Les promesses d’une identité certifiée
À Brazzaville, l’atelier national consacré à l’identité numérique a réuni ministres, ingénieurs et bailleurs pour consacrer l’émergence d’un instrument devenu incontournable : l’identifiant électronique unique. En ouvrant les travaux, le ministre des Postes, des télécommunications et de l’économie numérique, Léon Juste Ibombo, a insisté sur la nécessité « de préserver la confidentialité des données personnelles et de garantir la souveraineté numérique » tout en positionnant le Congo parmi les nations qui misent sur la transformation digitale comme catalyseur d’inclusion.
En filigrane, l’objectif est double : sécuriser l’État civil et fluidifier l’accès des citoyens aux services dématérialisés, de l’enregistrement foncier au paiement des taxes. À l’ère des interactions transfrontalières, disposer d’une preuve d’identité interopérable devient un facteur de compétitivité économique et de stabilité sociale.
Une souveraineté numérique à consolider
La réflexion congolaise s’inscrit dans une dynamique continentale où l’identité numérique se révèle un levier de souveraineté. Dans une sous-région parfois confrontée à des flux migratoires non maîtrisés, le préfet Bonsang Oko Letchaud rappelle que « la traçabilité des individus et des transactions conditionne la sécurité nationale ». Du contrôle des frontières à la lutte contre les usurpations, l’État entend se doter d’outils dissuasifs, tout en évitant l’écueil d’une surveillance intrusive grâce à un encadrement législatif annoncé comme robuste.
Une architecture technique en phase avec les standards
Le projet, adossé au financement de la Banque mondiale dans le cadre du Projet d’accélération de la transformation numérique, repose sur la création d’un registre biométrique centralisé couplé à un « Digital Wallet ». Cette brique technologique permettra aux citoyens d’emporter, sur smartphone ou carte à puce, un identifiant crypté reconnue par les administrations et, à terme, par les partenaires bancaires. L’enjeu est de garantir l’interopérabilité avec les plateformes internationales, condition sine qua non pour faciliter les échanges commerciaux et les mouvements de capitaux.
Le groupe Thales, représenté lors de l’atelier, mettra son expertise en cybersécurité au service d’une infrastructure respectant les recommandations de l’Organisation de l’aviation civile internationale et de l’Alliance for Financial Inclusion, afin de minimiser les vulnérabilités techniques.
Former la jeunesse, clé de voûte de la stratégie
Le capital humain constitue le vecteur déterminant de la réussite du programme Congo Digital 2025. « Nous investirons dans le renforcement des capacités des jeunes Congolais afin qu’ils deviennent les artisans et bénéficiaires directs de cette révolution », souligne Léon Juste Ibombo. Des cursus de cryptographie, d’architecture de bases de données et d’audit informatique sont progressivement introduits dans les instituts spécialisés de Brazzaville et Pointe-Noire.
Cette montée en compétences doit aussi répondre aux attentes d’un secteur privé en quête de profils capables d’assurer la maintenance des centres de données et le développement d’applications souveraines. À terme, l’administration ambitionne de réduire la dépendance aux consultants étrangers et de stimuler un écosystème local de start-up.
Partenariats publics-privés et diplomatie économique
Le futur système d’identité numérique s’élabore dans un environnement où la coopération internationale demeure décisive. La Banque mondiale apporte un appui financier et méthodologique, tandis que plusieurs opérateurs télécoms nationaux mettent leurs infrastructures backbone à disposition pour héberger les nœuds de certification. Cet arrangement illustre la priorité donnée par le gouvernement à la mutualisation des ressources et à la création d’un marché numérique intégré, susceptible d’attirer de nouveaux investisseurs.
Au-delà du volet financier, la démarche congolaise renforce l’image d’un partenaire fiable auprès des bailleurs, dans une période marquée par la multiplication des projets de gouvernance électronique à travers le continent.
Un pas de plus vers l’intégration régionale sécurisée
L’adoption d’un identifiant numérique unifié ouvre des perspectives d’interopérabilité avec les pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. La libre circulation des personnes et la rationalisation des procédures douanières, souvent ralenties par l’authentification papier, pourraient ainsi connaître un gain d’efficience notable. Plusieurs experts soulignent également l’opportunité de connecter la base biométrique congolaise aux plateformes de lutte contre la criminalité transnationale, dans le strict respect des engagements internationaux en matière de protection des données.
Cap sur 2025, entre prudence et ambition
La feuille de route Congo Digital 2025 trace un horizon exigeant : généraliser l’usage d’un identifiant numérique fiable, tout en grossissant la part du secteur numérique dans le PIB. La réussite dépendra de la capacité de l’État à maintenir un équilibre subtil entre innovation technologique, inclusion sociale et vigilance éthique. Les premiers pilotes, prévus dès l’an prochain dans les centres urbains, serviront de banc d’essai pour tester la robustesse des infrastructures et la perception citoyenne.
À écouter les responsables, la démarche se veut progressive et consultative : elle associera parlementaires, société civile et autorités traditionnelles afin d’éviter toute rupture de confiance. La prudence semble donc de mise, mais l’ambition est claire : doter la République du Congo d’un passeport vers le futur, à la hauteur de ses aspirations régionales et internationales.