Un jalon industriel dans le couloir sucrier congolais
Le 27 juin 2025, la Bouenza a renoué avec son passé manufacturier par l’inauguration officielle de la première distillerie d’éthanol du pays. Implantée à quelque 350 kilomètres au sud de Brazzaville, l’unité, fruit d’un investissement de 14 milliards de francs CFA du groupe Castel via sa filiale Somdia, vient compléter le dispositif sucrier de SARIS Congo. D’une capacité déclarée de cinquante mètres cubes par jour, l’usine devrait générer plus de six millions de litres d’éthanol par an, couvrant ainsi la totalité de la demande intérieure estimée à 5,5 millions de litres.
Diversification agricole et intégration verticale
La configuration du projet illustre les bénéfices d’une intégration verticale rarement atteinte dans les économies d’Afrique centrale. La mélasse issue du raffinage de la canne à sucre, autrefois considérée comme un sous-produit à faible valeur ajoutée, est désormais réintroduite dans la chaîne par distillation. Ce cycle vertueux consolide la filière sucrière, sécurise les débouchés des 12 000 hectares déjà plantés et encourage l’extension programmée de 8 000 hectares supplémentaires. Selon un cadre de SARIS, « chaque tonne de canne bénéficie désormais d’un rendement économique maximal, sans gaspillage ni exportation de valeur ».
Retombées socio-économiques pour la Bouenza
Au-delà des chiffres macroéconomiques, l’impact le plus immédiat se mesure sur le marché du travail et sur les revenus des exploitants de la région. Les autorités départementales avancent la création directe de 250 emplois qualifiés et près d’un millier d’emplois indirects dans la logistique, la maintenance et les services connexes. La chambre de commerce locale rappelle que chaque emploi industriel stabilisé génère un effet multiplicateur d’au moins 1,8 dans les activités de soutien, un paramètre décisif dans un département longtemps confronté au chômage structurel.
Souveraineté énergétique et sécurité sanitaire
La substitution aux importations constitue l’argument central du dossier. Le Congo consacrait jusqu’ici près de six milliards de francs CFA par an à l’importation d’alcool industriel et pharmaceutique, soumis à la volatilité des taux de change et aux ruptures d’approvisionnement. Désormais, les industries des boissons, de la pharmacie et de la cosmétique disposent d’une source domestique stable, réduisant la dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs tout en améliorant la traçabilité sanitaire du produit.
Attractivité et climat des affaires
La réussite d’un investissement de cette envergure renforce la crédibilité du Congo auprès des bailleurs et partenaires techniques. Pour Ludovic Ngatsé, ministre de l’Économie, « ce type d’initiative consolide notre souveraineté industrielle et démontre la pertinence de notre cadre incitatif ». Les facilités accordées – exonérations ciblées, aménagements fonciers, guichet unique – devraient, selon les analystes, servir de matrice à d’autres projets agro-industriels, notamment dans les filières palmier à huile et manioc.
Maîtrise environnementale : vers une économie circulaire
La valorisation de la biomasse cannière répond aux impératifs contemporains de décarbonation. Les résidus fibres et vinasses seront récupérés pour produire de la bagasse énergétique et des fertilisants organiques, réduisant l’empreinte carbone globale du site. Un protocole de suivi, établi avec l’Agence congolaise de l’environnement, prévoit un monitoring trimestriel des effluents liquides et gazeux afin de respecter les normes de la CEEAC.
Perspectives de gouvernance inclusive
Si le cadre réglementaire est consolidé, la pérennité du projet dépendra également de la participation active des collectivités et des organisations paysannes. Les autorités ont annoncé la mise en place d’un comité de suivi associant administration, opérateur privé et société civile locale. Objectif : garantir une redistribution équitable de la valeur, prévenir les conflits d’usage des terres et favoriser la formation des jeunes techniciens congolais.
À l’orée d’échéances politiques importantes, la distillerie de Nkayi s’inscrit ainsi comme un symbole de gouvernance partenariale et de modernisation productive. En associant compétitivité, création d’emplois et maîtrise environnementale, l’initiative confirme la trajectoire du Congo vers une industrialisation adaptée à ses ressources et à ses ambitions régionales.