INS et chefs d’entreprise vers des données fiables
Autour de Steve Bertrand Mboko Ibara, directeur général de l’Institut national de statistique, une quarantaine de responsables industriels se sont réunis le 24 octobre à Brazzaville. L’objectif affiché : présenter la feuille de route d’une vaste modernisation des indicateurs conjoncturels produits par l’INS.
En ouvrant la séance, le dirigeant a insisté sur la nécessité de « renforcer la crédibilité de la statistique publique » afin de doter le Congo-Brazzaville d’outils d’analyse comparables à ceux des économies émergentes. Une série de vagues de collecte commencera dès les prochaines semaines auprès des sites de production.
Le calendrier, resserré, prévoit des tests pilotes avant la fin de l’année, puis un déploiement complet au premier trimestre suivant. Les entreprises partenaires transmettront mensuellement volumes fabriqués, prix départ-usine et renseignements techniques indispensables à l’élaboration des nouveaux coefficients.
En choisissant d’associer directement les opérateurs économiques à chaque étape, l’INS entend « construire des indices qui ressemblent réellement à nos chaînes de valeur », souligne un cadre de l’institution. Ce partenariat doit assurer la représentativité sectorielle, de la métallurgie aux industries agroalimentaires.
IPI et IPPI, thermomètres de la production
Depuis une décennie, l’Indice de la production industrielle et l’Indice des prix à la production servent de boussole aux analystes, mais leur champ restreint ne reflète plus l’essor de nouvelles filières. L’actualisation vise donc à capturer la réalité d’un tissu productif plus diversifié.
Ces deux baromètres offrent un double éclairage. L’IPI mesure l’évolution des volumes, détectant rapidement ralentissements ou rebonds. L’IPPI, lui, observe les variations de prix à la sortie des usines, information précieuse pour anticiper l’inflation et ajuster les politiques de soutien au pouvoir d’achat.
Selon Steve Bertrand Mboko Ibara, « la combinaison de ces indices permet aux producteurs d’anticiper, de calibrer les investissements et de négocier leurs contrats d’approvisionnement avec une meilleure visibilité sur les tendances ». Un argument qui achève de convaincre les plus réticents à ouvrir leurs registres.
Vers une méthodologie conforme aux normes internationales
Le chantier technique s’annonce profond. L’INS adoptera les standards recommandés par l’ONU et la Commission économique pour l’Afrique, garantissant la comparabilité régionale. Pondérations sectorielles révisées, échantillons élargis et utilisation accrue des technologies mobiles composeront la nouvelle architecture.
Les questionnaires seront désormais dématérialisés. Grâce à une plateforme sécurisée, les entreprises déposeront leurs déclarations en quelques minutes. Cette innovation doit réduire les charges administratives et accélérer la publication des indicateurs, aujourd’hui diffusés avec un délai jugé trop long par les utilisateurs.
Parallèlement, les statisticiens recevront des formations ciblées sur la validation automatisée des données et la détection d’anomalies. « Nous voulons combiner expertise humaine et algorithmes pour livrer des séries homogènes et sans rupture méthodologique », explique un chef de projet.
L’institut planifie également des missions d’assistance technique avec des partenaires de la CEMAC. Ces échanges permettront d’harmoniser les pratiques et d’installer une coopération Sud-Sud durable autour de la statistique industrielle.
Une collecte collaborative avec le secteur privé
Le succès de la refonte dépendra de l’engagement des entreprises. L’INS mise sur des accords de confidentialité stricts pour lever les craintes. Les données remonteront sous forme agrégée, sans révéler la situation concurrentielle d’aucun acteur.
Les fédérations professionnelles ont salué la démarche jugée inclusive. « Nous participons parce qu’un indicateur fiable sert nos négociations salariales et nos discussions avec les banques », confie un dirigeant du secteur bois. Plusieurs groupes ont déjà nommé des référents statistiques chargés d’alimenter la plateforme.
Un dispositif de retour d’informations est prévu. Chaque société recevra, en contrepartie de sa collaboration, une note analytique trimestrielle comparant ses performances anonymisées à la moyenne sectorielle. Cet outil interne pourrait stimuler la compétitivité et encourager la mise à niveau technologique.
Pour accompagner les plus petites unités, l’INS propose des ateliers de formation sur la tenue de comptabilités de gestion simplifiées. L’objectif est d’éviter des exclusions, afin que l’échantillon reflète la mosaïque des acteurs, y compris l’économie informelle en voie de formalisation.
Des retombées attendues pour l’économie congolaise
À terme, l’amélioration des statistiques industrielles devrait renforcer la capacité des pouvoirs publics à piloter la diversification économique voulue par le Plan national de développement. Une lecture fine des tendances facilitera l’allocation des ressources budgétaires vers les segments les plus porteurs.
Les investisseurs, nationaux comme étrangers, disposeront d’une information objective pour évaluer les risques et identifier les opportunités. Une meilleure visibilité des marges et des volumes soutiendra l’accès au crédit, condition indispensable à la modernisation des équipements.
Sur le plan académique, les universités et centres de recherche gagneront un matériau empirique riche pour analyser la transformation structurelle du Congo-Brazzaville. L’INS prévoit d’ailleurs de publier, chaque fin d’année, un rapport thématique approfondi.
En filigrane, la refonte des indices témoigne de la volonté des autorités de consolider une culture de la donnée. Une économie plus transparente, nourrie de statistiques robustes, est un gage de confiance pour les citoyens, les entrepreneurs et les partenaires internationaux.
