Une vocation forgée dans l’exigence républicaine
Né en 1937, au crépuscule de la période coloniale, Note Agathon appartient à la génération d’élite que le jeune État congolais a envoyée suivre un cursus d’excellence sur les bords de la Seine. Diplômé de l’École nationale d’administration, il découvre une culture du service public axée sur la neutralité, l’efficacité et le respect scrupuleux de la chose publique. « Il revenait toujours de Paris avec cette obsession du devoir, comme si chaque manquement fût une défaite personnelle », témoigne un de ses condisciples de promotion. Cette rigueur intériorisée deviendra la matrice de son action, imposant à ses collaborateurs, dès son retour à Brazzaville, une discipline de travail rarement observée dans la fonction publique de l’époque.
De l’ENA aux premières réformes de l’Ofnacom
Lorsqu’il prend, au milieu des années 1970, la direction générale de l’Office national du commerce (Ofnacom), l’économie congolaise cherche un second souffle après les chocs pétroliers. Fidèle aux méthodes apprises outre-Manche, il introduit la contractualisation des objectifs et une logique de comptes d’exploitation séparés, anticipant les futures bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise publique. Dans un rapport demeuré célèbre au sein du ministère du Commerce, il écrivait que « le commerce extérieur n’est viable qu’à la mesure de notre probité ». Cette phrase, souvent citée dans les amphis de sciences économiques de l’Université Marien-Ngouabi, résume son credo : l’éthique n’est pas un luxe moral mais la condition première de la compétitivité.
Franc-parler et loyauté au cœur des arcanes politiques
En 1987, le Premier ministre Jacques Joachim Yhomby-Opango l’appelle à ses côtés comme directeur de cabinet. Le binôme se distingue par un sens aigu de la collégialité décisionnelle. Dans les couloirs du Palais du Peuple, on loue sa capacité à arbitrer les tensions administratives sans jamais céder à la cacophonie des intérêts particuliers. « La franchise de Note Agathon était légendaire », rappelle aujourd’hui un ancien conseiller, évoquant ces réunions où il n’hésitait pas à remettre en cause les dossiers les plus sensibles, au nom de la transparence. Cette indépendance de ton, loin de signifier une défiance, illustre une fidélité absolue à l’autorité de l’État et, partant, au chef de l’exécutif qui l’incarne.
Coopération franco-congolaise, fil rouge d’un destin
Du Conseil économique et social de Brazzaville aux programmes de jumelage avec les collectivités d’Île-de-France, Note Agathon devient l’un des artisans discrets de la diplomatie administrative. Sa capacité à dialoguer avec les cadres français tout en défendant les priorités nationales conforte la crédibilité de la République du Congo dans les enceintes multilatérales. L’ambassade de France à Brazzaville souligne encore « la cordialité exigeante » qui caractérisait ses négociations, rappelant combien la confiance personnelle peut accélérer la concrétisation des projets de développement.
Perspectives mémorielles et dynamiques institutionnelles
Le retraité qu’il devint à l’aube des années 2000 n’avait rien d’un observateur passif. Président de la Cour constitutionnelle jusqu’en 2013, il veillait avec vigilance sur la consolidation de l’État de droit, tout en prodiguant ses conseils aux nouvelles générations d’administrateurs. Sa disparition, survenue à Nancy le 22 juillet 2025, ouvre une séquence mémorielle dont les retombées dépassent le cadre d’un hommage personnel. Le gouvernement, par la voix du ministre d’État en charge de la Fonction publique, a salué « une conscience professionnelle qui honore la nation tout entière ». Le recueillement annoncé en région parisienne, avant le transfert de la dépouille vers Brazzaville, devrait fédérer la diaspora, tandis que l’idée d’une promotion « Note Agathon » dans les écoles nationales est déjà évoquée. Au-delà de la tristesse, le legs qu’il laisse invite l’administration congolaise à perpétuer cette alliance rare entre compétence, probité et patriotisme éclairé.