Commémoration à Owando : un rituel militaire à haute teneur symbolique
La petite capitale régionale d’Owando, nichée sur les rives de la Likouala-Mossaka, a vibré le 22 juin au rythme des salves d’honneur et des parades martiales. Dans l’enceinte du camp de la zone militaire de défense n°4, la préfète Emma Henriette Berthe Bassinga a conduit la cérémonie marquant le 64ᵉ anniversaire des Forces armées congolaises (FAC) et de la Gendarmerie nationale. Le dépôt de gerbe à la place de la République, en hommage « aux frères d’armes tombés pour la Nation », a rappelé la profondeur mémorielle d’institutions créées en 1960, sur les cendres de la Force publique coloniale.
Le triptyque honneur, dévouement, rigueur : fil conducteur d’un sacerdoce militaire
Sous le thème « Servir avec honneur et dévouement, protéger et défendre avec rigueur », le capitaine de vaisseau-major Misère Dieudonné Okana a rappelé que « le métier des armes est un sacerdoce ». Inspiré par les statuts de 2001 révisés en 2015, le commandant de zone a invité ses subordonnés à « poursuivre la préparation opérationnelle face aux défis sécuritaires et aux engagements futurs, notamment l’échéance électorale de 2026 ». Cette mise en perspective résonne alors que plusieurs ONG, telles que le Centre d’étude pour la démocratie et les droits humains, pointent le risque d’instrumentalisation des forces en période de compétition politique.
Préparer 2026 : entre doctrine de neutralité et réalités de terrain
L’horizon électoral de 2026 s’annonce déterminant pour la crédibilité institutionnelle de l’armée congolaise. Les précédentes consultations ont parfois été émaillées d’allégations d’usage disproportionné de la force, documentées par la Commission nationale des droits de l’homme et par Amnesty International. L’état-major s’attache donc à redorer son image en intensifiant les exercices de maintien de l’ordre et les formations aux droits humains, soutenues par la Mission de conseil de l’Union européenne à Brazzaville et par le Partenariat pour la paix de l’Union africaine, selon des informations croisées auprès de sources diplomatiques.
La dimension civilo-militaire : foi, sport et cohésion sociale
Au-delà des manœuvres, la journée du 22 juin a misé sur la proximité avec la population. Compétitions de football, de volley-ball ou de tir au PMAK, remises de trophées et messe œcuménique à l’Église évangélique du Congo ont illustré la stratégie de « diplomatie de terrain » défendue par le lieutenant-colonel Jean Serge Goma. Le pasteur Serge Mourrath a exhorté les « hommes en armes » à l’humilité, « à l’exemple du Maître qui lava les pieds de ses disciples ». Cette inflexion spirituelle répond au besoin de réconciliation entre armée et civils, encore marqué par les cicatrices des conflits de 1997-1999.
Professionnalisation et modernisation : un chantier budgétaire et politique
Si le budget de la défense a crû de près de 15 % en cinq ans selon le rapport 2023 de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, la modernisation souffre de contraintes logistiques et d’un tissu industriel limité. Les accords de coopération signés avec la Russie en 2019, puis renouvelés en 2021, ont permis la livraison de patrouilleurs fluviaux et de matériel d’infanterie. Mais les observateurs du Réseau pour la réforme du secteur de sécurité notent que la véritable équation se situe dans la gestion des ressources humaines, la transparence des promotions et la lutte contre la corruption qui érode la cohésion interne.
Sécurité régionale : la Cuvette, verrou stratégique du corridor des deux Bassins
Owando se trouve sur un axe fluvial reliant le bassin du Congo à celui du Niger via la Sangha et l’Oubangui. Cette localisation en fait un point de passage d’activités transfrontalières licites et illicites. Les FAC multiplient les patrouilles contre le braconnage d’espèces protégées et le trafic d’armes légères alimenté par les crises au Cameroun et en République centrafricaine. Pour l’expert gabonais Michel Obiang, « la sécurisation du corridor des deux Bassins est un test grandeur nature pour l’interopérabilité des forces congolaises au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale ».
Vers un nouveau contrat social entre armée et Nation
À l’heure où s’esquisse la révision du Livre blanc de la défense, la commémoration d’Owando dépasse la dimension cérémonielle. Elle pose la question du contrat social liant les forces de sécurité, la classe politique et la société civile. La consolidation des capacités techniques doit s’accompagner d’un ancrage dans l’État de droit, sans quoi le slogan « servir avec honneur » risque de demeurer un vœu pieux. La route menant aux urnes de 2026 fournira un baromètre impartial de cette évolution.