Une audience stratégique à Brazzaville
Une poignée de main fermement appuyée et quelques mots choisis ont ouvert, à Brazzaville, la toute première audience entre Pierre Ngolo, président du Sénat congolais, et Deo Osmund Mwapinga, nouveau secrétaire général du Forum parlementaire de la Cirgl.
La rencontre, organisée le 5 septembre dans l’enceinte feutrée du Palais des Congrès, traduisait l’importance accordée par les deux institutions à la consolidation d’un dialogue interparlementaire fluide, considéré comme un levier majeur de prévention des crises dans la région des Grands Lacs.
Des civilités à la coopération parlementaire
Pour Mwapinga, nommé en avril et entré en fonction en juin, il s’agissait d’abord d’une visite de courtoisie, mais aussi d’une étape déterminante pour inscrire son mandat sous le signe de la synergie avec les chambres législatives partenaires.
« Je suis venu me présenter et remercier le président du Sénat pour son accueil chaleureux », a-t-il expliqué à la sortie de l’audience, insistant sur l’urgence de « bâtir une unité parlementaire solide pour soutenir la paix et l’unité dans la région ».
Le Sénat congolais, pivot de la diplomatie régionale
Le président Pierre Ngolo a répondu en soulignant la « disponibilité totale » de l’institution à contribuer aux initiatives de la Cirgl, rappelant que le Sénat reste un espace de dialogue et de proposition pour tout ce qui touche à la stabilité économique et politique du Congo-Brazzaville.
Installé à Kinshasa, le secrétariat du Forum parlementaire travaille en réseau avec les assemblées nationales et sénatoriales de la sous-région pour harmoniser les législations, suivre les engagements sécuritaires et encourager une intégration économique souvent freinée par les crises transfrontalières.
Dans cette perspective, la participation régulière du Sénat congolais aux travaux du Forum est perçue comme un vecteur d’influence positive, d’autant que Brazzaville occupe une position charnière entre l’Afrique centrale atlantique et l’espace des Grands Lacs.
Selon un conseiller de la présidence du Sénat, la diplomatie parlementaire offre « un canal complémentaire aux démarches gouvernementales » : elle peut anticiper les tensions communautaires, faciliter la médiation et, à terme, soutenir les plans nationaux de relance économique.
Cirgl : missions et enjeux sécuritaires
Le Forum parlementaire, organe spécialisé de la Cirgl, conduit régulièrement des missions d’observation et de sensibilisation sur la circulation illicite des armes légères, la protection des populations civiles et le partage responsable des ressources naturelles.
En saluant cette action, Pierre Ngolo a souligné la complémentarité entre la diplomatie des exécutifs et le vote de lois adaptées aux défis sécuritaires qui traversent l’espace des Grands Lacs, théâtre de conflits récurrents et de déplacements de populations.
Mwapinga, pour sa part, envisage d’instituer un mécanisme d’échange d’informations en temps réel entre les commissions défense des parlements membres, afin de renforcer l’alerte précoce et d’éviter que les violences locales ne dégénèrent en crises régionales.
Le secrétaire général a indiqué qu’une session extraordinaire du Forum pourrait être organisée dans les prochains mois à Brazzaville, offrant au Sénat congolais l’opportunité de présenter ses réformes en matière de gouvernance et son plan d’appui aux collectivités frontalières.
Stabilité et développement économique partagés
À termes, cette dynamique devrait, selon les deux responsables, nourrir « une communauté de destin où la sécurité collective devient une responsabilité partagée », sans empiéter sur la souveraineté des États, précise un communiqué conjoint diffusé après l’entretien.
Le gouvernement du Congo-Brazzaville, par la voix de plusieurs ministres, répète régulièrement que la stabilité sous-régionale constitue la clé d’une diversification économique réussie, notamment pour attirer des investissements vers les zones industrielles émergentes autour de Pointe-Noire et d’Oyo.
Dans ce contexte, la diplomatie parlementaire s’inscrit comme une extension naturelle des efforts menés par le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, sur la scène de la CEMAC et de l’Union africaine pour promouvoir des solutions pacifiques aux différends.
Analystes et universitaires saluent la démarche, rappelant que les précédentes médiations parlementaires autour de la sécurité frontalière avaient contribué à désamorcer plusieurs incidents, même si des défis subsistent, notamment la mise en œuvre effective des textes adoptés.
Perspectives et calendrier des actions communes
Un chercheur du Centre d’études stratégiques de Brazzaville estime toutefois que « le volontarisme politique doit s’accompagner d’un suivi budgétaire », afin que les parlements disposent des moyens logistiques nécessaires pour déployer leurs délégations sur le terrain.
Pour l’heure, la rencontre du 5 septembre aura surtout permis de fixer un cap clair : densifier les échanges, mutualiser les expertises et garantir que chaque initiative législative intègre, en amont, les impératifs de paix et de sécurité régionales.
Les deux parties ont convenu de maintenir un calendrier de consultations trimestrielles et de tenir informées les opinions publiques, convaincues qu’une information transparente nourrit la confiance et renforce, durablement, le socle d’une paix partagée dans les Grands Lacs.
Une telle visibilité devrait également encourager les partenaires techniques et financiers à soutenir les programmes conjoints, réduisant ainsi la marge de manœuvre des groupes armés et favorisant l’émergence d’un espace économique plus intégré.