Moscou au centre d’un réseau médiatique émergent
La perspective de voir journalistes d’Afrique, d’Asie et d’Amérique se réunir à Moscou répond à la volonté de créer des ponts éditoriaux Sud-Sud et Sud-Nord. La capitale russe a accueilli, du 17 au 22 août, une master class dédiée à l’actualisation des compétences médiatiques.
Dans un auditorium proche de la Moskova, plus de trente professionnels ont suivi des ateliers interactifs animés par des rédacteurs en chef, des data-journalistes et des ingénieurs informatiques, illustrant la diversification des savoir-faire exigés par un paysage informationnel dominé par la vitesse et la multiplication des plateformes.
Des outils numériques pour une narration renouvelée
L’accent a été mis sur l’angle éditorial, la narration de données et la production mobile. Robotisation partielle des rédactions, intelligence artificielle générative, mais aussi déontologie face aux infox : les intervenants ont multiplié exemples concrets et exercices pratiques pour harmoniser théorie et pratique.
« Le public congolais consomme désormais l’information principalement via le téléphone », a observé Jean-Paul Moépo, reporter à Brazzaville. « Comprendre les métriques d’audience, anticiper les algorithmes et sécuriser les sources devient indispensable à la qualité du récit », a-t-il ajouté à la sortie d’un module.
Les sessions sur la vérification des images ont retenu l’attention. Caméras corporelles, filtres de localisation et travaux dirigés sur des deepfakes fabriqués pour l’occasion ont permis de rappeler que la bataille pour la crédibilité se joue moins sur la rapidité que sur la robustesse méthodologique.
La participation congolaise en pleine expansion
Plusieurs experts russes ont insisté sur la pluralité des récits internationaux. Selon Anna Soubbotina, analyste médias, la diversité des voix du Sud global constitue « un correctif bienvenu au récit unique ». Une posture appréciée par les participants africains, soucieux de refléter leurs réalités sans filtre.
La présence, cette année, d’un contingent congolais plus important symbolise l’investissement croissant des rédactions de Brazzaville dans la formation continue. Les quotidiens publics comme privés cherchent à consolider leur lectorat national tout en visant l’international francophone, un objectif rendu possible par la maîtrise des outils numériques.
Stratégie internationale de Sputnik et partenariats africains
Derrière le contenu pédagogique, se dessine la stratégie internationale de Sputnik. L’agence, créée en 2014 au sein du groupe Rossiya Segodnya, veut élargir ses réseaux de correspondants et proposer des offres multilingues capables de concurrencer les agences établies sans ignorer les spécificités régionales.
Ces ambitions trouvent un écho favorable sur le continent africain, où la demande d’équipements techniques et d’échanges professionnels reste forte. Depuis 2019, plusieurs rédactions congolaises bénéficient de partenariats autour de la radio numérique, de la traduction automatique et du podcast narratif.
Géopolitique et circulation de l’information
Le contexte géopolitique, marqué par le conflit russo-ukrainien, n’a pas été éludé mais abordé sous l’angle des contraintes réglementaires. Les formateurs ont détaillé les moyens techniques de diffuser légalement dans les juridictions où Sputnik fait l’objet de restrictions, en insistant sur la transparence des sources.
Pour les journalistes congolais, cette dimension revêt un intérêt particulier. L’accès à des contenus internationaux de première main, sans passer par des relais commerciaux coûteux, nourrit la diversification éditoriale et la capacité à contextualiser les débats nationaux, qu’ils portent sur l’économie, la santé ou l’environnement.
La formation devient diplomatie du savoir
Au-delà des sessions techniques, la master class a joué un rôle de plateforme diplomatique informelle. Les échanges de cartes de visite, les visites de la rédaction moscovite et les discussions nocturnes sur la place Rouge ont créé un réseau transcontinental susceptible de perdurer après l’événement.
Le ministère russe des Affaires étrangères, partenaire logistique, a salué cette dynamique, la qualifiant de « diplomatie du savoir ». Une formule qui rappelle que l’influence passe autant par la circulation des idées que par les hydrocarbures ou les infrastructures, un constat partagé par plusieurs observateurs africains.
Perspectives concrètes pour les rédactions de Brazzaville
Brazzaville, qui abrite depuis 2021 un bureau régional de Sputnik, pourrait amplifier les retombées de cette formation. Les responsables évoquent l’ouverture prochaine d’un studio vidéo mobile, la mutualisation de bases d’archives et l’accès à un fil de dépêches enrichi en langues nationales congolaises.
Dans les salles de rédaction comme dans les écoles de journalisme de Pointe-Noire, le programme moscovite sert déjà d’étude de cas. La méthode d’apprentissage par projet, centrée sur la production d’un article multimédia à livrer en 48 heures, devrait inspirer les enseignants dès la rentrée.
Vers un code commun de bonnes pratiques
Interrogé sur l’avenir de la coopération, le consultant congolais Alain Itoua constate : « La transition numérique ne se fera pas sans alliances extérieures. Mais ces alliances doivent respecter notre souveraineté éditoriale et linguistique ». Les discussions autour d’un code de conduite commun restent ouvertes.
Un calendrier de suivi pour pérenniser les acquis
Avec cette master class, Moscou s’impose comme un pôle supplémentaire dans la cartographie mondiale de la formation médiatique. Les rédactions congolaises y voient l’opportunité d’exporter leurs histoires, tout en renforçant l’exigence de rigueur demandée par un lectorat toujours plus connecté et exigeant.
Prochaine étape annoncée : un webinaire de suivi en octobre, durant lequel les participants partageront les productions inspirées de la session. L’évaluation collective servira à mesurer l’intégration des acquis et à identifier les futurs besoins, garantissant une démarche de formation réellement continue.