Une formation inédite à Brazzaville
À Brazzaville, la Fondation Challenge Futura, dirigée par l’ingénieur congolais Tsengué-Tsengué, vient de clore une session de formation destinée à un groupe de jeunes malentendants. En dix jours, les apprenants ont découvert la myciculture et se sont familiarisés avec chaque étape de la production des pleurotes.
L’initiative s’inscrit dans la volonté de multiplier des opportunités économiques pour les personnes vivant avec un handicap. Elle répond également à la popularité croissante des champignons, un produit « bien prisé par les Congolais », selon les responsables de la formation.
Dans les coulisses de la Cité scientifique
Le site pilote se trouve à la Cité scientifique de Brazzaville. C’est là que les malentendants assemblent copeaux de bois, son de blé ou de maïs et mycélium, mélange indispensable à la croissance des pleurotes. Les ateliers s’enchaînent, alliant observation visuelle et démonstration gestuelle.
Sous un soleil souvent implacable, filles et garçons s’activent autour des sacs de substrat. L’absence de mots parlés ne nuit pas à la coordination ; la communication passe par les gestes techniques répétés jusqu’à la maîtrise, confirmant la pertinence d’un apprentissage adapté à leurs capacités.
Le formateur Dieu-Merci Doubou souligne que « les malentendants ont des aptitudes ou facultés pour cultiver les champignons ». Dans l’espace clos du laboratoire comme dans la cour, il guide le groupe avec une pédagogie pensée pour tirer parti de leur sens aigu de l’observation.
Le geste technique de la pasteurisation
Au cœur du processus, la pasteurisation des substrats garantit la qualité sanitaire des pleurotes. « C’est une opération de traitement thermique », explique Dieu-Merci Doubou, montrant les fûts où les sacs subissent une montée en température contrôlée destinée à éliminer les micro-organismes indésirables.
Cette étape, décrite comme la plus délicate, conditionne la réussite des lots. Une pasteurisation incomplète peut compromettre toute la récolte, tandis qu’une chauffe excessive altère la structure du substrat. Les apprenants apprennent à surveiller la durée et la température avec rigueur.
Le protocole est répété jusqu’à devenir un réflexe. Chaque sac refroidi est ensuite ensemencé de mycélium avant d’être suspendu ou rangé dans l’enceinte d’incubation. Là, les filaments blancs colonisent lentement le substrat, prélude à l’apparition des premiers chapeaux.
De la formation à l’entreprise durable
Si dix jours suffisent à transmettre les bases, Tsengué-Tsengué juge que « l’accompagnement pour devenir une vraie entreprise va durer beaucoup de temps : peut-être entre 12 et 18 mois ». Il s’agit de transformer un savoir-faire artisanal en projet économique viable.
Le responsable prévoit un suivi individualisé : gestion des intrants, contrôle de la production, commercialisation et calcul des marges. Chaque stagiaire devra démontrer une capacité à reproduire les cycles sans assistance, afin de sécuriser ses premiers revenus.
L’enjeu dépasse la simple insertion professionnelle ; il s’agit de construire un modèle où les malentendants deviennent employeurs à leur tour. La Fondation Challenge Futura souhaite ainsi créer une chaîne de valeur inclusive, capable de s’étendre à d’autres localités congolaises.
La parole aux bénéficiaires
Dans la ferme mycicole, les pleurotes arrivés à maturité sont cueillis puis vendus frais. Le sourire de Nathan Kianguébéné, l’un des stagiaires, témoigne d’une fierté nouvelle. « Pour faire un bon travail, il faut du matériel », signe-t-il, rappelant les besoins spécifiques liés à leur vulnérabilité.
Le jeune homme insiste sur les équipements manquants : gants, masques, balances précises ou simples brouettes pour déplacer les sacs lourds. Chaque outil facilitera un rendement régulier et préservera l’autonomie du groupe.
Les formateurs, conscients de ces contraintes, envisagent un fonds de soutien en nature. Des kits de démarrage pourraient être octroyés aux plus assidus, garantissant la continuité de la production une fois la période d’incubation entrepreneuriale terminée.
Un marché national avide de pleurotes
Les pleurotes récoltés trouvent rapidement preneur, preuve d’une demande locale soutenue. Dans les quartiers de Brazzaville, leur texture fine et leur valeur nutritive séduisent restaurateurs et ménages, offrant aux nouveaux producteurs un débouché immédiat.
Cette appétence constitue un levier pour la professionnalisation. En alignant volumes et qualité, les stagiaires pourront stabiliser leurs prix et fidéliser une clientèle régulière. Leurs champignons, issus d’une filière inclusive, bénéficient en outre d’une image positive auprès des consommateurs.
À terme, la Fondation Challenge Futura espère que l’exemple de la Cité scientifique fera école. La myciculture apparaît comme une piste réaliste pour conjuguer diversification agricole, création d’emplois et intégration socio-économique des personnes en situation de handicap au Congo-Brazzaville.