Un scrutin interne révélateur des dynamiques diasporiques
Le 26 mai dernier, dans une salle polyvalente du nord de Paris empreinte d’effervescence, les membres de l’Association Ouenzé Intendance (AOI) ont tranché avec une précision arithmétique. 53 % des suffrages ont porté Roch Le Prince Okouele à la présidence du Bureau exécutif, tandis que son challenger, Maurille Okilassali, recueillait 47 %. Si l’écart apparaît ténu, il traduit néanmoins l’aspiration d’une base militante à conjuguer héritage et modernité. L’AOI, fondée par des Brazzavillois originaires du quartier Ouenzé et établie dans l’espace européen, demeure un microcosme où s’observent, à échelle réduite, les recompositions politiques et identitaires de la diaspora congolaise.
L’importance symbolique de cette élection ne tient pas uniquement au résultat numérique, mais à la trajectoire du vainqueur. Jadis chargé de la communication, Roch Le Prince Okouele représente la figure d’un leadership intermédiaire qui, depuis une décennie, prône un volontarisme participatif sans rompre avec la mémoire collective. Sa campagne, articulée autour du slogan « fédérer pour mieux rayonner », a insisté sur la valeur ajoutée d’un réseau diasporique désormais soumis aux exigences de la globalisation et à la concurrence de nouveaux acteurs de la société civile africaine.
La stratégie Ouenzé Intendance Évents comme levier de cohésion
Dès la proclamation des résultats, le nouveau président a esquissé ce qu’il appelle son « pilier stratégique ». Baptisé Ouenzé Intendance Évents, ce dispositif se veut à la fois laboratoire d’idées, vitrine et moteur économique. L’objectif déclaré consiste à transformer l’association en plateforme d’expression artistique, d’innovation sociale et de réflexion prospective. Concrètement, il s’agira d’orchestrer des festivals, des forums professionnels et des rendez-vous académiques capables de valoriser les talents congolo-européens tout en consolidant la cohésion interne.
Cette orientation repose sur un constat : les générations post-1990, davantage mobiles, exigent des structures souples et polyvalentes. Organiser un concours de slam, parrainer une exposition de photographies de Brazzaville ou faciliter un mentorat numérique entre étudiants et cadres expérimentés deviennent autant de leviers pour entretenir l’appartenance au quartier d’origine, transcender les frontières et nouer des partenariats gagnant-gagnant avec les collectivités locales françaises. À terme, la monétisation d’événements et la recherche de sponsors institutionnels doivent constituer un socle financier permettant d’appuyer des projets communautaires à Brazzaville, notamment dans le domaine de la formation professionnelle.
Gouvernance inclusive et capital humain : les priorités affichées
La crédibilité d’une feuille de route ne se mesure pourtant pas à la seule ingénierie événementielle. Roch Le Prince Okouele, conscient du défi, mise sur une gouvernance inclusive plaçant chaque membre au cœur du processus décisionnel. « Nul ne sera spectateur », a-t-il martelé, invitant les jeunes bénévoles, les femmes entrepreneures et les aînés historiques à coproduire les orientations de l’AOI. Cette volonté se traduit par la création annoncée de groupes-projets transversaux chargés d’identifier des indicateurs d’impact – du taux de rétention des adhérents à la visibilité médiatique – pour mieux ajuster les allocations de ressources.
L’élection simultanée de Serge Miere à la présidence de la commission de contrôle et de vérification, avec 57 % des voix, participe de cette architecture. Le nouvel inspecteur financier, réputé pour sa rigueur, devra veiller à la transparence budgétaire, condition sine qua non pour attirer mécènes et partenaires institutionnels. Au sein de la diaspora, où la méfiance vis-à-vis des structures collectives persiste, la responsabilité fiduciaire apparaît comme le premier gage de légitimité. En creux, se dessine l’ambition de faire de l’AOI un modèle de bonne gouvernance transnationale, conforme aux standards promus par les organisations internationales.
Articulation avec les politiques publiques congolaises
Au-delà des préoccupations internes, la nouvelle équipe dirigeante entend s’aligner sur les priorités nationales défendues par les autorités de Brazzaville. Depuis la Conférence nationale souveraine, le Congo-Brazzaville promeut une diplomatie culturelle et économique axée sur la valorisation de son capital humain à l’étranger. Dans ses premières déclarations, Roch Le Prince Okouele a salué « le dialogue permanent soutenu par les représentations diplomatiques de la République », rappelant que la mobilisation de la diaspora constitue un relais essentiel pour la diversification de l’économie et l’attractivité touristique.
Cette convergence se matérialisera par la mise en relation systématique des porteurs de projets de l’AOI avec les ministères sectoriels à Brazzaville : culture et arts, enseignement technique, petites et moyennes entreprises. Ainsi, un concours d’initiation au codage, conçu à Paris, pourrait trouver son prolongement dans un lycée technique de Ouenzé, conformément aux orientations gouvernementales en faveur du numérique. L’association aspire, en outre, à participer aux futures éditions du Forum Investir au Congo, plate-forme qui promeut les synergies entre pouvoirs publics et opérateurs privés.
De Brazzaville à Paris, une diplomatie communautaire en marche
Si toute association naît d’un besoin de solidarité, elle évolue aujourd’hui dans un écosystème international où s’entremêlent soft power, entrepreneuriat social et enjeux identitaires. L’AOI l’a compris : prolonger sa mission initiale d’entraide nécessite de se muer en acteur de taille dans les réseaux transafricains. À moyen terme, la présidence Okouele envisage la signature de protocoles de jumelage avec des organisations sœurs en Belgique, au Canada et dans les pays d’Afrique centrale, de manière à mutualiser les expertises et peser dans le plaidoyer migratoire.
En filigrane, se profile l’idée d’une « diplomatie communautaire » qui, sans se substituer à l’action de l’État, la complète. Les diplomates en poste à Paris voient d’un œil favorable ces entités capables de mobiliser des compétences, de promouvoir une image positive du Congo et de contribuer, par des micro-projets ciblés, à l’essor socio-économique national. En définitive, l’avènement de Roch Le Prince Okouele constitue moins une rupture qu’un ajustement stratégique : faire de l’AOI un incubateur de talents et un pont entre les deux rives du fleuve Congo, tout en demeurant fidèle à la devise originelle : unité, entraide, progrès.