un atout concurrentiel majeur », insiste Gloria Ondako Oket, plaidant pour des partenariats public-privé renforcés.
À Mindouli, la cérémonie s’est achevée par l’engagement solennel des néo-entrepreneurs : publier leurs résultats dans six mois. Une manière de rappeler qu’une certification n’est qu’une étape et que la véritable mesure du succès reste la capacité à prospérer sur des marchés exigeants.
