Visite diplomatique éclair à Brazzaville
Arrivée discrète le 4 décembre au soir, Madame Obasanjo, épouse de l’ancien président nigérian, a foulé le tarmac de Maya-Maya avec une délégation resserrée. Son agenda prévoyait des rendez-vous institutionnels, un passage au Think Tank Carrefour et plusieurs échanges avec des entrepreneurs.
Le 5 décembre, elle a été reçue au palais du Peuple par le président Denis Sassou Nguesso. La chaleureuse audience, d’une trentaine de minutes, a permis de saluer la constance de la coopération entre Brazzaville et Abuja, tout en explorant les pistes d’un approfondissement économique.
Un message stratégique d’Oleségun Obasanjo
S’exprimant à la sortie, Madame Obasanjo a indiqué porter «un message personnel» de son époux à son homologue congolais. Au cœur de cette missive figure la conviction qu’un contenu local renforcé constitue la condition première pour transformer la manne pétrolière et gazière du continent en valeur durable.
L’ancien président nigérian, acteur respecté des médiations africaines, propose selon elle de mutualiser expertises, formations et capitaux entre États producteurs. Il estime que des alliances bilatérales, complétées par des consortiums régionaux, peuvent accélérer la création d’emplois qualifiés tout en consolidant les chaînes de valeur énergétiques.
Le forum “Vendredis de Carrefour” en chiffres
La 30e session des Vendredis de Carrefour, abritée par le centre international de Kintélé, a réuni plus de 300 participants issus de quinze pays. Ministres, directeurs généraux, universitaires, start-ups et bailleurs de fonds ont planché pendant deux jours sur le triptyque investissement, transfert de compétence et protection des marchés.
Placées sous le patronage de la première dame Antoinette Sassou Nguesso, les discussions étaient coordonnées par le ministre des Hydrocarbures, Bruno Jean-Richard Itoua. Celui-ci a rappelé l’ambition du Think Tank : générer des réflexions africaines capables d’influencer l’agenda des grandes institutions internationales.
Contenu local : un enjeu partagé
Le concept de contenu local, popularisé par le Nigeria dès 2010, exige que les sociétés étrangères accordent une part croissante des contrats, de la formation et de la technologie aux nationaux. Au Congo-Brazzaville, la loi de 2016 pose déjà des jalons, mais son application reste perfectible selon plusieurs intervenants.
Des représentants de compagnies pétrolières ont évoqué la hausse du taux d’équipements produits localement, passé de 15 % à 28 % en six ans. Les syndicats ont salué ce progrès tout en réclamant une attention accrue à la sous-traitance, point névralgique pour les jeunes ingénieurs diplômés.
Vers un marché domestique africain intégré
Au-delà de l’industrie extractive, les panélistes ont insisté sur la nécessité d’élargir le marché domestique africain. Selon une étude présentée par l’université Marien-Ngouabi, l’agrégation de la seule demande énergétique du Golfe de Guinée pourrait soutenir une base industrielle commune, réduisant de 30 % les importations d’équipements.
La Zone de libre-échange continentale africaine, entrée en phase opérationnelle, a été citée comme catalyseur. «La taille du marché compte, elle attire l’usine», a souligné l’économiste camerounais Dieudonné Tsimi. Pour lui, la complémentarité Congo-Nigeria dans l’énergie trace une voie pragmatique vers cette intégration.
Rôle moteur du Congo-Brazzaville
Devant les participants, Bruno Jean-Richard Itoua a rappelé que le Congo-Brazzaville se classe aujourd’hui parmi les trois premiers producteurs de pétrole du Golfe de Guinée. Le ministre a présenté la stratégie nationale de valorisation du gaz, destinée à alimenter aussi bien l’industrie locale que l’export.
Il a également mis en avant la réforme fiscale de 2023 qui offre aux entreprises respectant des quotas de contenu local un crédit d’impôt progressif. Cette incitation, inspirée du modèle nigérian, vise à stimuler l’implantation d’ateliers de fabrication et de centres de compétence à Pointe-Noire.
Perspectives pour la coopération sud-sud
Madame Obasanjo a salué «la volonté politique claire» manifestée par Brazzaville, estimant que le moment est venu de lancer un groupe de travail conjoint. Celui-ci pourrait planifier des programmes de formation croisée et identifier des infrastructures portuaires ou logistiques à co-financer pour réduire les coûts régionaux.
Des chefs d’entreprise congolais et nigérians présents ont d’ores et déjà proposé de structurer un fonds d’investissement de dix millions de dollars pour soutenir les petites et moyennes entreprises actives dans la métallurgie, la mécanique et les services numériques liés à l’énergie, secteurs supposés créer rapidement des emplois.
Avec un coût logistique encore élevé dans la sous-région, les experts ont insisté sur la nécessité d’une desserte aérienne plus dense. Equatorial Congo Airlines étudierait une ligne Brazzaville-Lagos destinée aux hommes d’affaires, tandis que des opérateurs privés envisagent un service de fret maritime express entre Pointe-Noire et Port Harcourt.
Le forum s’est achevé par l’adoption d’un communiqué final accueillant favorablement la proposition d’un Observatoire du contenu local. Cet organe, domicilié à Brazzaville, compilerait les données de production, mesurerait l’impact social et publierait un baromètre annuel afin d’orienter les politiques publiques de la région.
Dans les coulisses, plusieurs délégations ont déjà fixé un prochain rendez-vous, prévu à Abuja l’an prochain, pour évaluer les avancées. À l’issue de la cérémonie, Madame Obasanjo a déclaré que «les gestes symboliques doivent maintenant devenir des projets bancables», message accueilli avec approbation par la partie congolaise.
